De profundis !
Une pièce que Terzieff aurait pu jouer !
Laurent Terzieff est mort récemment. Paix à son âme mais je m'en fous. Si je ne l'avais pas lu dans le Parisien, je crois que je ne me serais jamais demandé ce que devenait Laurent Terzieff. J'avais vu Les tricheurs de Carné quand j'étais plus jeune et j'avais trouvé le film plutôt mauvais. Comédie de mœurs terriblement datée mettant en scène la vie de bohème de jeunes parisiens sur fond d'affrontements sociaux, ce film consacrait les débuts de l'acteur.J'avais trouvé l'acteur très mauvais bien qu'il ait eu indéniablement une gueule. Jacques Charrier, qui épousa plus tard BB, était plut beau et plus juste dans son jeux. Mais l'intelligentsia parisienne ne voulut retenir que le visage halluciné d'un histrion et consacra Terzieff en tant que génie. Ce sont les mêmes qui ont toujours été persuadé que Jacques Brel ou Serge Gainsbourg avaient quelque chose à dire d'important sur le monde simplement parce qu'ils étaient doués dans la variété et qu'ils avaient des gueules. Je me dis qu'un jour moi aussi je serais tout maigre avec une "gueule" et que je pourrais éructer des conneries en passant pour un mec intelligent "qui sait".
Si je vous parle de cela c'est que la semaine passée, en allant prendre un café dans mon rade favori, ils n'avaient pas Le Parisien. Pourtant, le patron en me voyant arriver avait jeté à son serveur le rituel : un café et le Parisien pour le docteur en terrasse ! Rendez-vous compte qu'il me donne du docteur comme si j'étais un docteur en médecine. Croyez-moi ce sont ces moments là qui permettent au vermisseau que je suis de tenir le coup en affrontant ma vie médiocre. Le soir venu quand je rentre dans mon RER, assis sur ma banquette de moleskine, je peux me dire que je suis "un peu" un docteur. Il y a du Charles Bovary en moi ! J'ai un côté officier de santé. Je précise que seuls les plus lettrés de mes lecteurs saisiront cette savoureuse incursion chez Flaubert.
Or me voici donc bien dépité assis en terrasse sans mon Parisien. C'est alors qu'une femme assise à côté de moi, se leve en me proposant "le Monde qu'elle venait de terminer". Quel jour béni ! Non seulement on m'avait encore donné du "docteur" et en plus j'allais lire un Monde du jour comme un véritable intellectuel !
Premeir constat, à l'instar de tous les autres journaux, le Monde a bien minci. Au lieu du volumineux cahier qui nécessitait deux jours pour être lu, je n'ai que de minces feuillets entre les mains. Je tourne les pages, jugeant la prose et les analyses médiocres lorsque j'arrive à la page culture où j'apprends donc que Laurent Terzieff est décédé.
Le Monde qui est un journal intello lu par des intellos rappelle dans un encart sur la droite de l'article tous les "bons maux" que ledit Laurent Terzieff avait sorti dans les interviews données justement au ... Monde. Car Terzieff était interviewé par le Monde !
Comme je suis un féroce lecteur, rapide et prompt, je dévore aussi l'encart car il me tarde de savoir tout ce qu'a pu livrer le grand, que dis-je l'immense Laurent Terizeff au Monde durant les trente dernières années. J'apprends ainsi que :
"Le théâtre n'est pas du tout le monde l'illusion, c'est le reflet signifiant de l'aventure des hommes, un moyen d'appréhender le monde avec cette distance lucide que nous donne la métaphore. Cette lucidité dont René Char disait qu'elle est "la blessure la plus rapprochée du soleil".
Ce qui m'intéresse au théâtre, c'est le côté collectivement vécu, par le présence physique réelle des acteurs sur le plateau qui fait que le public devient un lui même un collectif extrêmement vivant."
Excellent non ? Et il y en avait plein comme cela de ces phrases fumeuses et vides de sens. J'ai donc appris que Terzieff avait tout lu Lacan parce qu'un mec qui parle de signifiant a forcément tout compris des séminaires de Lacan.
J'ai aussi compris pourquoi le Monde m'avait toujours fait chier et pourquoi la carrière de Laurent Terzieff m'avait laissé aussi indifférent.
Les intellectuels sont vains et je suis souvent ravi d'être un con. Voici encore un article ne traitant pas de psychologie mais bon, le précédent était dans la droite ligne de ce que l'on peut attendre d'un blog intitulé "psychothérapeute".
8 Comments:
cet article ne traite peut être pas de psycho mais il est très drôle, j'adore la description de ces petits moments de vie disséqués.
Merci pour l'extrait de "Mes meilleurs copains" ! Que celui qui n'a jamais été jeune et con leur lance la première pierre !
Je n'ai rien contre Terzieff qui devait être un brave homme. C'est juste l'époque et surtout le fonctionnement de la France qui m'amusent souvent.
Si je n'avais vu comme vous que les tricheurs et lu des bribes de phrases dites par Laurent, extraites de leur contexte, et où il manque la moitié des mots, peut-être penserais-je comme vous (sans le dire cependant, estimant que le connaissant si peu, je ne serais pas en mesure de juger)
Mais si vous l'aviez vu sur scène, vécu cette expérience unique, incroyable , qu'aucun comédien, aussi bon soit-il, ne permet de vivre, si vous l'aviez croisé, connu, écouté, sans compter ce qu'il a apporté culturellement dans cette époque où l'abêtissement est roi, vous auriez une autre image, celle d'un homme aussi humble , simple et discret, qu'intelligent, fin, sensible, intéressant, touchant et fascinant, extrêmement doué et ayant permis de vivre au théâtre des moments d'une émotion et d'une richesse rares, inoubliables...dommage pour vous d'être passé à côté de tout cela, l'avantage étant que vous ne ressentez pas aujourd'hui l'immense perte qu'est celle de cet être, aussi bien en tant qu'homme qu'en tant qu' artiste.
S'il y a une chose à déplorer, c'est au contraire que l'hommage qui lui a été rendu, ait été aussi succinct,je suis écoeurée pour ma part d'avoir vu au journal un reportage de 20s sur ses obsèques, où ce qui a été relaté était uniquement les personalités présentes (vraiment saturée de la bêtise des médias)...saturée,écoeurée, sont de faibles mots.
Laurent était un génie comme il y en a peu, doublé d'un homme désintéressé, qui n'a jamais eu envie de profiter de sa belle gueule et de son talent pour jouer les stars et amasser de l'argent, ni de son érudition et de son intelligence pour jouer les intellos, il aimait la discrétion, la simplicité, les rapports vrais, et tout ce qui l'intéressait était de faire partager son amour des textes et de la poésie, d'apporter une part d'émotion,de réconfort, d'enrichissement intellectuel,de questionnement sur notre époque,notre façon de vivre, de nous débattre, et notre façon de percevoir tout ce qui nous entoure et nous échappe.
Vous êtes simplement passé à côté de lui sans le voir, comme les 3/4 des gens. Normal, il faisait si peu parler de lui.
PS Quant à ce qu'il disait, que vous considérez intello et vide de sens,retrouvez-les dans leur contexte et en entier, vous en comprendrez la profondeur au contraire.
PS2 écoutez sa voix et sa diction
http://www.radiofrance.fr/_c/php/listen.php?file=/chaines/france-inter01//emissions/esprit/terzieff_esprit_090330.rm
Lisa, je sais fort bien que Laurent Terzieff était plutôt un brave type et je n'en doute pas : quelqu'un d'éminemment sincère. Pour le reste, vous avez vos idées et j'ai les miennes. Je ne remets nullement en cause vos émois et je les comprends même.
Pour ma part, le théâtre m'a toujours ennuyé et l'histrionisme poussé à ce point me laisse de marbre. Je ne pense pas qu'il ait apporté quoi que ce soit à notre époque. Ses réflexions sont une resucées de concepts lacaniens flous n'apportant rien d'intéressant à la compréhension du monde. C'est juste un témoin du marasme de l'après-guerre et du naufrage culturel français.
N'étant ni lecteur de Télérama et encore moins du Monde, comprenez bien que ce théâtre ne me touche pas. Comme je l'écrivais dans ce message, je m'accepte comme imparfait voire idiot et vous prie de me laisser à mon ignorance crasse.
Laurent Terzieff? Il avait quoi comme bécane?
Tiens d'ailleurs j'ai jms rien compris au "signifiant" lacanien.
en même temps c'est un peu que de la poésie Lacan. Il y a des moments presque mallarméens.
Terzieff il marchait.
Parfois avec une canne. Sans B.
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