11 novembre !
Depuis quatre ans que j'ai ce blog je ne déroge jamais à la règle d'écrire un petit article en ce jour de commémoration de l'armistice du onze novembre mille-neuf-cent-dix-huit !
Il se trouve que j'adore la première guerre mondiale. N'y voyez aucun élan criminel de ma part mais un simple intérêt historique. Et puis, cette grande guerre marque le début de l'entrée dans la modernité de la France. Finis les robes à crinoline, les moustaches cirées et les guêtres à boutons, la France sortira de ce conflit totalement différente.
Et puisque je suis en train d'écrire, j'ai une pensée pour les mânes de ces soldats morts pour la République. Les culottes de peau de l'époque, qui entrainèrent à la mort des dizaines de milliers de jeunes, sont les dignes ancêtres de nos technocrates modernes pour qui le réel se limitera toujours à ce qu'ils ont lu.
Comme me le disait un de mes chers patients qui avait été heurté par la bêtise crasse, l'arrogance et la goujaterie d'un jeune IEP Paris très caricatural se présentant au concours de l'ENA : "j'ai compris que ce type avait suivi des études au cours desquelles on lui avait appris à avoir raison plutôt qu'à vraiment réfléchir. Et moi qui à l'époque était enseignant, j'ai été affligé de constater que pour l'éducation nationale, mon employeur, ce jeune type était le représentant le plus abouti d'une longue sélection".
Que ce jour soit pour nous le moment de nous souvenir que tout ce qui brille n'est pas d'or et que les étoiles figurant sur des pattes d'épaulettes ne sont pas plus un gage d'intelligence que ne le serait le fait de sortir dans la botte de l'ENA. On méprise bien trop l'intelligence pratique en France et pourtant comme le disait Maurice Biraud dans Taxi pour Tobrouk : "un con qui marche ira toujours plus loin que deux intellectuels assis". Parfois, on peut être fier de n'être qu'un con.
J'avais prévu pour cet article de forts jolies citations de Gabriel Chevallier, issues de son livre "La peur" édité en 1930, un fort bel ouvrage. Mais cette chère Laurence ne me l'ayant pas rendu, je ne pourrais pas citer ce que j'avais souligné.
« On enseignait dans ma jeunesse — lorsque nous étions au front — que la guerre était moralisatrice, purificatrice et rédemptrice. On a vu quels prolongements ont eu ces turlutaines : mercantis, trafiquants, marché noir, délations, trahisons, fusillades, tortures; et famine, tuberculose, typhus, terreur, sadisme. De l'héroïsme, d'accord. Mais la petite, l'exceptionnelle proportion d'héroïsme ne rachète pas l'immensité du mal. D'ailleurs peu d'êtres sont taillés pour le véritable héroïsme. Ayons la loyauté d'en convenir, nous qui sommes revenus. »
Gabriel Chevallier, La peur (1930)
3 Comments:
En pensant à votre jeune IEP, il m'est venu à l'esprit cette citation de je ne sais qui : "il est tellement plus facile d’être con, que d'être soi-même" :o)
Moi j'ai beaucoup aimé l'idée de mon patient "ces écoles où l'on vous apprend à avoir raison".
Effectivement Philippe, "La Peur" a été ré-éditée il y a 2-3-4 ans je ne sais plus (j'aurai dû moins me bourrer la gueule au Daniel's c'est d'ailleurs grâce à ça que Sinatra perdait le fil de ses chansons).
C'est un bouquin témoignage qui m'a bien plu. Un bouquin cru, net, factuel et tellement humain. J'avais l'impression d'entendre un phono qui joue "frou-frou" et voir des post ados en capotes bleu-horizon. Un beau livre oublié à découvrir.
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