12 novembre, 2010

Rationalité limitée (suite et fin)


Suite à mon article "Rationalité limitée", V. dont la qualité des commentaires et la finesse d'analyse ne se démentent jamais, écrit ceci :

"Mais alors quelle est la cause de l'ultra sollicitation de ces petits neurorécepteurs ?
Si tout n'est qu'une question de chimie...

Par exemple, j'ai déjà été amoureuse et il suffisait que je découvre que mon objet d'amour était porté sur la boisson pour qu'immédiatement toute le désordre chimique de l'état dit amoureux, cesse.
Dans ce cas, quid des seules phéromones ?"

Effectivement, si l'on peut admettre que l'amour, en tant qu'attirance physique, est une question de chimie, on peut se demander pourquoi il suffit parfois d'un simple petit détail pour que tout s'écroule. Si la chimie était si forte et prédominait, nul obstacle intellectuel ne pourrait mettre à mal cette alchimie. Or, nous connaissons tous des personnes qui, une fois averties d'un défaut parfois minime, cesse totalement d'aimer l'être qu'elle chérissait voici peu. 

Il faut donc croire que si la biologie est forte, l'esprit peut l'être encore plus chez certaines personnes que l'on pourrait qualifier de "cérébrales". Ainsi, si je prends ma propre expérience, je pense que j'aurais pu tomber follement amoureux d'une femme mais reprendre totalement mes esprits si j'avais appris  par la suite qu'elle était sportive, idiote ou votait à gauche. Car rien n'est plus antiérotique qu'une militante socialiste, une sportive ou une idiote. Mais, pétri d'espoir comme je le suis, je sais que l'on peut cesser le sport, devenir libéral et tenter d'être moins idiot alors j'aurais peut-être tenté une forme de rééducation.

Parmi les mécanismes liés à l'esprit, on peut aussi faire des projections sur un être, et se souvenir que celles-ci peuvent soudain cesser à la faveur d'un changement de vie amenant une prise de conscience: la princesse de ses rêves redevient la caissière qu'elle n'avait jamais cessé d'être mais que l'on ne voyait pas. La projection désigne en psychanalyse l'opération mentale (généralement inconsciente) par laquelle une personne place sur quelqu'un d'autre ses propres sentiments. Ainsi, le jeune homme qui va mal pourra s'amouracher d'une "paumée" qu'il cherchera à sauver alors qu'inconsciemment, c'est lui qu'il cherche à sauver.

Sans doute que cette capacité à faire cesser les projections, à reprendre le contrôle de sa biologie au moyen de l'esprit n'est pas l'apanage de tous. Ainsi, si la culture doit transcender la nature, nous connaissons tous des êtres qui continuent coûte que coûte à aimer quelqu'un en dépit de défauts ou de tares flagrants. C'est sans doute pour ces personnes, que la locution "avoir quelqu'un dans la peau" a été inventée. Ces personnes sont-elles plus physiques ? Peut-être peut-on se poser la question. Bien entendu, je n'emploie pas le terme "physique" par rapport à la simple activité sexuelle mais bien plus par rapport à l'attirance qu'un individu peut avoir pour quelqu'un, quels que soient les défauts constatés de la personne qui attire.

J'ai ainsi eu voici quelques années une patiente très intelligente mais amoureuse d'un vrai sale type, celui que la psychopathologie appelle un sociopathe. Ce type lui avait tout fait et même souvent le pire. Vivant à ses crochets, jouant, buvant, allant même jusqu'à faire piquer son chien une semaine qu'il en avait la garde parce que cela l'ennuyait. Elle avait conscience de tout cela et était totalement d'accord avec le diagnostic de "personnalité antisociale" porté sur son conjoint. Elle savait qu'il y avait peu d'espoir que cela change et ne projetait aucun mécanisme inconscient sur la personne de son conjoint. Elle l'avais simplement "dans la peau". 

Sans doute que la perception de cette jeune femme, basée sur des mécanismes biologiques, état fort différente de celle qu'aurait pu avoir une autre jeune femme plus "cérébrale". Dans son cas, on ne pouvait invoquer ni le manque d'intelligence, ni le défaut des renseignements, ni même la projection ou encore une enfance difficile, voire une faible estime d'elle-même. Non, elle l'avait "dans la peau", il le savait et en jouait de manière ignoble. Sans doute que la vie avec lui, quelles que soient les souffrances qu'elle endurait était préférable à la vie sans lui. 

Et moi, je n'ai rien pu faire pour elle parce que parfois, aller  mieux c'est accepter ses limites et avoir la sérénité d'accepter ce que l'on ne peut changer.

12 Comments:

Blogger Blondie said...

Je m'incline fatalement sur ce billet...
Thanks pr la musique... J'ai une preference pour Sinatra... C'est ma chanson préférée de Sinatra...

12/11/10 7:21 PM  
Blogger V. said...

Merci Philippe.

Pour autant j'ai toujours regretté une chose, celle d'avoir fait une faute d'orthographe dans ce commentaire qui sert d'ouverture à votre article ...

12/11/10 7:32 PM  
Blogger philippe psy said...

@V : le commentaire a été corrigé. On dira que vous êtes dyslexique, sur un blog de psy ça passera très bien ;)

12/11/10 8:14 PM  
Blogger Caroline said...

Moi, je ne m'incline pas sur ce billet! Les deux autres oui mais pas celui! pff vous dites n'importe quoi!!! Vous oubliez quelques choses: qu'est ce qu'aimer ? Doit on aimer une copie conforme de soi ? Aimer l'autre c'est aimer tout ! Pfff, lorsqu'on est véritablement amoureux, lorsqu'on est en proie à cette douce folie, les défauts de l'autre se cultivent,on tente de les harmoniser... Il y a "aimer" et "être passionné". L'intensité n'est pas la même et donc les efforts envers autrui également!

Par contre Sinatra j'adore. Merci !!!

12/11/10 9:16 PM  
Blogger Epicier vénéneux said...

S'il existe en amour un langage du corps, les phéromones sont une sorte de marketing: elles invitent à acheter, mais si le produit est daubé on le repose sur l'étagère. Enfin, la plupart du temps.

13/11/10 2:13 PM  
Blogger El Gringo said...

"il n'a pas un seul poil sur la tête,
mais il en a plein sur ses gambettes,
et celui qu'il a dans la main,
c'est pas du poil c'est du crrrrin!"


Mais c'est tout moi ça!

13/11/10 5:10 PM  
Blogger El Gringo said...

"rien n'est plus antiérotique qu'une militante socialiste, une sportive ou une idiote."

C'est clair...

13/11/10 5:35 PM  
Blogger V. said...

Philippe,
pour autant l'illustration que vous donnez me semble reposer davantage sur la chimie précisément.
Quand l'intelligence n'est d'aucun secours c'est plutôt de ce côté là que ça se passe et votre patiente tendrait à le prouver.
L'emprise tient souvent à quelque chose de rien, un constat amer : l'odeur et la tessiture de la peau de cet autre là a tout pouvoir.

13/11/10 5:36 PM  
Blogger Thomas said...

Mouhaha, ton lien m'a bien fait rire Gringeot !!

14/11/10 10:44 AM  
Blogger Laurence said...

moua jaime bien quand le gringeot il imite le cri du lapin

17/11/10 10:24 PM  
Blogger LE JEUNE J said...

J'avoue que ce papier me laisse perplexe. J'ai l'impression que l'on mélange amour et attirance sexuelle. Ces problèmes viennent peut-être du fait que les gens débutent une relation sans avoir pris le temps suffisant pour se découvrir. Au sujet de ce kiné, comment peut-on parler d'amour alors qu'il n'a fait preuve d'aucune attention, intérêt et qu'il ne s'est rien passé entre eux. Peut être la peur d'être seule et une idéalisation de la personne inaccessible ? A sa place, je lui aurais tout simplement dit : "j'ai envie que tu me prennes, ici, tout de suite" et en cas de refus, j'aurais changé de kiné... Certes, j'avoue que parfois on peut, non se tromper, mais s'être trompé d'avoir laissé sa chance à quelqu'un.
Pour ma part, une fille qui est de gauche, pour reprendre cet exemple, je le vois au bout de dix secondes, rien que dans la façon de se fringuer par exemple... Une seule fois, je me suis dit : "c'est pas grave, ça pourra peut être se changer". En fait non, on ne change jamais les gens... Chassez le naturiste, il revient au bungalow :)
Pour ce qui est de cette patiente "très intelligente", pour accepter d'entretenir un "boulet" pareil, je pense que je n'ai pas la même définition du terme "intelligence". Pour en revenir à cette ex de gauche que j'évoquais, quand je l'ai vu débarquer avec ses gros sabots me demandant si elle pouvait squatter chez moi, je lui ai tout simplement dit non... J'ai laissé parler ma rationalité... En plus, on arrive en période de grand froid où les méchants proprios de droite endettés sur 30 ans n'ont plus le droit de foutre dehors les gentils locataires de gauche qui ne payent pas leur loyer :D Tout ça pour dire que parfois, ce qu'il manque tout simplement aux gens, c'est du bon sens :)

19/11/10 12:44 PM  
Blogger LE JEUNE J said...

J'avoue que ce papier me laisse perplexe. J'ai l'impression que l'on mélange amour et attirance sexuelle. Ces problèmes viennent peut-être du fait que les gens débutent une relation sans avoir pris le temps suffisant pour se découvrir. Au sujet de ce kiné, comment peut-on parler d'amour alors qu'il n'a fait preuve d'aucune attention, intérêt et qu'il ne s'est rien passé entre eux. Peut être la peur d'être seule et une idéalisation de la personne inaccessible ? A sa place, je lui aurais tout simplement dit : "j'ai envie que tu me prennes, ici, tout de suite" et en cas de refus, j'aurais changé de kiné... Certes, j'avoue que parfois on peut, non se tromper, mais s'être trompé d'avoir laissé sa chance à quelqu'un.
Pour ma part, une fille qui est de gauche, pour reprendre cet exemple, je le vois au bout de dix secondes, rien que dans la façon de se fringuer par exemple... Une seule fois, je me suis dit : "c'est pas grave, ça pourra peut être se changer". En fait non, on ne change jamais les gens... Chassez le naturiste, il revient au bungalow :)
Pour ce qui est de cette patiente "très intelligente", pour accepter d'entretenir un "boulet" pareil, je pense que je n'ai pas la même définition du terme "intelligence". Pour en revenir à cette ex de gauche que j'évoquais, quand je l'ai vu débarquer avec ses gros sabots me demandant si elle pouvait squatter chez moi, je lui ai tout simplement dit non... J'ai laissé parler ma rationalité... En plus, on arrive en période de grand froid où les méchants proprios de droite endettés sur 30 ans n'ont plus le droit de foutre dehors les gentils locataires de gauche qui ne payent pas leur loyer :D Tout ça pour dire que parfois, ce qu'il manque tout simplement aux gens, c'est du bon sens :)

19/11/10 12:44 PM  

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