25 janvier, 2012

Gloire et immortalité ! (2)



Il y a eu voici peu un article qui portait ce nom et je ne pensais pas en renommer un de la sorte avant longtemps parce que le pauvre tâcheron que je suis n'a pas tellement l'habitude ni de la gloire ni de de l'immortalité.

Mais voilà, le sort s'acharne contre le vieux capricorne que je suis et il faut croire que Dieu a pris pitié du besogneux que je suis en décidant de m'octroyer un rayon de lumière, de celle dont jouissent les peoples à longueur de temps.

C'est ainsi qu'alors que je déteste sortir de ma thébaïde, de mon échoppe modeste ou patiemment je remets cent fois sur le métier mon ouvrage, voici qu'on me presse, me harcèle et que l'on me demande de me rendre à un rendez-vous ! Qui me direz-vous ? Quel rendez-vous ? Et bien, voici quelques temps qu'une directrice de collection d'un éditeur prestigieux m'a contacté pour savoir si je n'aurais pas un quelconque projet de livre à proposer. Sans doute lectrice habituelle de mon blog et séduite par mes petits billets, la brave femme a-t-elle voulu jouer les « talent scouts » en imaginant que mes petits articles pourraient s'étoffer jusqu'à devenir un vrai livre, un beau avec couverture en papier glacé et mon nom sur la tranche comme un vrai auteur quoi !

Le contact avait un peu mal commencé parce que d'après le ton du mail qu'elle m'avait envoyé, j'avais cru comprendre qu'elle m'en voulait de n'avoir pas trouvé immédiatement mon mail ou qu'elle avait jugé difficile de me joindre. Ce à quoi, j'avais répondu que toute éditrice renommée qu'elle était, si j'avais choisi d'être en libéral c'était justement pour qu'un patron ne m'emmerde pas alors que ce n'était pas un vendeur de livres qui allait commencer. Non mais ! Et puis finalement, tout s'est bien passé et nous avons convenu d'un rendez-vous pour nous rencontrer.

Le jour venu j'ai longuement hésité à mettre un costume et je ne l'ai pas fait. Après tout, je n'allais pas à un entretien d'embauche et puis d'abord moi je n'avais rien demandé. Comme j'avais quelques minutes d'avance, je me suis pris un café en terrasse. C'était un jour où il faisait doux. Et zou, à quinze heures tapantes je sonnais chez l'éditeur. Parce que si ici je donne l'impression d'être un gros branleur dans les faits, je suis le même le plus ponctuel du monde.

J'ai grimpé dans un ascenseur antédiluvien et j'ai sonné. Et là, on m'a ouvert et la première chose qui me soit venue à l'esprit, c'est que les stéréotypes ont la vie dures parce que je m'attendais à une petite bonne femme un peu sèche, nantie de culs de bouteille ou de lorgnons retenus par une chaînette en plastique et d'un gilet tricoté main, le genre vieille fille qui aurait trouvé l'amour dans les livres à défaut d'avoir un mec dans son lit.

Et bien je m'étais trompé parce que c'est une jolie petite blonde aux yeux bleus, en jupe courte, bottes à talons et mignon petit bustier qui est venue m'accueillir. Comme quoi en peu de temps j'ai eu le temps de capter plein de choses et même qu'elle semblait super intelligente aussi parce que dans la vie, y'a pas que le physique non plus ! Sauf que pour l'intelligence, il a fallu qu'elle s'asseye et me parle parce que tant qu'elle marchait, ce n'est pas ce qui marquait le plus chez elle. D'ailleurs si je parle de ces particularités vestimentaires c'est uniquement pour garder le Gringeot comme lecteur parce que je sais qu'à la lecture du mot « bustier » il a du se lécher les babines.

Par contre ce qui m'a immédiatement sauté aux yeux, c'est un petit air un peu pincé et sous contrôle et bien que l'accueil fut aimable il y avait un truc indéfinissable mais c'est sans doute le moi social que revêtent tous les salariés quand ils sont en fonction. Moi, je n'en sais rien vu que je ne suis pas salarié depuis des tas d'années.

Et comme j'adore profiler les gens j'ai attendu pour voir ce qu'il en était, savoir si ma future éditrice était une vraie contrôlante ou simplement sous contrôle volontaire. Elle m'a gentiment proposé un café et quand elle m'a rapporté le breuvage j'ai de suite noté qu'elle avait doublé le gobelet pour que je ne me brûle pas la mimine en le buvant. Si c'est pas mignon comme attention ça ! Et pan, je l'ai classée dans les facilitantes immédiatement.

Ensuite, on est passé à l'interrogatoire même que ça m'a fait tout drôle après la gentille attention du café. La demoiselle a pris un bloc note et m'a demandé en détail de lui raconter ce que j'avais fait de ma vie, quels étaient mes diplômes et où j'avais appris les TCC, etc. Là pour le coup, c'est le véritable entretien de recrutement voire une audition dans le cabinet d'un juge d'instruction. C'est marrant parce que la demoiselle me faisait penser à Laurence de Foug dans sa manière d'être. C'est vous dire si j'étais en terrain connu. Même si j'ai toujours pensé que je ne pourrais pas bosser avec Laurence à moins d'être son chef parce qu'elle est trop tatillonne et qu'il n'y a rien de pire qu'une facilitante qui joue les chefs.

Même si je comprends que cela soit nécessaire dans le cadre de l'édition d'un livre de psychologie, l'expérience m'a laissé un goût amer en me replongeant plus de quinze ans auparavant dans mes expériences au sein de cabinets de recrutement. Expériences aux cours desquelles j'ai du rencontrer les pires trous du cul que la terre ait jamais portés. Questions idiotes, tests stupides, attitudes de boeufs jouant les fiers à bras, rien ne me fut épargné quand je cherchais du travail.

Mais je me suis exécuté du mieux que j'ai pu même si au fond de moi j'avais un peu envie de tout envoyer chier et de retourner me prendre un petit café en lisant. Putain, moi qui me disais qu'on papoterait pour se connaître et voir ce que l'on peut faire, c'est tout juste si on ne m'a pas demandé une analyse d'urine dès mon arrivée ; pas le truc le plus adapté au vieux libertarien que je suis devenu. Mais bon, je me suis souvenu que dans la vie, il y avait des règles aussi et j'ai mis de l'eau dans mon vin pour m'adapter à cette situation nouvelle. J'ai été un bon garçon.

Après avoir accompli ces nécessaires formalités, un peu comme on passe aujourd'hui les contrôles aux aéroports, l'entretien proprement dit à commencé. Et là c'était assez drôle parce qu'elle m'a demandé si j'avais des projets de livres. Et bien sur que j'en avais parce que les idées, moi c'est mon truc même si suis assez peu réalisateur. Alors j'ai présenté deux projets assez rigolos et suffisamment aboutis en termes de recherches pour que je les torche en un mois maxi et encore en écrivant en dilettante.

Alors le premier est un livre directement issu de mon expérience clinique. Je reçois environ deux tiers de clientèle féminine et je suis toujours étonné de l''inexpérience qu'elles peuvent avoir en matière de séduction. Alors il y a celles qui restent seules parce qu'elles ne savent pas choper et puis celles qui chopent mais ne savent pas garder. Et tout cela, parce qu'on a appris aux pauvrettes à rester passive du genre « mets du rose et souris » et qu'elles ne connaissent des hommes que ce que la presse féminine en dit, à savoir que nous sommes juste des porcs avides de sexe. Comme je connais bien les hommes et les femmes et que je veux leur rendre service, j'ai donc imaginé un livre dédié à la séduction féminine. Et pour parfaite le projet, je me suis adjoint les service de Mlle C. une lectrice du blog qui a oublié d'être conne et qui est né sous le signe du capricorne même si elle n'est que premier décan !

Alors pour le coup, j'étais sur de mon projet mais bien sur, je n'avais pas travaillé la présentation. Vous savez c'est la fable du lièvre et de la tortue ou le lièvre super doué se fait niquer par une conne de tortue simplement parce qu'il a trop confiance en lui. Moi pareil ! Le projet était dans ma tête et j'en avais mille fois parlé à Mlle C mais sans évidemment imaginer la moindre présentation à un éditeur alors je n'ai pas été super convaincant. Mais bon, tant pis, je m'en fous de cela. A la limite, je sais que j'aurais pu me débrouiller et improviser. 

Mais ma chère future éditrice m'a dit qu'elle n'y croyait pas parce qu'il paraît que des recherches récentes prouvent que les hommes et les femmes sont pareils et que ce sont les stéréotypes qui nous font croire que nous sommes différents. Bon, je connais ces recherches récentes teintées d'idéologies (j'y consacrerai un article) et je n'ai pas jugé utile d'y répondre. Surtout que ma belle éditrice m'a sorti le bouquin d'un quidam qui croyait dur comme fer à l'absence de différences entre sexes et au rôle tout puissant de la psychologie sociale. Et en plus, j'ai vu sur la quatrième de couverture que le gonze était docteur en psychologie ! Bon, j'aurais pu passer sur mon ascendant bélier et lui dire que quand j'estimais croire en une thèse c'est qu'elle était vraie parce que je sais qui je suis mais ça aurait fait gros narcissique un peu con. Alors je n'ai rien dit même si je pense que son auteur est tout pourri et qu'une thèse en psychologie c'est pas terrible. Bref ce projet elle n'en a pas voulu alors je l'ai remis dans ma poche et je lui ai présenté le second.

Le second est un ouvrage de profilage. Je sais combien à l'heure où les tueurs en série ont la vedette, ce projet peut sembler cucul et carrément mainstream. Pourtant, je vous l'assure, j'ai rarement mal analysé quelqu'un et je suis plutôt doué pour me trouver dans la tête des gens. J'ai déjà fait l'expérience plusieurs fois avec des quidams pour leur prouver mes capacités. Si vous ne me croyez pas, demandez à Lapinou ou à Laurence qui m'ont vu accomplir des petits exploits en la matière quand j'ai deviné des trucs super complexes à partir de pas grand chose. Et là, ma modestie dut-elle en souffrir, ça j'en suis sur, je sais poser des fonctions qui marchent.

Alors j'ai présenté mon projet à la demoiselle et là elle a fait une moue. Surtout quand je lui ai affirmé que tous les gens étaient pareils. Elle m'a rétorqué, parce que de son côté elle a étudié la psychologie aussi, qu'elle pensait bien au contraire que tous les gens étaient différents. Bon, c'est évidemment faux et vrai et nous avons tous les deux d'accord. En fait, c'est qu'elle et moi ne nous situons pas au même niveau d'intérêt de la psychologie je suppose. Parce qu'à mon niveau de bâtisseur, j'obéis juste à des règles de physique comme le ferait un architecte et là, croyez moi qu'on construise un pavillon, une cathédrale ou un building, la physique ne varie pas. C'est mon côté promouvant. La facilitante que j'ai devinée en elle est sensible à des aspects plus ténus de la psychologie. Ainsi si je suis l'entrepreneur général, ma charmante éditrice se voit plus en décoratrice. C'est évidemment tout ce qui m'ennuie. Je ne connais que le gros œuvre et les reprises en sous-oeuvre, le reste m'échappe totalement. Bref elle et moi sommes en phase mais intervenons à des niveaux différents. Moi j'adore les cas difficiles quand il y a de gros travaux alors qu'elle préférerait sans doute des cas différents. J'allais écrire, des cas que l'on rencontre en lisant Psychologie Magazine mais je ne l'ai pas écrit vu qu'elle risquait de me lire.

Et puis comme me le disait le danseur de tango, un de mes jeunes patients, à qui je confiais cela, il est évident que j'ai raison parce que si tous les gens étaient différents comme le souligne mon éditrice, ma profession n'existerait tout simplement pas ! En psychologie on en fait qu'objectiver ce qui apparaît subjectif et les statistiques sont au centre de l'activité pour décrire un comportement moyen couramment observé. Bref au cours de la conversation, j'ai eu l'impression d'être un déménageur voulant prouver à une princesse qu'il est plus fin qu'il n'y paraît ce qui n'est pas facile après m'être fait tacler sur mon premier sujet. Gabin face à Bardot !

Quoiqu'il en soit, je sors du rendez-vous avec un objectif qui est de remettre à la fin du mois de février un plan détaillé de l'ouvrage que je me propose d'écrire. Ce qui est promis sera fait. Que dire du rendez-vous ? Nier que cela m'ait flatté qu'un grand éditeur prenne la peine de me contacter serait mentir c'est un fait parce que malgré toutes mes lectures stoïcienne, je reste un monstre d'orgueil.

En revanche, j'ai pu apprécier les changements opérés chez moi en quinze années. Car si à trente ans j'aurais été capable de danser à poil sur le bureau de mon éditrice avec une plume dans le fion pour être édité, là l'eau a coulé sous les ponts. Je n'ai que faire de laisser une trace écrite de mes pensées.

Finalement je suis passé au point suprême de l'orgueil consistant à imaginer que penser que j'ai raison inévitablement vaut mieux que la rédaction de tous les livres du monde. C'est là un orgueil mental typique des capricornes.

Mais bon, Socrate comme Epictète n'ont rien écrit de leur main et sont pourtant connus. Alors pourquoi pas moi ?

6 Comments:

Blogger Lucie Trier said...

Je soussignée Melle C, atteste par la présente, avoir discuté gastronomie italienne au Ritz avec Philippepsy, un jour de beau temps, devant les bureaux des éditions prestigieuses Gallimard. J'atteste également que l'éditrice mentionnée dans l'article n'existe pas telle quelle : il s'agissait en réalité de Jean-Paul Sartre.

13/2/12 4:03 PM  
Blogger philippe psy said...

Mlle C, je pense un jour être édite dans la Pléäide :) Enfin, c'est mon voeux le plus cher, une sorte de réminiscence de l'immortalité que vouaient les grecs à leurs héros.

Sinon, tu ne veux pas jouer la "fille différente" et m'accompagner à la télévision ? :)

13/2/12 6:40 PM  
Blogger Lucie Trier said...

@Philippepsy : si tu arrives à me maquiller comme Loana rien n'est impossible.

14/2/12 1:26 AM  
Blogger El Gringo said...

@Lucie

Attention, Philippe c'est un intello, pas un manuel. S'il te maquille, tu risques plus de ressembler à une BD de Philippe Vuillemin qu'à une photo de David Hamilton!

21/2/12 9:56 AM  
Blogger Lucie Trier said...

@ Gringeot : j'ai hâte ! :))

22/2/12 4:07 AM  
Blogger 100hp said...

"Surtout quand je lui ai affirmé que tous les gens étaient pareils. Elle m'a rétorqué, parce que de son côté elle a étudié la psychologie aussi, qu'elle pensait bien au contraire que tous les gens étaient différents. Bon, c'est évidemment faux et vrai et nous avons tous les deux d'accord. En fait, c'est qu'elle et moi ne nous situons pas au même niveau d'intérêt de la psychologie je suppose. Parce qu'à mon niveau de bâtisseur, j'obéis juste à des règles de physique comme le ferait un architecte et là, croyez moi qu'on construise un pavillon, une cathédrale ou un building, la physique ne varie pas." Je pense que vous avez tout les deux des approches complémentaires, mais qu'au final, elle a raison, car même si on construit un building ou une église avec les mêmes lois physiques, le résultat ne se vit pas pareillement. Les lois qui régissent le processus de création peuvent être identiques, l'objet produit différent. Il n'y a pas de rapport entre l'origine d'une chose et la chose en elle-même (Nietzsche).

4/3/12 6:46 AM  

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