09 septembre, 2013

Fils de gauchistes !


Je ne parle jamais politique avec mes patients ou seulement s'ils le demandent. Comme je l'ai déjà écrit, comme je suis sympa, la plupart me prennent pour un gentil mec de gauche, dans le genre chrétien de gauche je pense, une sorte d’Albert Jacquart (RIP Al !) avec qui je partageais le signe astrologique mais pas les idées. Ils sont toujours étonnés quand je leurs dis que je ne suis pas de gauche mais plutôt libertarien. Je dis libertarien pour tenter de me définir. Je ne peux pas dire que je suis de droite parce que je n'ai pas envie qu'on puisse penser, ne fut-ce qu'une seconde, que je pourrais voter UMP ou que j'ai fait partie des Jeunes giscardiens.

Quand je serai vieux, impotent, sénile et incontinent, je ne dis pas ! Mais pour l'instant j'ai toute ma tête et je ne me vois pas prendre partie pour la guerre picrocholine opposant Messieurs Sarkozy et Fillon. D'ailleurs sans doute que dans les faits, je serais anarchiste de droite, du moins si j'en crois l'introuvable Que-sais-je traitant du sujet qui est en ma possession depuis que j'ai dix-huit ans. J'aime bien ce parfum de polémique et cette irrévérence qui entourent ce courant politique que l'on a tant de mal à définir.

Bon, je me doute qu'en cherchant bien, on pourrait trouver entre les lignes de ce bref Que- sais-je, un mot ou deux qui n'est pas sans rappeler les heures les plus sombres de notre histoire ou qui évoque quelques bruits de bottes ou encore le ventre encore fécond d'une bête immonde. L'anarchie de droite est pour moi un mix de droite, de monarchisme, d'irrévérence, d'effroyable lucidité, bref un système complètement inopérant tout juste bon à séduire les vieux idéalistes comme moi qui savent que de toute manière tout n'est que vanité des vanités !

Mais je me tais la plupart du temps parce qu'aujourd'hui justement il est délicat de dire quelque chose sans que l'interlocuteur ne s'offusque parce que ce que les paroles que l'on vient de proférer seraient opposées aux valeurs de la République. J'avoue que je me demande encore ce que sont ces fameuses valeurs de la République. Peut-être que si j'avais été en loge, je l'aurais su mais hélas mon expérience maçonnique n'aura duré que le temps d'une brève soirée, le temps que le type que m'avait présenté un ami maçon pour me coopter éventuellement lui dise que j'étais irrécupérable.

C'est vrai que j'avais déjà du mal à mobiliser mon attention en cours alors je ne me voyais pas me taire durant un an et encore moins durant cette soirée durant laquelle ce sinistre crétin avait enfilé comme des perles l'essentiel de la pensée mainstream. De toute manière, je n'aime pas les groupes et moi qui déjà me trouvait mal à l'aise tout petit dans une équipe de football, je ne me voyais pas dans une loge quelconque. Depuis, personne ne m'a rien redemandé de tel et je vis ma vie gentiment loin du REAA. De toute manière n'ayant jamais envisagé de devenir commissaire, général ou ministre, l'appui d'une loge ou d'un réseau structuré ne m'était pas très utile.

Toutefois, il m'arrive souvent d'entendre les confessions politiques des patients. Si la plupart d'entre elles ne mériteraient pas de constituer un article de ce blog, certaines autres sont savoureuses, et ce d'autant plus qu'elles opposent parfois des fils aux pères. Tandis qu'on nous présente souvent le fils gauchiste au grand cœur, s'opposant au père prévaricateur avaricieux et ivre de pouvoir (PDG, riche médecin, promoteur, etc.), il semble pourtant que cette image d’Épinal ait vécu, du moins dans le secteur où je travaille.

C'est certain que l'opposition entre le fils généreux et le père cupide fait encore les délices de nos films ou séries télévisées, toute fois je constate depuis quelques temps que les yeux s'ouvrent et que de nombreux jeunes, parmi les plus intelligents remettent en cause la doxa gauchiste qu'on veut leur faire avaler de force depuis leur plus jeune âge.

C'est ainsi que le jeune fils d'un éditorialiste connu m'expliquait que son père le faisait rire. Tout en admettant qu'il ait été un bon père, qu'il n'ait jamais manqué de rien, il m'avouait aussi qu'il était pénible avec ses souvenirs de guerre, celle de soixante-huit bien sur, quand il avait jeté des pavés sur les CRS, bu de la bière avec ses copains et écouté des tribuns tous plus abscons les uns que les autres, parlant d’avenirs radieux promis par des dictateurs lointains ! 

Le plus drôle fut le portrait qu'il me fit de Sartre en me disant que son père l'adorait. Pour mon jeune patient, Sartre se résumait à un paquet de Gitanes, des culs de bouteille, des petites étudiantes sorbonnardes baisées dans les coins, un système philosophique un peu niais et quelques livres datés mais encore lisibles. Et pan dans la tronche le gnome lubrique !

Poursuivant ainsi, il m'expliqua aussi qu'il trouvait savoureuses les analyses tiers-mondistes de son père pourtant tellement occidentalo-centré et installé dans son confort bourgeois du centre parisien.C'était assez savoureux. A défaut d'avoir tué le père comme disait pépère Freud, mon jeune patient venait de coller le sien à l'hospice avec un bassin, et une compote de pommes.

Des exemples de ce type j'en ai plusieurs. Récemment encore, le fils d'une femme diplômée de l'IEP Paris m'expliquait que lui aurait voulu devenir menuisier ébéniste mais que l'amour du peuple chez sa mère n'allait pas jusqu'à voir son fils exercer un métier manuel. Comme il le rajouta après, sa mère est tellement pleine de contradictions qu'elle en perd toute crédibilité mais en devient touchante. A défaut d'avoir du respect pour ce qu'elle dit, il l'aime toute de même parce qu'elle reste sa maman.

Ils appartenaient à une génération qui était sure d'avoir tout compris, tout deviné, qui vous expliquait que tout était politique et qu'il suffisait de lire des livres abscons, de s'enfermer avec des analystes encore plus abscons durant des années pour avoir enfin compris les mystères d'Eleusis.

Il voulaient être respectés et n'auront finalement que l'amour teinté de compassion que l'on prodigue à des vieillards un peu séniles. Leurs journaux ne se vendent plus, leurs idées ne font plus recettes, on les relègue au musée comme témoins d'une époque disparue. Ils se croyaient immortels et ne furent que de leur temps !

4 Comments:

Blogger chaton said...

Ah, s'il n'y avait que les gauchistes! Mes parents sont plutôt de droite, mais c'est pareil. Bien sûr qu'ils savent tout, vu que la vie leur a réussi! Bon, évidemment, c'est surtout parce qu'ils surfaient sur la vague des Trente Glorieuses, mais bon, on va pas leur dire trop fort, les pauvres.

17/9/13 8:36 AM  
Blogger El Gringo said...

sa mère est tellement pleine de contradictions qu'elle en perd toute crédibilité mais en devient touchante. A défaut d'avoir du respect pour ce qu'elle dit, il l'aime toute de même parce qu'elle reste sa maman.

J'ai l'impression de lire le portrait de ma défunte mère (qui elle aussi se prétendait socialiste).

18/9/13 1:54 PM  
Blogger El Gringo said...

@ chaton
Quand vous serez vieux (vieille?), vous verrez bien si "la vie vous a réussi" et si c'est le cas, vos gosses minimiseront peut-être votre réussite en prétendant que vous n'avez eu qu'à surfer sur la mondialisation, ou l'explosion des réseaux sociaux, ou je ne sais quelle autre raison foireuse.
Dites-vous bien que les trente glorieuses n'ont pas réussi à tout le monde et qu'il ne suffisait pas de "surfer dessus" (mais on ne va pas vous le dire trop fort…)

18/9/13 2:07 PM  
Blogger philippe psy said...

Non mais, vous vous engueulez maintenant entre ingénieurs mécaniciens ?

19/9/13 10:02 AM  

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