N'ayons pas peur des mots !
Chez l'être humain, le langage est la capacité observée d'exprimer une pensée et de communiquer au moyen d'un systèmes de signes comme des mots ou des signes. Autant dire que les mots ont une importance car le langage est justement la capacité de mettre en œuvre ce système de signes pour permettre la communication. Les mots sont donc la capacité d’exprimer la pensée.
Quand je reçois mes patients, je n'ai aucun problème pour les comprendre, pas plus qu'ils n'en ont pour saisis ce que j'exprime. Parfois, mais c'est rare, j'ai reçu des gens ne possédant qu'un faible registre lexical et ayant du mal à exprimer leur pensée avec précision. Cela les mets souvent en colère parce qu'au moment de verbaliser et non d'agir, ils s'aperçoivent que les mots leurs manquent, ce qui affectent leur rapport au monde.
A l'opposé, c'est aussi rare, j'ai parmi mes patients des personnes ayant de fabuleux diplômes en sciences humaines qui ont à leur disposition un très vaste registre lexical. Et pourtant, alors qu'on serait en droit d'avoir une pensée précise, c'est parfois n'importe quoi, comme si les mots ne comptaient plus, supplantés simplement par l'émotion que ces personnes veulent faire naître. C'est alors que le mot, assemblé en phrase, devient slogan ou imprécation.
Voici quelques semaines, une patiente un peu âgée, ayant connu mai 1968, ce qui n'est pas peu dire au regard de l'historie contemporaine, me questionnait sur ce que je pensais des déclarations de Manuel Valls. Comme je lui avouais que je suivais trop peu la carrière de notre ministre de l'intérieur pour savoir exactement ce qu'il avait bien pu dire, il m'expliqua qu'il s'était exprimé à propos des roms en disant peu ou prou, monsieur le ministre voudra bien m'excuser de trahir sa pensée, que cette population n'avait pas vocation à s'implanter en France.
Je sentais bien que cette déclaration bouleversait ma patiente aussi m'étais-je abstenu de lui répondre simplement et donc ? sentant bien que cela ne lui aurait pas convenu. Je me composais alors la tête de celui qui est concerné afin de la laisser poursuivre. Et c'est là qu'elle m'avait regardé en me disant : "mais c'est carrément du nazisme !" Autant, et vous le savez, je ne porte pas Manuel Valls dans mon cœur, parce que je le crois atrocement démagogue, calculateur et carriériste et que je pense qu'il explosera en plein vol, autant je ne crois pas non plus que notre catalan de la place Beauveau soit un vilain nazi.
J'étais donc resté un peu pantois face à ma patiente mais me souvenant que face aux fous et peut-être encore plus face aux militants socialistes enragés, il faut faire ce que les aliénistes appelaient au XIXème siècle le mur mou, je m'étais contenté moi aussi de me composer un visage de circonstance pour lui répondre le plus sincèrement possible : "oui de telles paroles font frémir". Afin d'être dans la surenchère ou du moins dans la complicité totale, j'aurais bien aimé lui dire qu'en entendant Manuel Valls, j'avais immédiatement pensé que le ventre de la bête était encore fécond ou bien que j'entendais les bruits de bottes mais je n'avais pas osé. Manuel Valls nazi, rien que ça ! Et pourquoi pas sincère, honnête et dévoué tant qu'on y est !
Quelques temps après, une patiente du même type, c'est à dire, ex-journaliste engagée et soixantehuitarde accomplie me demandait s'il m'était arrivé de recevoir des gens dangereux. Je lui expliquai alors que n'étant pas hospitalier, je n'avais jamais eu de fous furieux venus la bave aux lèvres et un hachoir à la main dans mon cabinet car cette population se rencontrait plus dans les UMD que chez moi.
Je précisais qu'à mon niveau les plus dangereux étaient les paranoïaques et qu'effectivement à trois reprises, j'avais pu être confronté à des comportements agressifs. Enfin, je lui expliquai qu'il y avait une technique efficace pour faire face à la paranoïa et que cette pathologie aussi grave soit-elle n'avait rien de commun avec la sociopathie par exemple. Et une fois encore, puisant dans mes souvenirs, je lui dis qu'à une ou deux reprises j'avais eu en face de moi, de manière fortuite, un sociopathe et que j'avais senti, aussi fou que cela paraisse, le mal qui émanait de lui.
Mais de cela, elle n'en avait rien à faire, ce qu'elle me demanda finalement c'est si j'avais eu à faire à des nazis ! Aussi sincèrement que je le puis, je lui répondis alors qu'exerçant à Paris, il me semblait que les nazi y étaient rares et que de mémoire, mon père lui-même né en 1929, m'avait assuré ne pas en avoir rencontré depuis le 25 août 1944. Comme elle me regardait d'un drôle d’œil, je la rassurais en lui disant que je ne doutais pas qu'au fin fond de la Meuse peut-être, dans quelques bois paumés du côté de Thionville, il se pouvait qu'il existe un groupe de deux ou trois allumés se déguisant en treillis pour jouer à la guerre mais qu'à mon sens, dans le centre de Paris, ce devait être plus rare.
Comme manifestement le nazisme ou plutôt l'existence éventuelle de vilains nazis la passionnait, elle me demanda si j’accepterais de prendre en charge psychologiquement un nazi. L'idée me sembla tellement saugrenue que j'avais du mal à me la représenter. S'agissait-il d'avoir face à moi un SS en grand uniforme noir de parade ou un de ces allumés qui soixante après la guerre joue encore à se faire peur en s'amusant dans les bois déguisé avec de vieilles hardes achetées dans des surplus militaires ?
Je lui avouais donc qu'étant né en 1967, c'était une occurrence que je n'avais jamais envisagée, n'ayant jamais rencontré de membre du parti nazi de ma vie ! Ma réponse semblant lui déplaire, elle me demanda si éventuellement j’accepterais de m'occuper d'un électeur du Front National. Et comme je lui expliquais qu'à l'instar d'un médecin, qu'il m'appartenait de prendre en charge ceux qui me le demandaient et que je n'avais pas à juger mes patients, elle sembla s'offusquer en me demandant "même un électeur FN ?" comme s'il se fut agi de la pire des perversions.
Je lui expliquais que légalement et éthiquement, effectivement je n'avais pas à sélectionner les patients sur leurs idées politiques, races, sexes, ou religions, bien que certains soient plus proches politiquement des miennes que d'autres et que j'avais juste à faire mon métier. Je rajoutais que de mémoire, les seules choses qui pouvaient lever le secret professionnel était le fait qu'un patient avoue une violence sur mineur de moins de quinze ans ou qu'il me dise qu'il allait commettre un crime mais que le reste, relevait simplement de la relation psy/patient.
Je lui dis donc qu'à ce titre, que la personne soit à 'UMP, au PS, au FDG, au FN, voire qu'elle écrive sur Libéraux.org, ne me regardait pas, que je n'étais pas là pour faire de la politique et que si je n'ignorais pas que le freudisme avait par exemple flirté avec le marxisme, les TCC n'étaient pas un système politique mais simplement un type de thérapie.
J'aurais pu rajouter qu'il m'était plus simple de comprendre qu'un prolo venant de perdre son emploi dans une région sinistrée vote FN plutôt qu'une abrutie ayant un appartement de cent-cinquante mètres carrés dans le cinquième arrondissement jouant les pasionarias et se croyant liée au populo. Mais comme je le disais juste avant, je ne suis pas là pour juger mes patients.
Et puis, je sais au bout de tant d'années de pratique que le socialisme militant est une pathologie vraiment grave qui mérite toute ma compassion.
3 Comments:
"comme si les mots ne comptaient plus, supplantés simplement par l'émotion que ces personnes veulent faire naître. "
Cela est typique de 2 troubles : le trouble de la personnalité borderline (personnes victimes de leurs émotions, nul besoin de détailler), et le trouble du gauchisme : "Le cœur qui est à Gauche..." ("Mais vous n'avez pas le monopole du coeur M. Mitterand !"). Et plus récemment : "Indignez-vous !!".
En fait, des philosophes le soupçonnait déjà au 17ième siècle (David Hume), en matière de morale on a tendance à éprouver d'abord des sentiments, puis à chercher une explication rationnelle à ceux-ci. Des chercheurs en psychologie américains (recherches menées ou cités par Jonathan Haidt au début de son livre, je ne sais plus) en sont arrivés à la même conclusion.
Dans le cas de la patiente, j'ai un peu peur qu'elle n'éprouve une peur si grande du retour des nazis à Paris (ce qui doit probablement remonter à son enfance, n'hésitons pas à psychanalyser joyeusement le cobaye), qu'elle en vient à prendre peur de toute idée à droite de Sa Sainteté Karl Marx.
Au fond, moi aussi, n'éprouverais-je pas une certain fierté à être hyper-rationnel (d'ingénieur ou d'autiste asperger, je ne sais point), je crois que je serais moi aussi gauchiste. Mais comme je suis terriblement intelligent, je suis libéral (et donc, j'ai aussi un gros kiki).
La phrase exacte de M. Mitterand était « c'est une affaire de cœur et non pas seulement d'intelligence ». Les gauchistes auront rectifiés d'eux-mêmes.
"Manuel Valls nazi, rien que ça ! Et pourquoi pas sincère, honnête et dévoué tant qu'on y est !"
Merci pour ce fabuleux moment ! Je ris rarement devant un blog, mais j'ai fait exception pour cette fois.
Sinon, pour la suite du développement, je suppose qu'il s'agit d'une histoire vraie bien qu'on dirait une carricature...
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