27 avril, 2014

Peur de vieillir !


Parfois quand je vois ma belle-mère monter les escaliers avec la vitesse d'une fourmi, je l'observe et invariablement elle m'explique que quand elle était jeune, jamais elle n'aurait pensé en arriver là. Moi, bien sur je rigole en lui demandant si elle avait imaginé qu'elle aurait toujours vingt ans et elle bien sur elle s'énerve un peu. Ceci dit, sa tête marche très bien et elle est capable de réciter toute les arbres généalogiques de son village. Ce qui peut être utile en Corse pour se souvenir pourquoi on ne parle plus à Machin du fait que son aïeul ait volé un âne au cousin de la belle sœur d'un petit parent voici plus de deux-cents ans. La vendetta et Alzheimer ne font pas bon ménage !

Moi qui ai la chance d'être né vieux, j'ai bien sur été lucide très tôt. Et là où de vrais jeunes s'amusaient ne voyant jamais que les années passeraient à toute vitesse, moi je me disais que la vie était bien brève au regard de l'éternité et que cela ne servirait à rien de s'énerver et se battre pour finir vaincu bouffé par les vers. Ce qui m'a permis, passé quarante ans de me sentir tout ragaillardi au fur et à mesure que mes amis prenaient un coup de vieux en s'apercevant que ce qu'ils avaient adoé, la jeunesse insouciante, était parti. Ayant toujours été vieux, cela ne risquait pas de m'arriver.

Moi qui suis passé du stade du gland à celui de volis sans connaitre vraiment l'état de jeune pousse, de bourgeon ni de fleur, c'est avec sérénité que je prends les années sans qu'elles ne me marquent trop. Je ne joue évidemment pas les héros en me disant que j'accueillerais la mort comme un héros si on venait me l'annoncer mais plutôt que l'âge m'est une notion assez étrangère. D'ailleurs il m'a toujours suffit qu'on m'explique qu'un endroit était "jeune" afin de me le vendre pour que je l'aie immédiatement en horreur.

Mais bien sur, tout le monde n'est pas saturnien, et pas d'individus se laissent berner par les fausses promesses de la jeunesse, pensant qu'elle sera éternelle. Il suffit souvent d'un anniversaire symbolique, dont le chiffre se termine par un cinq ou un zéro, d'une nuit blanche difficile à rattraper ou bien d'une demoiselle de vingt ans qui les appellent monsieur pour que bien des condisciples s'aperçoivent qu'ils sont passés derrière le miroir. Ça y est, leur jeunesse a foutu le camp et les voici assis dans le gros toboggan qui les entrainera vers la mort en passant par différentes cases, telles que cancer, Alzheimer sans oublier l'hospice avec le bassin et la compote de pommes.

C'est ainsi que le mois dernier, un de mes patients que j'ai connu tout juste trentenaire m'a demandé un rendez-vous en urgence. Le connaissant bien, je l'ai reçu à vingt-et-une heure afin de lui être agréable tout me demandant quel problème il pouvait avoir. C'est un type charmant, solide et sérieux et je ne voyais pas ce qu'il pourrait avoir. Il me l'a donc expliqué un peu paniqué en me disant qu'ayant fêté ses trente-cinq ans la semaine précédente, il avait pris conscience qu'il n'était plus jeune du tout et que petit à petit, il s'acheminait vers la quarantaine d'où lui aussi, il ferait le grand saut vers le tombeau !

J'ai traité l'information pour ce qu'elle valait, à savoir qu'il était juste victime de la société qui encourageant le jeunisme, décourageait aussi toute prise de conscience contraire. Depuis les publicité Comptoir des cotonniers, on sait que les mères rivalisent avec leurs filles et que l'âge ne doit être qu'une notion abstraite. Hélas, qu'il s'agisse d'une difficulté à lever la jambe, de douleurs articulaires ou simplement de compter les bougies sur son gâteau d'anniversaire, on se rend compte que l'âge est une réalité.

Mon pauvre patient était simplement affligé d'une crise aigüe de réalité qui lui faisait prendre conscience que trainer dans les bars, pratiquer tout un tas d'activités débiles à base de planches, de roulettes et de voiles, et s'habiller de t-shirts, n'obérait jamais le fait que les romains avaient raison de dire omnes vulnerant, ultima necat ou encore odie mihi cras tibi. Ben oui, on peut se planter la tête dans le sable, notre faible constitution nous empêche d'être encore immortels. 

C'est en prenant de l'âge que l'on se rend compte que les enfants se font jeunes, que les grandes décisions se prennent aussi avant trente ans et que par la suite, il est plus difficile de corriger sa destinée. Bref, lui et moi avons parlé de tout cela. Je n'avais pas grand chose à lui proposer si ce n'est de lui dire qu'ayant douze ans de plus que lui, je ne trouvais pas ma vie pire que la sienne. C'était un peu mensonger dans la mesure ou comme les grands vins, je trouve que plus les années passent, mieux je suis. 

Et puis, nous les saturniens, avons la chance d'être né vieux et les années nous marquent peu. Alors, il me reste toujours le loisir de passer du temps avec d'autres saturniens pour me rendre compte que les années, c'est le problème des autres. C'est ainsi que si je fais une séance de cafing en compagnie de Chaton (1985) de Jean Sablon (1982); je m'aperçois qu'eux et moi, malgré nos différences effectives d'âge, avons plein de références communes.

Aux autres, il leur reste l'âge et la décripitude. C'est ainsi chers amis dont la naissance n'a pas été marquée par Saturne, que je vous enjoins de vous souvenir que la vie périt par le délai. Hâtez-vus de faire ce que vous avez envie de réaliser. Le temps court sans fin et une fois perdu, il ne se rattrape jamais.

Et puisque j'ai mis une vanité pour introduire ce sujet, je conclus par une jolie danse macabre !


4 Comments:

Blogger Unknown said...

De toutes les manières il n'y a que deux solutions... vivre vieux ou mourir jeune!

28/4/14 12:30 AM  
Blogger Unknown said...

...Car quand je croise une femme agée ,je ne peux m'empécher de me dire " Mince un jour tu seras à sa place, comment le vivras-tu?..." Et c'est là que je me dis"Et bien... comme elle" sinon ça voudrait dire que je suis dejà morte!Ceci dit il faut en effet faire la difference entre la peur de vieillir et la peur de mourir. La 1 ère relève je pense de l'amour-propre et la 2 ème de l'amour de la vie.Dans les deux cas, faudra savoir lacher prise...

28/4/14 1:01 AM  
Blogger El Gringo said...

"C'est en prenant de l'âge que l'on se rend compte que les enfants se font jeunes"
Ben non, justement, ils se font vieux!
On a fêté les 28 ans de ma fille l'autre week-end et j'ai trouvé qu'elle avait vieilli... ça ne me rassure pas.

28/4/14 3:05 AM  
Blogger raimverd said...

Vous avez encore du temps. Bon apprentissage!
In 2007, Barzun commented that "Old age is like learning a new profession. And not one of your own choosing."[18]
Jacques Martin Barzun (November 30, 1907 – October 25, 2012)

29/4/14 6:01 PM  

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