11 novembre et psychiatrie ! Les oubliés de Cadillac !
L'obusite que 'on nomme en anglais shell shock (choc de l'obus) est une pathologie décrivant l'ensemble des troubles psychiques et physiques dont souffraient les soldats de la première guerre mondiale soumis aux tirs d'artillerie. On parlerait aujourd'hui de syndrome de stress post-traumatique.
Ce terme fut inventé durant ce premier conflit pour qualifier ces nouveaux patients atteints de pathologies alors nouvelles. On parlait aussi de pithiatiques qui et le terme désignant ceux qui sont atteints de troubles fonctionnels ne résultant pas d'une atteinte organique. On parle alors de commotion, de choc émotionnel, de syndrome des éboulés puisqu'un certain nombre de ces soldats ont été retirés de tranchées où ils avaient été enterrés vivants ou encore de plicaturés car certains de ces malheureux semblent "pliés" dans une posture dont ils ne parviennent pas à sortir.
Ils ont tous été choqués par l'onde de choc des explosions, ensevelis sous des décombres, voire effrayés par le bruit permanent des explosions. Imaginez qu'à Verdun par exemple, ce sont jusqu'à 4000 obus qui tombent par minute sur les lignes françaises. Ce ne sont pas moins de trente millions d'obus allemands qui atteindront notre armée. C'est à peine imaginable si on ne s'est pas déjà rendu sur le champ de bataille pour constater que pas un mètre carré de terrain n'a été épargné par les explosions.
Les symptômes de l'obusite sont divers et laissent les médecins perplexes. Certains soldats sont ainsi sourds, muets ou aveugles alors même qu'aucune atteinte organique n'est détectable. D'autre encore sont figés dans une attitude viciée, accroupis, penchés, dont ils ne peuvent sortir. D'autres encore sont sujet à des tremblements convulsifs impossibles à arrêter à moins qu'ils ne soient devenus hémiplégiques ou encore paraplégiques. Certains se tordent en tous sens tandis que d'autres vomissent sans discontinuer. L'étendue des symptômes permet aux médecins de détecter des maladies qui n'en sont pas, qu'ils nomment au petit bonheur la chance. On parlera alors de "météorites abdominaux", de "myocloniques rythmiques", de "simulation inconsciente", de "simulation de fixation", etc.. Pas un de ces médecins d'alors n'a l'idée de penser que tous ces symptômes ne forment qu'une seule et même entité que l'on nomme aujourd'hui le syndrome de stress post traumatique.
Face à l'absence de lésions qui permettraient de comprendre d'où viennent ces symptômes, on soupçonne alors un certain nombre de ces soldats d'être des simulateurs voire des hystériques. On les accuse de mentir pour ne pas retourner au front. On les anesthésie au chloroforme, non pour les soulager mais pour dépister les simulateurs que l'on menace du conseil de guerre parce qu'on les accuse d'être des déserteurs.
Certains neuro-psychiatres militaires de l'époque estiment que s'agissant d'hystériques, ils peuvent être guéris par suggestion. Seul Joseph Babinski, élève de Charcot et neurologue, estime que ces symptômes pourraient être liés à un choc nerveux. Ils mettent alors au point des traitements nouveaux et des inventions consistants par exemple à emprisonner les personnes recourbées dans des postures vicieuses (les fameux plicaturés) dans des carcans de fer redresseurs. D'autres médecins ont recours à un traitement faradique nommé "torpillage électriques" au cours duquel on soumet le patient à un choc électrique. Aucun de ces traitements ne fonctionnent.
Pratiqué au fort Saint André à Salins dans le Jura, le torpillage électrique est un échec. Plusieurs soldats refusent de se soumettre à ce traitement inhumain qui est une véritable torture. Ils sont alors enfermé en cellule et si ils ne cèdent pas et ne se soumettent pas au traitement, sont alors dénoncés par le docteur Gustave Roussy, qui s'oppose aux thèses de Babinski qu'il juge infondées, pour être passés en conseil de guerre. Roussy, deviendra doyen de la faculté de médecine puis un des pionniers de la lutte contre le cancer avant de se suicider suite à une sombre affaire politique.
La plupart de ces patients finiront leurs jours dans différents hôpitaux psychiatriques. Bon nombre d'entre eux ne voyant pas leurs symptômes régressés sont donc confiés aux "bons soins" des institutions qui les accueillent et meurent sans que leur famille ou leurs proches ne les visitent. Ils seront alors inhumés dans les cimetières jouxtant à l'époque ces hôpitaux psychiatriques où l'on inhume les patients au long terme dont plus personne ne veut.
Le cimetière des oubliés de Cadillac est l'un de ces lieux de sépulture dont les tombes ne sont ornées que de simples croix de fer dont les noms ont depuis longtemps disparus. Suite à un projet d'extension de parking, il y a quelques années, on relevait les corps pour les mettre dans des sacs poubelles à destination d'un ossuaire quelconque. Il aura fallu la ténacité de quelques personnes pour que ce cimetière soit classé monument national en 2010. La république qui avait envoyé tant de jeunes hommes se faire tuer n'aura cent après pas plus de respect pour leurs dépouilles.
Ainsi en ce onze novembre deux-mille-quinze, souvenons nous de tous ces "fous" dont le sacrifice est rarement évoqués, la plupart étant morts dans l'oubli le plus total. Il faudra attendre la guerre du Vietnam pour que le syndrome de stress post traumatique puisse être enfin envisager pour traiter ces affections peu communes.
L'article L. 2223-17 du code des collectivités territoriales édicte que lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d'être
entretenue, le maire peut constater cet état d'abandon par procès-verbal
porté à la connaissance du public et des familles et faire reprendre la concession. C'est la raison pour laquelle cette année encore j'ai déposé un chrysanthème sur la tombe abandonnée du petit sous-lieutenant mort en 1915 dont la tombe jouxte celle de mon arrière-grand-mère.
8 Comments:
tiens ça me fait penser aux féministes qui écrivaient sur les tombes des soldats morts et connus"et leurs femmes elles sont connues?" voilà c'était à peu près ça qu'elles écrivaient,niveau respect ça vole haut
@Kevin : Prenez connaissance de ce lien et vous verrez si les femmes n'ont pas aussi été victimes de ce conflit :
http://www.educreuse23.ac-limoges.fr/loewy/realisations/der/Foret.HTM
Un soldat mort c'est une veuve et des orphelins et d'autres femmes qui ne trouveront pas de maris.
"Un soldat mort c'est une veuve et des orphelins et d'autres femmes qui ne trouveront pas de maris."Bah voyons que c'est horrible ,elles préfèreraient peut être se retrouver au milieu du champ de bataille et subir des tirs d'obus à longueur de temps? au moins elles auraient en plus de ça la joie d'être sujet au stress post traumatique,alors je ne dis pas le contraire,ça doit être horrible de perde son maris et ses enfants mais ça ne m'empêchera pas de ne surtout pas les voir en tant que victimes,mais bon c'est dans le principe même d'une femme que de râler et de se plaindre tout le temps.
Donc non ça ne justifie pas le fait de dégrader une tombe et elles ne sont pas victimes.Mais elles cherchent quand même à se faire voir en tant que telle.
@Kevin: en temps normal je serai totalement en accord avec vous. Mais s'agissant de la Grande guerre, là j'ai d'autres idées. Vous pourrez me trouver très con et vous n'auriez pas tort. C'est mon côté romantique. Moi, que voulez-vous, la veuve et l'orphelin pleurant le poilu disparu dans les tranchées, ça m'émeut !
https://inventaire.picardie.fr/dossier/monument-aux-morts-de-fontaine-sur-somme/14a14412-51fc-4fc6-a0f1-965091884fca
"Mais s'agissant de la Grande guerre, là j'ai d'autres idées" oui d'ailleurs en lisant votre blog j'avais compris que vous êtes un passionné de cette grande guerre et que vous avez lu divers livres à ce sujet ,ce qui n'est pas mon cas n'étant pas un passionné d'histoire donc vous savez surement plus de détail que moi.
"Vous pourrez me trouver très con et vous n'auriez pas tort. C'est mon côté romantique." comme vous l'avez dis vous même vous êtes un grand sensible mais vous abhorrez la mièvrerie :)
"Moi, que voulez-vous, la veuve et l'orphelin pleurant le poilu disparu dans les tranchées, ça m'émeut !" comme beaucoup de monde.Mais ça m'empêchera pas de penser ce que j'ai dis,d'ailleurs vous mêmes avez dis qu'en temps normal vous serez d'accord avec moi ce qui me fait plaisir :)
@Kevin : bien sur que je suis d'accord ! D'ailleurs chaque fois qu'une gonzesse me saoule avec l’accouchement, je lui répond d'aller voir les noms sur les tombes à Douaumont ! Mais bon, là c'est différent ! Et même si ça ne l'est pas, ça l'est tout de même. Me demandez pas pourquoi, c'est comme ça.
@kevin : vous semblez occulter que les femmes des poilus et les féministes de 2015 n'ont rien en commun. Les premières auraient très certainement lapidé les secondes. ;)
@Kevin, je peux saisir l'origine de votre animosité dans les manifestations régulières de la médiocrité des femmes de votre génération.
Mais vous comparez deux époques bien distinctes.
Ne plus avoir de père ou de mari vous plongeait dans le cauchemar d'être pauvre d'entre les pauvres, la misère, oignons et galettes pour toute nourriture, c'était avant l'esclavage masculin au profit des allocations familiales et des pensions alimentaires, bien avant la société de consommation. On se suicidait dans les campagnes quand la faim vous torturait chaque jour, quand on n'avait plus la force de vendre ses bras, quand on crevait de froid l'hiver.
Vous oubliez un autre point essentiel : la honte. La honte de n'avoir pas de père, comme les bâtards, personne pour vous protéger à l'école, la honte d'avoir une mère qui se tue la santé à l'usine pour un salaire de misère, comme les prostituées trop vieilles pour monnayer leurs charmes. La honte d'être placé dans d'autres familles pour survivre, la honte de n'être plus qu'une bouche à nourrir.
Ne plus avoir de père ou de mari prenait une toute autre signification à l'époque. Les femmes et les enfants ne souffraient pas d'obusite bien évidemment, mais de séquelles sévères surement, malnutrition et carence affective totale, mépris d'une société qui avait envoyé leur mari sur le chemin des dames. Sans parler des femmes en couple qui ostracisaient les veuves pour limiter les tentations de leur conjoint.
Vous parlez d'une autre époque. Une époque où le mari était aussi indispensable à la survie que le lopin de terre et le cheval de la famille.
Plus de mari, plus de terre, plus de cheval, la misère parmi les pauvres. Une femme sans mari c'était pas une salope disponible sur OKcupid.
Enregistrer un commentaire
<< Home