Le croque-mitaine !
Mardi j'avais une de mes patientes qui vit place des Vosges par FaceTime. Comme elle tenait à la confidentialité de notre entretien, elle a pris son chien et l'a promené tout le temps de notre séance. A un moment donné, elle a fait fonctionner la caméra arrière de son Iphone et j'ai pu constater que sur la place, si ce n'était pas vraiment l'affluence des grands jours, il y avait tout de même pas mal de monde. Ma patiente m'a même dit que dans l'immeuble où elle vit, ses voisins lui proposaient régulièrement de sortir son chien afin d'avoir une excuse pour être dehors.
De ce que j'ai pu constater, les gens n'étaient pas en groupes compacts mais plutôt épars. Certains marchaient, vaquant à leurs occupations, faire des courses ou promener le chien, tandis que d'autres s'adonnaient à un jogging assidu. C'était un joyeux bordel où les règles étaient à peu près respectées. De toute manière, je ne crois pas que l'on puisse exiger plus de la population.
Et puis, ce confinement est criminel. Habituellement ce sont les malades que l'on met en quarantaine et non les gens bien portants. Exiger de personnes qui n'ont pas de symptômes qu'ils se calfeutrent chez eux dans la crainte hypothétique d'un vilain virus est stupide. Si l'on peut compter sur l'intelligence humaine pour ne pas trop se mettre en danger et mettre en place des mesures de bon sens telles que se laver les mains et éviter de se retrouver en groupes trop important, il est illusoire de compter sur une stricte observance des prescriptions gouvernementales et médicales. Il y a une subjectivité humaine avec laquelle on négocie.
Évidemment ça n'a pas raté, le soir, sur tweeter, des photos apparaissaient de différents quartiers de Paris où l'on voyait les gens se promener et les oiseaux de mauvais augure et les délateurs anonymes y allaient de leur langue de vipère pour conspuer cette absence de respect, les pires souhaitant aux promeneurs récalcitrants de finir intubés, les poumons rongés, dans un service de réanimation. Et moi, trollant comme j'aime à le faire, je ne cessais de dire que c'était juste un comportement humain et que pourvu que la prise de risques soit mesurée, ce n'était pas un drame.
J'ai évidemment eu le droit à toutes les insultes et l'on m'a souhaité à moi aussi de finir intubé dans un service de réanimation. J'ai à chaque fois répondu que j'étais un adulte doué de raison tout à fait capable de prendre soin de moi sans qu'un état obèse et incompétent n'intervienne. Mais même ça, ça ne fait pas d'effet. Ces individus dont la plupart sont faits pour le fouet plus que pour la liberté gardent une entière confiance en les capacités de l'état à nous protéger et traiteront de fou l'électron libre qui aurait décidé de s'affranchir ds règles étatiques pour suivre les siennes.
Les individus sont inégaux face aux règles. Comme le savent les psychologues, la plupart du temps, le législateur édicte une règle mais le citoyen l'interprète. C'est ainsi et notamment en France, pays renommé pour l'indiscipline de ses habitants. Quant à l'Italie, nos voisins, il aura fallu que l'armée patrouille pour que les gens restent chez eux, mais aussi une avalanche de nouvelles quotidiennes macabres pour instaurer la peur. C'est bien simple, en Italie, il semble que l'unique cause de mortalité soit devenue le coronavirus. Qu'un vieux meure et on invoque le coronavirus même si la criminologie nous enseigne que ce n'est pas parce qu'on est sur le lieux du crime que l'on est l'assassin.
Chez nous, pas d'armée mais l'état a lâché les pandores. Les éborgneurs de prolos en gilet jaune ont repris du service en alignant maintenant à coups de contredanses à 135€ parfois sans aucune nuance. Momo, le maçon tunisien que j'emploie souvent, s'est ainsi vu rappeler à l'ordre parce qu'après avoir sorti les poubelles, il s'était permis une pause cigarette sur le muret qui sépare son immeuble du trottoir pour souffler un peu loin de ses gosses et de sa femme. Il a eu beau dire et faire, les pandores sont restés inflexibles : c'est interdit.
Pourtant ce confinement est sans doute la mesure la plus stupide qui soit. Il ne nous est pas adressé. Rassurez-vous l'état n'en a rien à foutre que vous creviez. Si vous pouviez simplement le faire chez vous sans encombrer l’hôpital, ce serait juste mieux. Et encore, maintenant que l'on comptabilise tous les morts, ça la ficherait mal aussi. Même si le nombre de morts est bien en deçà de la catastrophe annoncée par toutes les projections mathématiques débiles, chacun d'eux souligne le fait que l'état si prompt a vous spolier de vos biens n'a rien fait, rien prévu et n'a eu à peu près aucune réaction depuis un mois. Ils font n'importe qui mais c'est vous qui êtes punis.
Aucune réaction si ce n'est d'affréter des TGV pour emmener quelques malades dans des hôpitaux lointains dont les chambres de ranimation sont encore vides avec force de caméras et de commentaires élogieux de la part des journalistes. On rajoutera aussi l'importance de certains moyens destinés à traquer les récalcitrants qui auraient l’audace de se promener seuls en forêt. Qu'ils ne se croient pas à l'abri ; la gendarmerie veille avec un hélicoptère relié à des patrouilles au sol. Du cinéma idiot et de la répression stupide.
Restez chez vous, non pas pour votre sécurité que l'on aurait pu garantir avec un minimum de précautions telles que la fermeture des frontières, la distribution de masques et de gel hydroalcoolique. Mais non, parce qu'ils en ont été incapables, ils nous confinent et nous, troupeau bêlant nous obéissons plus ou moins par peur du croque-mitaine invisible qui traine dans les rues, là dehors. Peu importe que nous soyons autorisés à sortir sous certaines conditions, l'important c'est d'avoir sa propre attestation signée de sa main comme un chien se promenant la laisse tenue dans sa gueule. Pouvait-on imaginer mesure plus stupide, inhumaine et avilissante ?
Et puis sans doute que, et les complotistes comme on qualifie aujourd'hui ceux qui tentent de comprendre le devinent, y-a-t-il derrière tout cela une forme de mesure punitive. Enfermés les gilets jaunes, à la niche les rebelles et à défaut de LBD et de gaz lacrymogènes dans la figure, on vous jettera quotidiennement un nombre de morts et d'infectés plus ou moins fantaisistes parce que l'important c'est que vous viviez dans la peur et que vous compreniez bien que si l'envie vous prenait de désobéir, vous mettriez votre santé en danger mais surtout celle des autres !
Et gare à ceux qui prendraient un peu ce confinement à la légère, il sera mis au ban de l’humanité, on l'accusera de mépriser les soignants et de vouloir contaminer les bien-portants. On le dit et on le répète, en restant chez vous, vous sauvez des vies. A-t-on jamais entendu slogan plus idiot ? ET que dire de ces maires totalement idiots qui traquent le promeneur solitaire sur une plage ou dans une forêt ? Sans doute ont-ils l'impression de vivre l'affaire de leur vie et de se sentir importants. Pensez-donc, ils peuvent enfin jouir du pouvoir de séquestrer leurs citoyens.
Mais je parle et je n'agis pas autrement. Moi aussi je me fais mes petites autorisations même si bien sur je triche en en ayant plusieurs en poche en fonction des horaires. J'ai un copieur professionnel à la maison, cela ne me coûte rien d'en imprimer à la pelle de ces autorisations débiles. Pourtant je ne sors pas vraiment. Nous nous faisons livrer depuis longtemps. Je ne sors que pour acheter du pain et des cigarettes. Où irais-je de toute manière puisque tout est fermé ? Quand j'ai pas mal de temps, je vais entretenir le jardin de la propriété de mon père que je n'ai toujours pas vendue. Je déteste le sport mais j'aime bien jardiner.
Et puis il y a une immense terrasse très bien orientée. La cuisine est encore équipée, il y a une cafetière et un réfrégirateur qui regorge de boissons. Deux amis sont passés me voir. C'était assez drôle. On avait l'impression d'être des résistants tentant d'échapper à la police. De toute manière eux aussi sont confinés depuis le début et font aussi peu de déplacements que moi. On s'est retrouvés, on a pris des cafés et on a fumé des clopes. Rien de bien méchant. Nous étions dehors et les risques hypothétiques que nous aurions pu courir n'étaient pas supérieurs à ceux que l'on prendrait en allant faire nos courses de toute manière.
L'un d'eux avait scotché son autorisation de sortie sur la vitre arrière de sa voiture. J'ai trouvé cela malin, ça évite de la chercher. Il m'a dit que cela lui évitait surtout d'avoir à parler à l'un de ces "fils de pute de flic" qui peut ainsi la vérifier facilement sans engager aucun contact. Il semblait très en colère et n'a cessé de me dire : tu imagines qu'à notre âge et avec nos qualifications on doit se justifier auprès de semi-débiles qui ont l'âge d'être nos gosses ?!
Mon autre ami était plus stoïque, question de caractère. Le confinement ne l'enchante guère mais il faut contre mauvaise fortune bon cœur. De toute manière, on ne va pas prendre les armes ni bruler le premier Kangoo sérigraphié qui passe. Il n'a pas tort. Toujours est-il que durant trois heures, on a oublié cette période étrange. On avait l'impression d'être normaux. On a discuté de plein de choses puis on s'est quitté en refaisant chacun notre attestation au cas ou on nous la demanderait. Signe infime de résistance qui nous a fait nous sentir vivants.
En rentrant j'ai croisé un voisin que je connais bien, presque un pote. C'est un généraliste et lui qui prenait les choses stoïquement est maintenant paniqué. Il m'a laissé drrière sa grille et m'a parlé de son perron car il est persuadé que le virus peut voyager sur plus de huit mètres. Il m'a expliqué que ses enfants faisaient les courses en adoptant une tenue spéciale qu'ils laissaient dans le garage avant de se changer.
Il m'a raconté qu'un de ses patients âgé de soixante-dix ans était mort en quatre heures du coronavirus. Je lui ai dit que c'était impossible et qu'il devait avoir des symptômes depuis longtemps. Soit qu'il les ait plus ou moins ignoré soit qu'on lui ai dit : ce n'est rien restez chez vous et prenez du Doliprane. J’ai tenté de le raisonner mais rien n'y a fait. Le farouche médecin qui
voici un mois n'avait pas peur du virus s'est transformé en petite
vieille paniquée.Je l'ai salué et suis rentré chez moi. Je comprends la prudence, pas la la pleutrerie.
Quant à son patient, pauvre de lui qui n'aura eu aucun traitement si ce n'est quand il était trop tard, paix à son âme. Parce que le traitement de Raoult n'est que pour les élus qui ont vite compris que le risque lié à la chloroquine était moindre que celui de ne rien prendre. Il est aussi pour pas mal de médecins de ma connaissance qui se sont tous plus ou moins débrouillés pour avoir leurs boites de Plaquenil au cas ou. On a l'impression d'être dans Titanic quand les premières classes s'engouffrent dans les canots de sauvetages laissant les femmes et les enfants de troisième classe crever à bord.
Le soir sur tweeter j'ai retrouvé les mêmes commentaires haineux et débiles des balances professionnelles fustigeant l'incroyable inconscience du promeneur solitaire ou du jogger qui n’obéit pas à l'état et se moque de nos pauvres soignants. J'ai trollé, prenant un malin plaisir à blesser leur cerveau rabougri. Je sais qu'ils sont tellement idiots que l'ironie et le second degré leur échappe totalement. Ils m'ont bien sûr souhaité de mourir du coronavirus en souffrant beaucoup.
J'enrage et je ne peux rien faire si ce n'est attendre comme tout le monde. J'ai cinquante-trois ans et on me fait le coup du croque-mitaine comme si j'en avais trois. A mes amis ayant voté Macron et qui se plaignait des risques économiques que pourrait couter ce confinement à la France, j'ai répondu qu'ils avaient qu'à mieux voter, que cela leur apprendrait. De toute manière, moi je m'en fous, je n'ai pas de goûts de luxe et j'ai toujours vécu assez simplement. Que ces abrutis qui ont voté Macron se débrouillent, leur ruine ne m'importe guère.
Compte-tenu de mon mode de vie, je pense qu'il me reste dix sept ans à
passer sur terre, ce n'est pas beaucoup. J'ai de quoi tenir assez
largement avant de tirer ma révérence. Au pire, je me retirerais dans la maison de mon épouse en Corse. Entre le potager et quelques poules, on se débrouillera.
Jamais je n'aurais cru que je vivrais ce type d'expérience.
***
Il est évident que ce texte ne constitue pas un appel à désobéir et je ne saurais trop vous conseiller de respecter à a lettre les consignes gouvernementales et de rester chez vous comme ils disent à la télé !
Ce que j'écris est le produit de ma propre subjectivité. Souvenez vous que je ne suis qu'un gros con d'anarchiste de droite détestant les élus et les forces de l'ordre même si je ne doute pas que dans le lot, il puisse en exister qui soient de braves gens, mais aussi que l'on me dise ce que je dois faire quand je n'ai pas envie de le faire.
Je ne suis donc pas un exemple à suivre.
7 Comments:
Je me demande comment réagit une personne qui se rend compte après coup qu'on lui a fait une grosse frayeur pour des raisons légèrement inexactes. Je me demande comment réagissent beaucoup de personnes qui font le même constat en même temps.
En attendant d'avoir la réponse, j'ai la chance d'être confinée dans un endroit sympa, en compagnie des personnes qui comptent le plus pour moi au monde. Pour l'instant il fait beau et on a encore nos payes. Et en plus, on sauve des vies...
Un adulte qui s'aperçoit que sa peur n'était pas justifiée doit se sentir un peu bébête, non ?
Ou un peu rageux envers lui même : "comment ai-je pu prendre au sérieux tous ces discours cette fois ci alors que d'habitude je m'en préoccupe comme de l'an quarante ? Ce sont pourtant les mêmes personnes, des mêmes instances bureaucratiques, celles qui [me] font zapper dans un pfffff blasé OSEF" ?
Ou les deux
« Ces individus dont la plupart sont faits pour le fouet plus que pour la liberté gardent une entière confiance en les capacités de l'état à nous protéger »
Je pense que le psy aura pensé que très vraisemblablement, ces gens angoissent. Ils retombent en enfance et se cherchent un papa pour les sauver. Et ce papa, c’est l’état. Ainsi, pensent-ils, si nous respectons les très sages consignes de notre fort dévoué gouvernement, le virus les épargnera.
Comment vous rencontrer ?
Non, vous n'êtes pas un exemple à suivre! Par ce comportement vous auriez pu, à quelques années près contaminer un Henri Virlojeux octogénaire! Honteux !!
Je partage vos réflexions...triste société.
Je partage vos réflexions... triste société.
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