04 avril, 2020

Trop de réflexion face à la crise !



La première semaine de confinement s'est bien passée. Sans doute que mobilisés par l'adaptation au changement, mes chers patients n'ont pas eu trop le temps de penser à autre chose. Entre le télétravail à adopter pour ceux qui le pouvaient, les courses à faire, le lieu de résidence à choisir quand c'était possible, leur esprit était mobilisé par un mille et un petits soucis qui leur faisait oublier la réalité de la situation. Un départ en vacances un peu chaotique aurait produit le même effet.

Puis, il y eu la seconde semaine. Les choses s’étaient installées. Tout était sensé tourner à peu près bien. L'urgence était passée, il suffisait de continuer à s'adapter à cette situation que personne n'aurait imaginée le mois dernier. Et c'est là que les choses se sont aggravées. 

L'écrasante majorité d'entre eux n'a pas peur du coronavirus et le décompte macabre quotidien, cette sinistre mise en scène gouvernementale n'a pas vraiment de prise sur eux. Non, qu'ils nient la réalité de la situation mais qu'ils estiment l'apprécier à sa juste valeur. Chacun sait que 98% des gens atteints sans s'en sortent sans problèmes mais que lorsque cela s'aggrave, l'âge moyen des personnes décédées est de 71 ans en France et même de près de 80 ans en Italie. 

La plupart, à l’instar de votre serviteur, sait que l'on ne peut accorder aucune confiance en l'état français et que les chiffres publiés sont évidemment fantaisistes. En l'absence de tests pratiqués sur un large panel de population, les statistiques sont nécessairement biaisées et d'un intérêt tout relatif. Peut être l'ai je eu ou pas, et vous qui me lisez aussi, on n'en saura jamais rien. 


On peut aussi estimer que compte tenu des chiffres avancés par le directeur général de la santé, l'épidémie est passée dans le grand est comme en région parisienne et que bien des gens ont pu être en contact avec le virus sans le savoir. Lorsque l'on voit comment il se propage dans un EPHAD, pourquoi imaginer qu'il en serait différemment pour ceux qui ont fréquenté le métro, les cinémas et les théâtres, les restaurants ou tout bonnement leur bureau de la Défense ?

Personne ne nie la réalité de l'épidémie mais pour autant, aucun de mes chers patients ne bascule dans la psychose telle qu'elle est véhiculée par les soignants exerçant dans les services de réanimation. Lorsque je vois une infirmière de réanimation parler, je me souviens que ma mère me tenait les mêmes propos au sujet de la moto que je voulais quand j'avais quinze ans. A l’entendre, j'allais forcément mourir ou au mieux, finir à Garches tétraplégique. J'ai finalement eu ma Suzuki TS50 et je suis toujours en vie. Est-ce du à la grande loterie de la vie ou au fait que j'aie toujours été relativement prudent même jeune ? Je ne le saurai jamais. 

Pour autant, aucun d'eux ne jouerait avec le feu. Le moment n'est pas venu de se faire des tas de bises ni de se tousser à la face. Mais au delà de ces simples mesures de bon sens, aucun de mes patients ne m'a parlé de mesures sanitaires plus drastiques. Certains plus rebelles rompent même le confinement de manière délibérée pour se retrouver en famille lorsqu'ils habitent proches les uns des autres. Il ne s'agit pas de se retrouver à dix personnes mais à quatre ou six. Je sais que c'est très mal et que je devrais hurler que ce sont des assassins en puissance et qu'ils verront bien quand ils seront intubés mais bien sur, je n'en ai rien fait. J'estime qu'ils sont, tout comme moi, parfaitement à même de prendre leur sécurité en main, et en tout cas bien mieux que ne le fera ce gouvernement de brêles.

Bref, tout ceci pourrait fort bien se passer sauf que ... Sauf que c'est bien plus la perception de l'environnement immédiat qui en a plus marqué certains que le virus proprement dit. C'est ainsi que mon cher marquis du mardi m'avait envoyé un message dans lequel il me disait : il faut vraiment qu'on se fasse une séance parce que ta marquise a bien des soucis en ce moment.

Une fois encore, j'ai à faire à un jeune homme extrêmement intelligent tout à fait capable d'appréhender la crise que l'on traverse sans se rouler en boule et gémir. De plus, son milieu social fait qu'il a accès à des informations privilégiées qui donnent à penser que c'est bien plus l’hôpital à bout de souffle que 'on cherche à épargner et l'impéritie du gouvernement que l'on cherche à couvrir, que notre santé que l'on cherche à préserver. N'oubliez pas que les politiques, ayant souvent des traits sociopathiques, n'en ont à peu près rien à foutre de nous. Vous noterez qu'ils ne redoutent que la violence. 

Mon marquis n'est donc pas plus inquiet que cela et tout ce cirque le ferait plutôt sourire. Il est encore jeune, possède une bonne assise sociale et se remettra de la crise. C'est terrible à dire mais nous sommes inégaux face à ce confinement idiot. Certains en paieront le prix fort tandis que d'autres n'auront comme souvenir que la privation d'aller et de venir durant un certains temps.

Ce qui trouble le plus mon marquis n'est donc pas d'appréhender le phénomène avec son intelligence qui traite parfaitement tous les paramètres mais avec son système limbique, cette part animale qui subsiste en nous et que l'on nomme l'instinct. Excellent stratège, il est de fait un piètre tacticien. Il voit lon et plutôt justement à mon sens mais il a du mal à s'adapter.

Le monde est ainsi fait qu'un officier d'état major n'est pas forcément le mieux placé pour être commando. Son système limbique enregistre des modifications de paramètres dans son environnement immédiat et il ne s'adapte que très imparfaitement. Il faut dire que l’immeuble parisien où il réside s'est vidé instantanément des 2/3 de ses habitants, partis vers de plus riantes résidences secondaires. Au rez de chaussée, la boutique et le restaurant sont fermés.

Il n'en fallait pas plus à mon marquis pour noter d’imperceptibles modifications de son environnement : il n'y a plus de bruit. L’ascenseur fonctionne moins, on n'entend plus de portes claquer et si l'on ouvre la fenêtre, peu de bruits aussi puisque la circulation est devenue rare. Comme il me l'explique, ce sont les heures du matin qui sont les plus pénibles. Ces bruits insignifiants ou au contraire agaçants avec les lesquels on avait l'habitude de vivre et qui rythmait notre vie n'existent plus. L'alternance semaine weekend est abolie, tout est calme. Et émergeant du sommeil, mon marquis met deux heures à émerger d'une sorte de torpeur. 

Je lui ai expliqué qu'il était simplement ne train de "rebooter" et qu'un type aussi réfléchi que lui dont la pensée était l'arme ultime n'était pas forcément le mieux placé pour s'adapter rapidement. Ca se fera sur les jours suivants. Je lui ai dit d'imaginer la petite roue multicolore Apple ou encore le sablier Microsoft pour visualiser ce qui se passait dans son cerveau. Un nouveau programme se met en place lui permettant d'appréhender d'une manière réfléchie son environnement. Et c'est vrai que cela se passe mieux. 

Un autre de mes patients résidant en centre ville a eu le même souci. Au début, comme il a cessé son activité professionnelle depuis quelques temps, il plaisantait en disant que finalement les gens allaient vivre comme lui en restant chez eux. Il se sentait mieux armé que nous, estimant que sa vie quelque peu ralentie serait un atout pour affronter cette crise. Il n'en est rien car il y a une différence entre la réclusion que l'on choisit et celle que l'on subit. Celle que l'on choisit, on peut y mettre fin quand bon nous semble ; celle que l'on subit, on n'a d'autre choix que l'endurer. 

Une fois encore, la solitude à laquelle on consent n'est pas la même lorsque l'on sait qu'on peut la rompre à tout moment en allant faire des courses ou boire un café. Posséder un droit sans l'exercer n'est pas la même chose qu'en être privé. C'est ainsi que ce patient s'est trouvé confronté à un environnement qu'il n'avait pas imaginé : le fait que les gens en soient réduits à vivre comme lui a fait que la vie a été abolie. Terminés les bruits du marché, des voitures, des gens, ce brouhaha auquel on ne prend plus garde tellement il est devenu banal. En échange, les fenêtres de l'hôtel particulier de mon patient ne s'ouvrent plus que sur une immense place vide ou nul ne passe. Sa thébaïde d'où il pouvait s'extraire pour se frotter au monde n'est plus qu'un sinistre tombeau.

Et puis, il y a moi, votre serviteur. J'enrage et je tempête parce que je trouve que ce confinement n'est que l'aboutissement d'une incroyable suite de fautes de ce gouvernement d'incapables. Je les déteste à un point que vous n'imaginez même pas. Je pourrais commander un peloton d’exécution et dormir comme un bébé le soir venu. Et pourtant, je vous l'assure et ceux qui me connaissent vous le confirmeront, je suis naturellement bienveillant.

Mais mon confinement se passe bien. Habitant en banlieue dans une grande maison au milieu d'un jardin, rien n'a vraiment changé. Lorsque je rentre du cabinet, je rejoins toujours un endroit calme et il l'est tout autant aujourd'hui. Rien n'a vraiment changé dans mon environnement. J'avais déjà l'habitude de consulter par skype et cela continue même si c'est la totalité de mes consultations qui se font maintenant de cette manière. De fait ma semaine est assez rythmée et je reste le même, que je sois au cabinet, par Skype ou assis à une terrasse de café. C'est d'ailleurs ce qui me manque le plus, de m'asseoir en terrasse avec mes JPS, un bon livre ou des gens sympathiques. Le reste je m'en passe.

Et puis, il y a Jésus, que mes fidèles lecteurs connaissent bien, ce patient un peu perché que j'avais fait exorciser voici quelques années faute de mieux. Jésus m'a appelé pour prendre de mes nouvelles. ll allait bien et comme il me l'a dit, il ne sentait pas bien l'affaire, tant et si bien qu'il s'est barré une semaine avant le confinement pour se réfugier à la campagne chez ses grands parents qui possèdent une exploitation agricole. Il a observé une quarantaine tranquille en résidant dans une maison indépendante puis il s'est mis au travail.Il retape des clôtures, révise les toitures et s'occupe ds bêtes. 

Mais Jésus c'est un tacticien, le genre de type qu'on parachute derrière des lignes avec une mission et qui revient toujours. Je me souviens des médecins qui avaient considéré son cas comme grave et qui aujourd’hui, face au coronavirus se retrouvent commet des poules devant un couteau. Jésus lui, n'a pas ce problème. C'est sur que le placer face à des choix l’engageant sur des années, relevait de l'impossible mais au quotidien, ça reste un des meilleurs que j'ai connus.

Jésus ne fait pas de statistiques, il se contente de s'adapter perpétuellement.


1 Comments:

Blogger Unknown said...

Bonjour Phil.
je recherche un espace thérapeutique où je peux exprimer ma colère. Cela nécessite pour moi : un thérapeute qui ait exprimé la sienne par ailleurs, un espace plus ou moins insonorisé... Merci de me donner des pistes sir vous en avez... Je suis dans l'Hérault.
Carole 09 75 87 24 49

26/5/21 11:37 AM  

Enregistrer un commentaire

<< Home