23 septembre, 2007

Des nouvelles de Marcel !

Champagne au frais ? Tiens, je suis attendu !

Dans un article en date du 2 août dernier, je vous parlais de Marcel, le patron du rade qui jouxte ma banque, dans lequel je me rends chaque semaine après avoir versé mes chèques de consultations.

Consommant mon habituel café, le cul sur une chaise, j'ai eu le loisir d'observer la clientèle d'habitués qui fréquente ce rade de quartier. Pas grand chose à en dire, si ce n'est la présence d'alcoolos classiques. Deux personnes ont retenu mon attention, un type dont je vous parlerai prochainement et Marcel, le patron, qui bien sur ne s'appelle pas Marcel, mais que j'appellerai Marcel pour des raisons de confidentialité.

L'ayant largement observé et ayant souvent discuté avec lui, mon opinion était faite, Marcel souffre de ce que l'on nomme aujourd'hui un trouble bipolaire (BP), que l'on appelait avant psychose maniaco-dépressive et encore avant folie circulaire. Peut-être qu'encore avant, cela n'avait pas de nom ou encore un autre nom et peut-être même qu'on brûlait ceux qui en étaient atteints, mais je n'ai pas de renseignements précis.

Donc, comme je l'expliquais dans l'article précédent, dont je fais un super copier/coller, Marcel est un type étrange, à la fois fort en gueule et doté d’une sensibilité étonnante, qu'il cherche toutefois à refouler. Lorsqu’il a repris cet établissement voici deux ans, il a lourdé la plupart des piliers de comptoir puis, a réussi à s’engueuler avec la majeure partie des commerçants de la rue et enfin de la clientèle qui lui restait.

Il est parfois dans des périodes d’activité intense, au cours desquelles il parle à tout le monde, vanne ses clients, sauf moi bien sur, joue le beau, siffle carrément les gonzesses qui passent dans la rue et semble ne jamais pouvoir s’arrêter. S'il a le malheur de boire un verre, il ne s'arrêtera qu'au bout de trois ou quatre bouteilles. Et pourtant, Marcel n'a rien d'un alcoolique.

Un blaireau de médecin le connaissant, me disait qu'il était alcoolique et me rappelait combien l'alcoolisme était difficile à traiter, et que donc, Marcel n'avait pas de pot, et donc qu'en gros il devait se démerder. C'est toujours un peu le même discours concernant l'addiction, comme si ceux qui en étaient atteints étaient forcément des êtres faibles. L'idée d'une explication neurobiologique échappe souvent aux médecins s'agissant des addictions, et dans ce cas ils se transforment en jansénistes.

J'ai rétorqué à ce médecin de mes deux, qu'il se trompait, que l'alcoolisme, ce n'était pas cela et que ce qu'on observait chez Marcel n'était qu'un symptôme de quelque chose de plus profond et intéressant. Que dans le cas de Marcel, l'alcool n'était qu'une addiction lambda, qui signe l'entrée dans la phase maniaque d'un trouble bipolaire, et rien d'autre. D'ailleurs, Marcel peut cesser de boire durant plusieurs jours. Vous l'aurez saisi au passage, mon diagnostic est bien plus balèze et intelligent que celui de ce pauvre naze. Et d'ailleurs, je ferai un jour prochain un super truc sur les addictions.

Je ne dis pas que boire comme il le fait, est neutre et que cela doit être encouragé, non ! Mais je pense que si Marcel tombe sur un médecin qui lui prescrit un traitement classique, avec des aversifs du type Aotal ou Esperal, plus le Valium qui va bien, rajoute la leçon de morale pour lui expliquer que boire c'est pas beau, Marcel boira encore alors que j'aurai une longue barbe blanche. Traiter uniquement le symptôme et non la cause, voilà le risque !

En bref, j'en étais là de mes observations avec Marcel. Je suis persuadé qu'il souffre d'un joli trouble bipolaire, mais comment lui dire ? Même si j'ai eu l'occasion de discuter bien souvent avec lui, ce n'est pas facile à dire. En effet difficile d'expliquer à quelqu'un que s'il se comporte comme une merde, ce n'est pas parce qu'il est con mais simplement malade. Déjà, le problème, c'est que Marcel quand il est dans ses virages maniaques est persuadé d'être spirituel et génial alors qu'il n'est que chiant.

Donc en gros, tant que plusieurs personnes ne lui avaient pas clairement manifesté le fait qu'il devenait de plus en plus lourd, il n'y avait pas de raisons que tout cela s'arrête. Marcel piquait ses crises, devenait lourd, faisait chier tout le monde et puis voilà. Mais, quelques problèmes avec la police, les consommateurs, son personnel, et enfin tout le monde, lui ont mis la puce à l'oreille comme on disait quand j'étais petit.

Marcel a commencé à se dire que ses comportements n'étaient pas drôles mais problématiques et sans doute le signe d'un truc pas net. Il a commencé à en souffrir parce que qu'il s'est dit que si près de cent pour cent des personnes le trouvaient lourd, c'est qu'il l'était vraiment. Il en a donc conçu de la honte, et comme je l'expliquais magistralement dans mon article précédent, ce sentiment de honte l'a rendu plus humain.

Tant et si bien, qu'un vendredi, alors que j'étais benoîtement assis dans l'établissement en train de lire, en prenant un café, il a demandé à me parler. Il a pris une chaise et m'a dit qu'il fallait qu'il arrête de boire. Je l'ai écouté, et super intelligemment, avec une ruse digne d'un tribu entière de sioux, je l'ai adroitement questionné l'air de ne pas y toucher ! Là, je vous entends vous exclamer : "Qu'est-ce qu'il est rusé Philippe !". C'est vrai et je le sais de toute manière.

Au bout d'une vingtaine de minute, la discussion était suffisamment calme pour que j'avance précautionneusement mes pions et que je lui parle franchement. J'avais suffisamment d'éléments pour lui expliquer que peut-être que s'il buvait, ce n'était pas vraiment de l'alcoolisme, mais le symptôme d'un truc plus insidieux que l'on nomme trouble bipolaire. Alors croyez-moi, j'ai bien amené le truc ! Je ne lui ai pas dit : "As-tu pensé que tu buvais comme un trou parce que tu es dingue ?"

Non, je lui ai fait prendre conscience de ses hauts et de ses bas, de sa sensibilité particulière, de son côté créatif, etc. Ceci dit, comme le mec, même s'il est bourrin, est plutôt intelligent, il se connaissait parfaitement, je ne lui ai rien appris sur lui qu'il ne sache déjà. Depuis des tas d'années, il savait qu'un truc clochait chez lui. La seule chose qui lui manquait c'était de mettre un nom sur son trouble. Comme beaucoup de gens, il n'avait pas eu envie d'aller voir un psy, parce que ce qu'il connaissait de notre métier, n'était pas très intéressant.

Comme il me l'a dit, il n'avait aucune envie de se raconter durant des années, semaine après semaine. Sa vie, il la connaissait parfaitement bien, et ce qui lui importait c'était le présent et l'avenir. Je ne lui en veux pas de penser cela, parce que si les gens ont Gérard Miller comme seule représentation de notre boulot, c'est sur que cela n'incite pas à consulter. On préfère continuer à picoler.

Enfin, quoiqu'il en soit, on a pu papoter correctement une demie-heure sans qu'il ne s'énerve. Je lui ai promis deux ou trois photocopies sur le sujet afin qu'il se fasse son idée. Et ensuite, ne me restera plus qu'à trouver un médecin capable de le suivre.

Et là, c'est une autre paire de manche ! Car si pour prescrire des ISRS (médocs genre prozac) et des benzodiazépines (médocs genre Lexomil), on trouve tout un tas de médecins, ça devient plus difficile pour prendre en charge un trouble bipolaire. Même certains psychiatres à qui, j'ai pu envoyer des personnes dont j'étais sur qu'il fussent bipolaires, ont des pudeurs de pucelles face à cette pathologie ! Tant qu'on n'est pas dans un beau cas de type 1 avec de belles crises maniaques entrecoupées de passages ultra mélancoliques, ça ne leur va pas !

Alors ils questionnent sur les parents, et si vous avez le malheur de dire que papa et maman allaient bien, c'est raté, vous revenez dans la case dépression et vous aurez le droit à tous les antidépresseurs du marché. Parce qu'ils ne se posent pas la question de savoir si papa ou maman auraient pu être eux-mêmes bipolaires sans que cela n'ait jamais été détecté. Nan, un trouble bipolaire, c'est des alternances de hauts très hauts et de bas très bas, et un parent qui en a souffert, et toc ! Circulez, y'a rien à voir !

Mais bon, mon propos n'est pas de critiquer les médecins, chacun son boulot ! Dans tous les cas, Marcel sait ce qu'il a et pourra se démerder pour consulter qui il veut ! Je lui filerai une ou deux adresses sur Paris et hop, moi j'aurais fait mon boulot sans gagner un rond. Enfin si, il m'a payé le coup et le Chablis n'était pas dégueulasse, même qu'il était servi dans un verre en cristal, ce qui a énervé les autres consommateurs qui n'ont droit qu'à des verres tout pourris ! Moi j'ai bine aimé cette délicate attention, comme quoi il m'en faut peu pour être content !

A ce stade de l'exposé, je me dois de rappeler bien sur qu'il faut boire avec une super modération et seulement en présence d'un membre dûment agréé par l'Etat.

Et puis, je conclus en vous disant que si le trouble bipolaire vous intéresse, vous pouvez aller faire un tour sur ce site, joliment fait, bien qu'il ait un nom passablement pourri puisque c'est : www.premiumwanadoo.com/smb-prod/info/ !

3 Comments:

Blogger El Gringo said...

Mieux vaut un double Johnnie Walker qu'un simple Gérard Miller ;-)

24/9/07 12:55 AM  
Blogger Laure Allibert said...

Bravo, vos articles sont toujours très intéressants ! On pourrait dire, si on était philosophe, ce que je ne suis pas, que le cas de ce "malade" conscient de son problème montre l'opposition entre l'intellect et la volonté qui existe en chaque être humain.

24/9/07 7:52 AM  
Anonymous Anonyme said...

Merci Phil pour ce bel article ;-)

24/9/07 4:35 PM  

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