31 décembre, 2014

Saint-patron et hagiothérapie !


Tout à l'heure, je ne sais plus de quoi nous parlions, ni surtout comment nous en sommes arrivés là, mon épouse me demande à brûle pourpoint : qui est notre saint patron au fait ? Et moi, de lever les yeux au ciel pour le prendre à témoin de l'ignorance impardonnable de mon épouse, de répondre imméiatement : mais c'est Saint-Yves voyons ! Yves Hélory de Kermatin de son petit nom. Évidemment je l'enjoignis, afin de se faire pardonner, de faire participer au pèlerinage en l'honneur à Saint Yves qui aura lieu le 19 mai prochain à Tréguier, sa ville natale, en chantant le fameux Kantik sant Erwan dont voici le refrain :

Nan eus ket e Breizh, nan eus ket unan
Nan eus ket ur sant, evel sant Erwan,
Nan eus ket ur sant, evel sant Erwan.

Bien entendu mon épouse, respectant la parole de son saint homme d'époux, moi, me promit d'aller à ce pèlerinage afin de se faire pardonner l'offense faite à son saint patron et en vue de rentrer dans ses bonnes grâce. Joignant la parole à ses intentions, elle se mit immédiatement à chanter ce Kantik sant Erwan et je débarassais le plancher pour me réfugier dans mon bureau car une corse chantant en breton à vite fait de vous casser la tête.

Et c'est là dans l'intimité de mon bureau, qui me sert occasionnellement de cabinet, que je me posais une question lancinante ! Car si j'avais moqué mon épouse ne se rappelant plus de son Saint patron, j'étais moi aussi gros jean comme devant (délicieuse expression surannée) ne sachant pas qui était mon saint patron ! Avais-je seulement un saint patron ou notre profession relativement récente était-elle une pure construction moderniste dédaignée de Dieu ! Qu'allait donc advenir de mon âme après mon trépas si d'aventure je m'apercevais que la profession que j'exerce n'avait point reçu de grâces divines,  à un point tel qu'aucun des nombreux saint chrétiens n'avait daigné s'y intéresser !

C'est vrai que la folie ou ses corollaires comme la dépression, l'anxiété et tutti quanti, furent de tout temps, avant que la science moderne ne débarque, traités par des prières et autres recettes magiques. On priait tel saint, on allait faire boire le malade à une fontaine sacrée ou on lui collait la tête dans une débredinoire mais, une chose est sure, on ne l'amenait pas voir un psy. Bon, pour les tourments de l'âme il y avait aussi la philosophie ou la drogue par la suite ! Puis seulement après, vinrent les aliénistes et psychiatres avec leurs armes de destruction massive comme les douches glacées ou la lobotomie en même temps qu'une discipline purement matérialiste émergeait : la psychanalyse. Rien de bien affriolant pour ramener un saint dans la profession !

Aussitôt saisi d'effroit, tandis que me parvenaient les échos assourdis de mon épouse chantant le Kantik sant Erwan dans le salon, j'allumai fiévreusement mon Imac 27' gay friendly, preuve de ma grande ouverture d'esprit, et je tapai comme requête gougueulesque "saint patron des psy", mêlant hardiment psychiatres, psychologues, psychothérapeutes et psychopathes dans le même panier !

Et là, le regard brouillés de larmes, je vis que Dieu, dans sa sainte sagesse nous avait dépêché depuis des siècles et des siècles, non pas un saint, du genre moine barbu évangélisateur, mais une gracieuse vierge pour présider au salut de notre profession ! Qui est-elle ?

Il s'agit tout simplement d'une sainte martyre décédée au VIIème siècle et répondant au doux nom de Dymphne de Geel ! Sacré nom ? On se croirait dans un épisode de Kaamelott vu que c'est un peu la même époque ! D'ailleurs, cette sainte au prénom improbable est aussi connue sous les prénoms de Dympna ou même Dymphna !

Alors que vous dire d'elle ? Rien, vous lirez par vous-même ici, car je ne vais pas faire du copeir coller. Disons que la pauvrette étant martyre et sainte, n'a pas eu la vie facile. Elle a été décapitée par son père qui voulait l'épouser après que lui soit arrivées moultes aventures ! Cette vie tumultueuse a fait d'elle la sainte patronne de tous ceux qui sont atteints des maladies mentales et d'affections nerveuses (folie et épilepsie) et par extension de ceux qui en ont la charge (ma profession entre autre)  et fut par la suite adoptée, compte tenu de sa vie, par les victimes d'inceste et autres abus sexuels. On la représente tenant un démon enchainé et elle est fêtée le 15 mai ! Si elle protège de la folie, on peut peut-être l'invoquer contre le socialisme ? En tout cas, c'est à tenter !

Pour les dévots, on peut acheter tout un tas de médailles et objets la représentant sur ce site marchand. Je ne sais pas si cela marche mais en tout cas c'est moins cher qu'une consultation chez un psy ! Enfin moi je serais vous, je ferai les deux, j'utiliserais la voie naturelle, les psys, et la voie surnaturelle, la prière à Sainte Dymphne.

Le recours à un saint détenteur d'un pouvoir thaumaturge que l'on nomme savamment l'hagiothérapie et a toujours représenté une voie de guérison. Le saint est invoqué pour obtenir par son intercession auprès de Dieu, la guérison de la pathologie dont on souffre. S'agissant des troubles mentaux, l'hagiothérapie fut la concurrente directe, voire supplanta la médecine jusque dans le courant du XIXème siècle. Les sanctuaires faisant l'objet de pèlerinages restent nombreux, même si un certain nombre sont tombés en désuétude. S'agissant de pathologies mentales, nombreux sont les saints, outre Sainte Dymphne, n'ayant semble-t-il que peu de renommée dans nos confins, que l'on peut invoquer.

On notera que les hôpitaux, même ceux de construction moderne possède toujours un endroit où prier. Face à des pathologies lourdes plaçant le patient face à une issue fatale, il est assez classique d'associer à la médecine des voies moins scientifiques. On ne sait jamais ! C'est de la thérapie à large spectre comme les antibiotiques !
Le 15 mai prochain, ne vous étonnez pas si vous me croisez chantant un cantique à Sainte Dymphne dans les rues de Paris ! Il n'y en pas que pour Saint Yves !


30 décembre, 2014

Sus au misérabilisme !


Voici quelques jours et par le plus grand des hsards, je me suis retrouvé l'espace d'une heure en compagnie de personnes que je ne connaissais pas dix minutes avant. Allez savoir pourquoi, l'un d'eux a parlé des prix astronomiques de certaines maisons situées aux antipodes et nous a montré des photos.

Moi j'ai trouvé ces maisons très moches, très nouveau riche et pour rien au monde je n'en aurais voulu une si ce n'est pour la revendre bien vite et m'acheter ce qui me plait. On trouve bien mieux et bien moins cher sur la côte d'Azur, les pieds dans l'eau et question bouffe ça reste mieux que les antipodes.

De toute manière n'étant pas un adepte inconditionnel de la côte d'Azur, ce n'est pas ce que j'aurais acheté. Mon truc à moi ce sont les pierres sombres et les terres, du genre grosse maison avec des tours entourée de forêts. En plus avec la différence de prix entre cette maison de mauvais gout et ma forteresse, peut-être que j'aurais pu me louer une poignée de vilains que j'aurais vêtus de haillons, logés dans des masures insalubres, mais rigoureusement soumis au régime des intermittents du spectacle, pour me conforter dans mon fantasme de châtelain médiéval !

Bref, j'ai juste dit que je trouvais la maison moche, le pays sans grand attrait et puis voilà. C'était une question de goût et de couleur, de la simple idiosyncrasie. Totu ceci aurait pu en rester là et nosu aurions devisé de choses sans importances, à savoir nos gouts comparés, eux pour les villas de stars en bord de mer et moi pour les forteresses médiévales.

Mais comme nous sommes en France, il y a toujours un fâcheux qui veille, un petit flic, un empêcheur de tourner en rond. Attention, non quelqu'un qui comme moi, comme je l'expliquais dans l'article précédent, vous rappelle aux réalités à la manière d'un Sénèque, mais un bon gros socialiste qui vient vous vider son seau de merde à vos pieds en vous éclaboussant de sa morale bas de gamme et de son heuristique de comptoir et de son christianisme dévoyé.

C'est ainsi que l'un des participants, se voulant sans doute plus docte et se faisant fort de nous rappeler aux dures réalités se saisissant de son portable nous montra une photo d'un bidonville quelconque en nous expliquant qu'il existait des inégalités terribles et que lui ne pourrait vivre dans une maison à quarante millions de dollars tant que des gens vivraient dans des maisons de tôle ondulée !

En premier lieu, ce type n'est qu'un cuistre qui s'est cru capable de jouer le rôle qui m'est imparti de par ma naissance en capricorne ! N'est pas Sénèque qui veut et d'ailleurs Sénèque n'enseigne pas à vivre au raz des paquerettes mais simplement que si lui a pu manger dans de la vaisselle en vermeil, il n'en a pas moins été aussi heureux quand il a du se contenter d'une écuelle de terre cuite. Sénèque n'est pas un pseudo socialiste à la petite semaine mais un stoïcien et c'est différent !

Deuxièmement j'aurais voulu dire à ce type, mais ma bonne éducation m'en a rendu incapable, que les inégalités étaient partout, et pas que dans les disparités de l’habitat, puisque j'en avais pour preuve qu'il était très laid et de plus très bête. Je me suis tu et j'ai eu le droit au laïus habituel misérabiliste. Je déteste cette vision des choses car justement le misérabilisme renvoie à une vision péjorative de la pauvreté, le pauvre, le "démuni" étant vu comme une victime éternelle de sa situation, dépourvu d'outils pour s'en sortir. D'ailleurs je suis persuadé que les "pauvres" qu'il adore, seraient ravis d'habiter un de ces palais bordant l'océan. Mais le gaucho n'aime les pauvres que tant qu'ils restent pauvres, comme une masse confuse qu'il pourra exploiter en lui vendant des lendemains qui chantent qui l'enrichissent avant tout lui dans le confort de sa petite prébende d'exploiteur de la misère humaine.

C'est une vision anti-humaine qui va à l'encontre de la réalité ! Sinon, on en serait encore à se terrer dans des grottes pour se prémunir des tigres à dents de sabre. Or l'expérience prouve qu'on a niqué tous ces putains de smilodons et que justement on peut vivre dans des maisons cossues en bord de mer fussent-elles dotées d'une architecture de nouveau riche ! Je crois en le pouvoir qu'ont les individus de changer la donne même si parfois il faut un petit coup de pouce, je n'en disconviens pas.

Et voici que ce crétin, cet apprenti penseur pour festivals alternatifs se met à nous prodiguer sa sagesse concernant l'exploitation de l'homme par l'homme en fustigeant le vilain capitalisme qui est responsable de tant de peine ! Encore une fois, n'étant pas débile de base, je ne suis pas non plus un contempteur absolu du capitalisme et sait reconnaitre ses excès mais bon, je pense aussi en avoir perçu ses bienfaits. 

Et voici que l'idiot me remontrant sa photo de bidonville me reprend comme on morigénerait un garnement disant des grosses bêtises. Je m'approche alors et constate que ladite photo est prise au Cambodge. Je souris et lui explique que pour le coup, il a fort bien choisi sa photo car justement si le Cambodge a été victime d'une idéologie mortifère, ce n'est pas du capitalisme dont il s'agit mais du communisme. Je lui rappelle alors les horreurs de Pol Pot et des ses acolytes comme le tristement célèbre Douch. Le fâcheux se fige, tente de se rétablir, de se justifier mais c'est peine perdue. Parce que pour justifier les ravages du capitalisme, montrer la photo d'un pays qui a subi une des pires dictatures communistes, il fallait oser. L'idiot se tait enfin. touché dans ses œuvres vives par l'exocet de ma démonstration fatale, ce misérable rafiot de la pensée crétine coule corps et bien, plongeant son nez (qu'il a très laid) dans sa bière tiède.

Comme ma clope est finie, je lâche deux euros sur la table pour régler mon café et me hâte de rentrer chez moi dans ma Jaguar profitant du cuir connolly et de mon nouvel autoradio ! Avec une ristourne de trente euros, je n'allais pas m'en priver pour remplacer cette vieille daube de Blaupunkt d'origine !

La mort !


Mon père vient de perdre son deuxième plus proche ami ce qui le laisse un peu seul au monde. Ils étaient trois et il est le dernier. Bon, le point positif, c'est que tandis que la génération précédente était déjà vieille à soixante-cinq ans, celle-ci dépasse largement les quatre-vingt ans. C'est déjà ça. Comme celui faisait un coup, j'ai tenté d'apaiser sa tristesse en lui disant que cela faisait de lui winner. Surtout que ses deux amis étaient de sacrés challengers. 

L'un d'eux, décédé voici deux ans, était une sorte de scorpion mystérieux ayant passé la moitié de sa vie dans les cercles de jeux et les champs de course, tandis que celui qui s'est éteint ces jours-ci était un capricorne massif, issu de la terre et fort comme un bœuf. Mais pour l'un comme pour l'autre, comme pour les vieilles voitures, il y a forcément un organe qui finit par lâcher et qui n'est plus réparable. Le cœur pour le premier et les reins pour le second ont eu raison de ces vieilles mécaniques d'avant-guerre élevées à coups de ticket de rationnement J3.

Le plus drôle dans cette histoire si l'on cherche vraiment quelque chose qui fasse rire, est que je me retrouve un peu, une génération après, dans la même situation que mon père. Dieu sait si je connais du monde et des gens avec qui je m'entends parfaitement bien. Mais quoi que Dieu fasse, je reste indéfectiblement attaché à deux amis proches. L'un d'eux, c'est Olive, celui qui a réussi et roule en Ferrari, et que je connais depuis la maternelle. Et le second c'est Lionou, que j'ai connu en seconde. On a beau moins se voir, nul besoin de se rencontrer sans cesse pour savoir que même si la vie nous a fait un peu dévier de route, il restera toujours entre nous un lien inexplicable que l'on ne retrouvera jamais avec d'autres.

Je trouve Lionou trop mou et Olive plutôt foireux tandis que Lionou me trouve parfois chiant et qu'Olive me tient pour un emmerdeur patenté. Peu importe, nos liens sont là. De plus Olive et moi sommes les parrains des deux enfants de Lionou ce qui nous laisse au minimum quatre occasions de nous voir au cours de repas familiaux. Olive et moi en profitons pour offrir aux gamins des jouets, non en fonction ce ce qu'ils apprécieraient, mais de ce qui fera chier au maximum Lionou. Il avait par exemple moyennement apprécié les vuvuzelas de 2010 qui lui ont littéralement cassé la tête ou les méga-pistolets à eau de 2012 qui ont dégueulassé sa maison. Il faut bien que les enfants s'amusent ! 

Comme je suis un sombrer capricorne toujours épris de choses que les autres ne veulent pas voir et dont ils ne veulent jamais discuter, j'aime parfois plomber l'ambiance. C'est ainsi qu'à certains moments mais ne me demandez pas pourquoi, à moins que ce ne soit juste pour les emmerder un petit peu quand ils me saoulent avec leur contentement de bourgeois repus, je leur demande s'ils se posent parfois la question de savoir qui de nous trois mourra en premier, puis en second et enfin qui sera le survivant. Évidemment, on me renvoie toujours un "tu nous fais chier avec tes questions à la con". Il faut dire qu'entre Lionou qui nanti d'un DESS banque-finance qui n'a jamais réellement bossé et Olive, l'informaticien qui parvient tout juste à déballer un portable de son emballage, l'ambiance est rarement aux discussions sérieuses !

J'assume alors pleinement mon rôle d'emmerdeur, je suis leur vanité vivante, celui qui a un moment, du moins si je le décide, va juste troubler un peu leur digestion en leur rappelant que la vie n'est pas seulement se goinfrer de mets fins et de grands crus classés (ces salauds sont riches) mais qu'elle a une fin plus ou moins digne avec la certitude de finir en poussières. Natifs du sagittaire et de la Balance, il est évident que ces deux esthètes, ces deux jouisseurs ne se posent jamais ces questions ou du moins qu'ils ont tôt fait de les mettre de côté. J'assume donc pleinement mon rôle de saturnien austère. Je suis l'idiot qui lors du triomphe romain murmure au général revenant d'une campagne victorieuse en étant acclamé qu'il n'oublie surtout pas qu'il va mourir pour lui garder les pieds sur terre.

Voici quelques années, tandis que j'avais croisé Lapinou en compagnie de trois copines de son école de commerce, j'avais un peu tenu le même rôle. Voir ces gamins tout juste âgés de vingt ans faire des plans sur la comète et construire des châteaux en Espagne sur ce que serait leur vie professionnelle m'avait agacé. Et donc, c'est fort de mon expérience de type âgé de vingt-cinq ans de plus qu'eux, que je m'étais ingénié à distiller une bonne dose de réalité dans les rêves de ces gamins ce qui avait eu pour conséquence de leur prouver que leurs prévisions étaient à peu près aussi réalistes que le château de Cendrillon de Disney. Lapinou m'en avait un peu voulu ce à quoi j'avais répondu que j'avais juste tenu mon rôle d'adulte tout en assumant pleinement le lien avec l'enseignement de mes ainés capricornes célèbres comme cicéron et Sénèque, lesquels ne sont pas toujours très drôles.

De toute manière, comme dans tout groupe, chacun a un rôle à tenir. Et l'on a parfois beau me le reprocher, si je m'avisais un jour de me montrer léger et primesautier, on me le reprocherait en me demandant ce qu'il m'arrive ! Je finis par devenir ma propre caricature parce que c'est rassurant. Toujours est-il que cela ne règle pas le problème de nos décès futurs. Faut-il mieux partir en premier, et laisser les deux s'ennuyer de moi et perpétuer ma légende, partir en second et se moquer du décédé avec le survivant ou finir en troisième et se dire que l'angoisse est là, que ça va être son tour et que finalement les deux autres ont bien de la chance de connaitre enfin le secret des secrets : ce qu'il y a après la mort.

Voici bien des mois que je ne m'étais pas complu dans une délectation morose et mélancolique et il aura fallu ce décès pour que revienne cette question lancinante : qui d'Olive, de Lionou ou de moi partira le premier.

On s'en fout me direz vous. Sinon autant se demander en plus de l'ordre à quelle date nous partirons pour le grand voyage. Dans tous les cas, ces questions ne sont pas aussi déprimantes qu'il n'y parait. C'est parfois en ne se posant pas ces questions, en ne s'y arrêtant pas l'espace d'un moment que l'angoisse de la mort devient insupportable.

Quoiqu'il en soit, j'espère qu'il me reste suffisamment de temps pour me bâtir un mausolée ou bien laisser ma trace d'une quelconque manière.


29 décembre, 2014

Les rigides, Le Touffier et autres considérations sur le métier !


C'est les vacances ! youpi ! Je me couche à pas d’heure, je me lève quand je veux, je mange, je bois du café, je fume, je lis affalé dans mon canapé des chouettes bouquins sur mes dernières lubies, tout en ayant une pensée attristée pour tous ceux qui seront allés se geler le cul sur les pistes de ski.

Mais bon, il a fallu que je reçoive une patiente, une gamine dont les parents de passage à Paris souhaitaient que je leur donne un avis autorisé sur la pathologie de leur fifille dotée d'un impressionnant parcours psychiatrique. Comme je suis bon gars et pas du tout spécialisé dans les ados à problèmes, j'ai accepté de la recevoir. Au pire, j'aurais dit que je ne comprenais rien à la gamine et j'aurais renvoyé chez un pédopsy.

Finalement, la môme âgée de dix-sept ans s'est montrée tout à fait sympathique et réceptive. J'ai écouté ses plaintes, fondées pour la plupart même si j’ai pu noter un "petit caractère" un peu têtu et peu enclin à s'adonner à une diplomatie apaisante.. Puis, comme j'ai eu dix-sept ans avant elle, je lui ai expliqué qu'elle était bienvenue dans le monde réel auquel sa toute puissance allait se heurter.

Comme elle est plutôt brillante, elle a vite compris le truc, à savoir que la condition d'une ado se révèle assez proche de la condition carcérale. Bref si l'on peut aménager sa peine, on peut difficilement s'opposer au maton sous risque de finir en isolement dans une cellule sans fenêtre et sans promenade ! Pour le moment, ses prises de position butées et massives se sont uniquement retournées contre elle, avec le succès qu'a connu la grève de la faim de Bobby Sands.

Elle a parfaitement chopé le truc a même réussi à en rire et l'humour c'est bien. C'est un putain de sacré rempart contre les vicissitudes de la vie ! Comme disait Beaumarchais, je me presse de rire de tout avant que d'en pleurer. Parce que sinon, la pauvre gamine, elle risque de morfler si elle vise la sortie de tôle qui n'arrivera pas avant la fin de ses études, le jour où elle sera enfin indépendante. Et comme elle veut faire médecine, ce n'est pas demain la veille !

Enfin, tout a fonctionné, elle n'a pas grand chose la gamine, il fallait juste une bonne alliance thérapeutique, un type qui sache rester adulte tout en lui montrant qu'il avait lui aussi été ado. Nul besoin de science complexe, juste du bon gros sens. Sans me jeter de lauriers, je crois que j'ai cartonné.

D'ailleurs le père me l'a dit, les trois jours suivants, elle était plus souriante et avait recommencé à lui parler. Il était ravi du résultat. Et comme il voulait savoir ce qui s'était dit, je lui ai juste expliqué que sa fille se débrouillant pour être moins abrupte en mettant de l'eau dans son vin, il serait bienvenu de se montrer un poil moins rigide lui-même. Comme il semblait plutôt content, je l'avais imaginé bienveillant et enclin à m'écouter.

Mais que dalle, j'ai eu le droit à un "mais je ne suis pas rigide du tout, si elle vous a dit cela, elle a tort". Alors comme il me gonflait un peu et que je suis en vacances, je lui ai juste dit que ce n'était pas très grave et que bien souvent les choses se réglaient parfaitement quand deux parties faisaient un pas l'une vers l'autre. M'ayant répété de manière extrêmement rigide qu'il n'était pas du tout rigide, je lui ai dit "bien le bonsoir, à vous de voir", de manière fort aimable, estimant que j'avais fait le job et que tout risque suicidaire ou majeur était écarté. Oui, je suis optimiste. Elle ne manque ni de caractère ni d'intelligence cette petite, il faut juste qu'elle lise Le lion et le rat, cette vieille fable de La Fontaine qu'on nous faisait lire lorsque nous étions petits et qui nous apprend que "patience et longueur de temps font plus que force ni que rage".

Et puis quelques jours après, alors que j'échangeais avec Le Touffier sur nos pratiques cliniques respectives. Comme il est médecin et surtout intéressé par la vraie plainte somatique avec des symptômes que l'on puisse voir via l'exploration médicale (IRM, prise de sang, toucher rectal, etc.), il me disait, tout en s'excusant de sa brusquerie, qu'il s'interrogeait sur les plaintes de mes patients qu'il avait du mal à prendre au sérieux. 

Ah la la, c'est bien là une réflexion de médecin axé sur sa poïésis tandis que mon action se situe sur un autre plan. Un peu comme si un mécanicien, les mains tachées de cambouis venait vous interroger sur la notion de pilotage en vous demandant de lui restituer sous une forme accessible au plan physique une expérience purement émotionnelle ! Ah Touffier, homme de peu de foi formé au dur contact des râles, des fièvres et de la sanie dans les salles communes d'hospices de province tandis que je navigue dans l'éther et les chuchotis à peine esquissés de la psyché fugitive au sein d'un cabinet feutré ! (Putain c'est beau ça)

Ceci dit, j'ai pu lui répondre que si je respectais au plus haut point ma patientèle parce qu'il faut pas mal de courage pour oser se plaindre et raconter sa vie à un inconnu, je ne prenais pas forcément les plaintes toujours au sérieux. Non, que je néglige les plaintes ! Moi qu'un simple rhume met en transe et rend prompt à prendre une assurance obsèques, je serais bien mal placé pour me moquer des plaintes d'autrui.

Disons que j'attribue à la plainte ce que l'on attribue au symptôme, une autre manière de dire les choses indicibles. Et c'est ainsi que magistralement, du moins ai-je voulu l'être, j'expliquai au Touffier que l'essentiel de mon métier n'était pas tant de m'occuper des plaintes que d'aider à grandir les immatures, de rehausser ceux qui se rabaissent et de faire toucher du doigt le réel ceux qui se regardent trop le nombril. Comme m'a dit une fois Le Gringeot : "ah ouais y'a quand même un aspect vachement phisolophique dans ton job quoi !".

Finalement mon job est assez simple. Sur ce je vais aller finir mon super livre sur les fontaines votives.


24 décembre, 2014

Joyeux Noël ! (avec une belle illustration en plus ! )

Et donc comme je le disais dans le titre :

Joyeux Noël !

23 décembre, 2014

Foulques-thérapie !


Avec un patient, ingénieur des mines de son état, on s'est échangé des biographies concernant les mecs les plus barrés de l'histoire. Notre préférence allant plutôt vers l'époque féodale parce que ça avait un peu plus de classe que l'époque contemporaine. Ne me demandez pas pourquoi ni comment c'est arrivé ! Je pense qu'il souffrait de sa condition d'ingénieur et qu'il aurait vu quelque avantage à rajouter derrière son prénom une quelconque précision comme "le cruel" ou encore "le sanguinaire" ou peut-être même "sans peur" voire "l'empaleur". 

C'est vrai que fonder sa virilité quand on est un homme sur la maitrise des environnements Java est moins aisée et évidente qu'à la masse d'arme ou à l'épée à deux mains. Putain d'époque castratrice qui révère le feutré, l'assourdi, le cotonneux, le ouaté au mépris de l'expression légitime de la testostérone. C'est sans doute pour cela que bien des ingénieurs, se muent le soir en héros de jeux de rôles. Ceci dit, n'accablons pas les ingénieurs, il en va ainsi de bien d'autres catégories socio-professionnelles !

C'est peut-être le fait de toutes les formations dont l'accès est conditionné par un concours ? A ce titre, on peut noter que les concours favorisent les femmes. De là, à imaginer que la voie du concours, telle qu'elle existe, serait un fameux obstacle à la testostérone, il n'y a qu'un pas que bien entendu je ne franchirai pas. Toutefois, on peut imaginer que cette voie, dans la mesure où elle s'appuie plus sur la maitrise de process que sur la valorisation d'un savoir-être puisse brimer l'expression singulière de la psyché. Pour être performant et réussir un concours, mieux vaut se brider, se fondre dans le moule et mettre sa vie entre parenthèse que de laisser libre court à ses penchants naturels.

D'ailleurs, j'ai pu le noter dans ma clientèle, certains détenteurs de simples IUT ou de "petites écoles" s'en sortent parfois mieux que leurs collègues issus de prestigieuses formations. Certes le mal français fait que dans les plus grandes entreprises, le plafond de verre existe et que la cooptation des élites bloquent évidemment les autres. Quant aux professions réglementées, évidemment nulle place pour ceux qui n'ont pas le diplôme ad hoc.Vient un moment où il ne suffit plus d'oser mais simplement de sortir du sérail.

Cette sélection par maitrise de process favorise donc les analysants ou du moins tous ceux qui acceptent par défaut de renoncer à ce qu'ils sont pour se couler dans ce moule. Dès lors, si les performances sont réelles, elles s'étiolent lorsqu'un cadre strict cède la place à la négociation, c'est à dire à la confrontation entre deux êtres humains que tout oppose parfois.

C'est ainsi que la négociation salariale posera problème. Demander une augmentation revient à exiger l'adhésion de votre patron à une décision qui fait que tandis que vous augmenterez vos revenus, lui verra les siens diminuer. C'est donc autant une négociation qu'un combat qui s'engage durant lequel vous devrez être assez sur de vous pour lui prouver que s'il n'accède pas à votre requête il risque de perdre un élément important de son entreprise.

Certes, aujourd'hui, parce que justement on adore les process, on vous objectera vos dernières évaluations au cours desquelles vous auriez pu avoir un b voire un 3 ou que sais-je encore. Et si vous restez dans les clous, il y a fort à parier qu'on vous démontera par A plus B que cette année n'est pas encore la bonne mais que l'an prochain peut-être ... Au mieux vous risquez de repartir avec des bons d'achat FNAC voire une smartbox et une petite tape d'encouragement. Qu'on se le dise, et sur le coup les bolchos on raison, le droit du travail est un droit de combat.

C'est justement là qu'il faudra briser les process et sortir adroitement la testostérone pour expliquer à votre taulier que vos évaluations ne sont en rien une image réelle de vos performances mais uniquement une technique maladroite de manipulation destinée vous refuser toute augmentation. Bref, il sera temps de vous souvenir que ce ne sont jamais les meilleurs qui réussissent mais ceux qui osent.

Mon ingénieur des mines était justement venu me consulter parce que son supérieur lui faisait des misères. Après un bref profilage il s'est avéré qu'on avait à faire à une personnalité narcissique des plus basiques, le genre de type à qui l'on doit mettre une bonne droite quand il vous met une claque. Bien sur, s'agissant de relations professionnelles, l'affirmation de soi connait quelques limites et doit être menée adroitement. Il ne s'agit pas de se battre comme un chiffonnier. 

Ceci dit notre collaboration a porté ses fruits puisque récemment son supérieur est allé jusqu'à lui apporter un café dans son bureau. J'ai d'ailleurs du tempérer les ardeur de mon jeune ingénieur sans quoi, fier de ses succès il allait finir par lui arracher les carotides et se repaitre de son sang. Je pense qu'il était fasciné de voir combien ce type qu'il avait redouté n'était en définitive qu'une outre gonflée de pets. C'est vrai qu'un narcissique qui décompense c'est assez rigolo ; le monstre cède la place à un geignard qu'on a envie de massacrer. Mais il ne faut pas ! La compassion est une vraie valeur et on ne frappe pas un adversaire à terre.

Sans doute que la lecture de ces biographies l'a aidé. Il est toujours utile, quelque soit l'âge, et lorsque l'on manque de références, de se trouver un personnage auquel s'identifier. Et autant vous dire que si n'importe quel chanteur ou acteur risque de n'être qu'un gros fake et un rebelle en carton décevant dans la vraie vie, quand on fouille dans l'histoire, on peut se trouver de vrais gros couillus auxquels s'identifier.

Il avait choisi Foulques III d'Anjou, surnommé Foulques le noir (Nerra) en raison du teint de sa peau, dont on disait à l'époque qu'il était 'un des "batailleurs les plus agités du moyen-âge". D'ailleurs, il a fait brûler Angers et juste avant son épouse qui l'avait trompé. Foulques ce n'était pas le genre de mec qu'on faisait cocu et auprès de qui on allait minauder après en promettant qu'on ne recommencerait plus en lui faisant des bisous.

Comme le gars est un peu excessif, il tente de se faire pardonner en faisant un pèlerinage à Jérusalem. Lorsqu'il s'approche du Saint-Sépulcre, c'est en se faisant flageller par deux serviteurs. Et comme Foulques n'aime pas trop qu'on lui résiste, il tuera son cousin Conan, comte de Rennes et massacrera Eudes le comte de Blois. Se friter avec Conan c'est autre chose que de tirer les cheveux à Kevin. Pour le reste, on peut consulter sa biographie sur wikipedia ou ailleurs.

Alors comme mon jeune ingénieur était un peu anxieux à l'idée d'aller demander son augmentation, malgré sa brillante victoire sur son supérieur, je lui ai simplement dit de s'imaginer comment s'y prendrait Foulques le noir. Lui, il n'entrerait pas dans le bureau du patron timidement, sur la pointe des pieds pour s'asseoir sur le bout des fesses dans le fauteuil en essuyant ses lunettes avant d'écouter des conneries. J'ai donc dit à mon ingénieur : "soyez Foulques, vous êtes Foulques".

Alors comme il me l'a dit, il a été Foulques et il a demandé une grosse augmentation. Pas le genre de conneries indexées sur je ne sais quel merde sectorielle de l'INSEE, non il a réclamé le paquet parce qu'il en avait un peu plein le cul de n'être pas assez payé.

Alors et maintenant me direz-vous ? Est-ce que cela paye d'être Foulques Nerra ? Il n'en sait encore rien. Il attend la réponse du tôlier. Si il a son énorme augmentation, on pourra créer ensemble une Foulques-thérapie, sinon il ira dépenser ses bons d'achat Fnac en fomentant un terrible vengance contre son patron. C'est la vie.

De toute manière, si l'on peut gagner uen bataille contre Foulques le noir, on ne gagnera jamais la guerre !

15 décembre, 2014

Les bienfaits de l'humiliation raisonnée !


Lui, et bien que l'on s'entende très bien, il me faisait enrager depuis longtemps. Beau mec, bardé de diplômes prestigieux, sympa, agréable, bref tout ce qu'il fallait pour faire une superbe carrière. Mais non, il s'entête à se comporter en agent de maitrise servile, n'ayant pas compris que ce ne sont jamais les meilleurs qui réussissent mais ceux qui osent.

J'avais l'impression d'avoir entrainé un cheval de course qui ne courrait jamais à Longchamp mais qui passerait le restant de sa vie à pâturer comme un hongre ! Nous avions parfois abordé ce sujet mais il restait persuadé que viendrait un jour où sa hiérarchie saurait le distinguer parmi la foule des anonymes et rendre enfin grâce à son investissement personnel ! Ce type a le respect de la hiérarchie chevillé au corps, persuadé qu'un jour il aurait sa chance.

C'est donc un grand rêveur bercé d'illusions qui pense qu'un bienfait est toujours récompensé. Et si je ne doute pas que cela puisse être le cas après notre mort, je suis persuadé en revanche qu'au sein d'une entreprise, si vous bossez sans faire de vague, on vous laissera gentiment à votre place jusqu'à ce que vous partiez vers une retraite bien méritée. Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne bien et récompenser quelqu'un qui ne demande rien ?

J'ai beau lui avoir dit maintes et maintes fois de bouger, de se remuer, de faire un éclat, mais rien ne faisait. Doté d'un respect tout militaire de la hiérarchie, il reste persuadé qu'à l'instar d'un champ de bataille, une entreprise vous reconnait à votre capacité à tenir sous le feu et ne tarde jamais à vous accorder les galons mérités. Parfois je le sens frustré et j'appuie là où cela fait mal en lui dépeignant le fossé qui existe entre son engagement (contribution) et ce que son entreprise lui donne (rétribution) mais il est doté d'une loyauté qui frise la bêtise. A croire qu'il est actionnaire !

Un soir que je l'avais comme dernier patient, et parce que nous nous connaissons très bien, je lui ai proposé de prendre un verre après notre séance en rejoignant deux de mes ex-patients qu'il avait déjà croisés. Ces deux là sont son antithèse. Salariés de grands cabinets de conseil, ils ont vite compris que ce n'était pas le mérite qu'on récompenserait mais leur cynisme et leur manière de se vendre auprès d'une hiérarchie qu'ils méprisent généralement avec entrain. Revenus de tout comme deux paras qui auraient réchappé de Dien Bien Phu, il leur en faut beaucoup pour les émouvoir. Et le premier qui les fera bosser pour autre chose que pour eux-mêmes, n'est pas encore né. Si vous voulez les faire rire il suffit de leur parler de culture d'entreprise.

C'était donc les sujets parfaitement adaptés pour créer un électrochoc chez mon cher patient. Ils s'étaient déjà croisés une ou deux fois et avaient donc eu le loisir de faire connaissance. C'est ainsi qu'à peine assis, ils lui ont demandé si quelque chose avait changé dans sa carrière. Rien n'ayant changé, ils se sont gentiment moqué de lui en lui expliquant que c'était bien pour une entreprise de pouvoir compter sur des salariés motivés et qu'il aurait sans doute la médaille du travail.

Voilà qui n'a pas plu à mon cher patient qui a défendu sa position en arguant d'un défi à relever qui lui permettrait sans aucun doute, selon lui, d'accéder enfin au poste qu'il méritait. Comme cela fait au moins cinq fois qu'il relève des défis sans qu'on le récompense, cela nous a bien fait rire. Malgré ses diplômes prestigieux, il est apparu comme le mouton qu'on tond tous les ans, l'abruti qu'on exploite gentiment en lui faisant miroiter une récompense mais ... pour après.

Un de mes ex-patient lui a carrément proposé vingt-mille euros de plus par an pour travailler pour lui dans son cabinet de conseil. Comme il l'a expliqué, n'étant pas lui-même un grand travailleur, il compte essentiellement sur les autres pour faire avancer sa carrière. Et il aurait été heureux de pouvoir compter sur un stakhanoviste comme mon patient pour aller au charbon pendant que lui glandouille au bureau. Comme il l'a expliqué, dans les grands cabinets de conseil, soit on est loyal et travailleur et on finit avec un burn-out, soit on comprend que ce métier ne sert à rien et on devient aussi cynique que les associés qui nous exploitent.

C'était une manière de voir assez nouvelle pour mon patient pour qui un chef est forcément quelqu'un qui a été choisi pour ses compétences, ses résultats et sa loyauté. Il a bien tenté de nous faire adhérer à sa vision bisounours du monde de l'entreprise mais ça n'a pas pris et il s'est trouvé très isolé. Nous ne partagions pas sa vision angélique du travail. On aurait cru le type fier d'aller se faire trouver la peau pour une médaille. C'est ainsi qu'au fur et à mesure de la conversation, il s'est trouvé un peu comme le benêt à qui l'on viendrait expliquer que si la fille lui fait des sourires, ce n'est pas pour lui, mais parce qu'elle est prostituée. Passer pour le dernier des michetons n'est pas forcément glorieux pour un ancien de l'ENS.

C'est ainsi que durant une heure et demie, il en a pris plein la tronche pour pas un rond, mais le tout, dans un esprit de bonne camaraderie. Et comme il est tout sauf idiot, je le sentais bouillir petit à petit, lassé de passer pour le dernier des cons face à des mercenaires aguerris. Mais comme il n'est de bonne compagnie qui ne se quitte, l'heure est donc venue de nous séparer et après moult mojitos, chacun est rentré chez soi.

Je l'ai revu quinze jours après cette petite soirée. Il m'a expliqué que la semaine suivante, il avait pété les plombs lors d'une réunion en explosant et en demandant à l'un de ses supérieurs s'il ne se foutait pas de sa gueule, ce qui ne se fait pas vraiment dans les bureaux ouatés de sa multinationales. Il a même claqué la porte en menaçant de donner sa démission si les choses ne bougeaient pas.

Et voici que deux jours après cet esclandre, tandis que son supérieur direct lui intimait gentiment le conseil de s'excuser auprès des participants à cette réunion, il a reçu un coup de téléphone direct de la part du numéro deux de l'entreprise qui avait été averti de la scène.

Ce dernier a tenu à le voir et lui a proposé de devenir son adjoint au motif que cela faisait du bien de voir que parmi les cadres de haut niveau, tous n'étaient pas des soumis mais que certains savaient encore ruer dans les brancards et bousculer les choses.

Un mois après, une fois la promotion dument validée par les RH de son entreprise, c'est chose faite, mon cher patient est devenu adjoint du numéro 2 de l'entreprise et a rejoint le siège historique. A lui, les belles hôtesses, la moquette dans laquelle on s'enfonce aux chevilles et le bureau de palissandre. Il m'a avoué que la soirée à se faire gentiment humilier lui était resté en travers de la gorge et que cela l'avait aidé à se mettre en colère.

Ce ne sont jamais les meilleurs qui réussissent mais ceux qui osent. Parfois il suffit juste de gueuler un bon coup. Voilà, mon cher patient court enfin à Longchamp !Et comme il me devait uen fière chandelle, je lui ai dit que maintenant qu'il était chef, ce serait bien qu'il me prenne un de mes petits patients qui rame pour avoir un stage.

Un jour prochain, je lui avouerai que j'ai fait exprès de ramener les deux affreux pour qu'ils lui en mettent plein la tronche et le déniaise un peu. Parce que moi, vous comprenez, je suis cadenassé par mon statut, je suis un peu obligé d'être gentil ! 


08 décembre, 2014

Plein d'articles !


Alors là, ne m'en voulez pas si je n'ai pas écrit la semaine passée mais j'étais en Corse. Et SFR n'étant pas accessible dans le coin, pas la peine de songer à téléphoner ni à écrire. J'étais coupé du monde. Il m'aurait fallu faire dix kilomètres sur la route de la mort (la D147) pour retrouver une antenne et me connecter au réseau. En attendant mon retour parmi les vivants, je me suis nourri de châtaignes glanées sous les arbres et de cochons sauvages que j'ai tués à la main comme Rahan.

Assis à califourchon sur une basse branche d'un pin Laricio je me suis jeté sur un mâle que j'ai égorgé avec mon coutelas d'ivoire. Ensuite, après l'avoir écorché, je l'ai ramené avec les sacs de châtaignes sur l'âne et je suis rentré au village. Une fois de retour, j'ai bien sur tanné la peau pour m'en faire une couverture parce que les nuits sont fraiches.  Moi qui rêvais de vie érémitique une semaine auparavant, j'étais servi.

En plus, il a plu tout le weekend et il y a eu plein d'orages tant et si bien que la route de la mort était impraticable du fait des éboulis. Et hop, obligé d'annuler le vol et d'en prendre un le soir. Putain, j'aurais du épouser une beauceronne. Paris-Chartres, c'est quatre-vingt kilomètres par l'A11 ! Le cul calé dans le cuir de ma Jaguar et en à peine une heure, c'est torché et on aperçoit les flèches de la cathédrale.

Et comme c'est tout plat la Beauce, on ne risque pas les éboulis ! Bon, bien sur je n'ai rien dit à mon épouse parce qu'elle est susceptible comme la plupart des corses et que je n'ai pas envie de me retrouver à m'expliquer avec ses cousins Ange et Dominique à propos des mérites comparés de l'Eure-et-Loir et de la Haute Corse. 

Il y a des discussions qui ne mènent à rien de toute manière. Et puis, Ange et Dominique ont des notions très succinctes de géographie. Pour eux, la Russie commence à Bastia, la Suède au cap corse et l'Afrique à Ajaccio. Et ils ne voient pas pourquoi on irait à New-York alors qu'on trouve tout à Ponte-Leccia ou au pire à Corte si on veut faire de la route.

De retour dans le monde moderne, j'ai évidemment reçu mes patients toute la semaine et j'ai eu mille idées d'articles. Bon, peut-être pas mille mais sans doute cinq ou six. Et me voici aujourd'hui lundi incapable de me rappeler de ce que je voulais vous dire. Plus aucune idée de ce que j'avais envie d'écrire. Mon cerveau est vide. 

Je vais me faire un café, fumer une clope et tenter de me souvenir de ce que j'avais envie d'écrire. Si ça revient, je repasse. Sinon, ce sera la semaine prochaine. Tant pis. C'est comme ça. En totu cas, ma mère avait tort quand elle me disait que je perdais mon temps à lire Rahan et que je ferais mieux de m'intéresser à mes devoirs. Rahan pour ma génération c'était le b.a.-ba de la survie. En plus, Rahan avait beau se balader presque cul nu armé de son seul coutelas et de son collier en dents de tigres, n'empêche qu'il était aussi ouvert d'esprit qu'un philosophe des lumières.

Rahan m'aura appris à chasser le cochon sauvage et à devenir plus humain !

Gâa semble aussi borné que le Gringeot ! Gâa doit être né sous le signe du taureau à mon avis ! Quand le Gringeot s'opposera à moi je lui dirais "Arrête un peu, on dirait Gâa".