26 février, 2018

Pervers narcissiques !


Voici peu j'avais évoqué le cas d'un jeune homme subissant le harcèlement continuel d'un associé du grand cabinet d'audit dans lequel il travaille. Par le plus grand des hasards, un autre salarié de ce cabinet est venu me consulter pour le même problème. 

Il semblerait que plutôt qu'une personnalité narcissique, désagréable mais à laquelle on parvient à se faire durant quelques temps, il s'agisse d'un vrai pervers narcissique. Mes chers lecteurs savent combien je répugne à utiliser ce terme. Non que je n'y croie pas mais qu'il soit si galvaudé car employé à tort et à travers qu'il ne veut plus dire grand chose pour la plupart des gens.

Or si le narcissique nous est bien connu et reste pénible, on ne saurait lui reconnaitre la moindre dangerosité. Le narcissique, en ramenant toujours la couverture à lui, en étant fort avec les faibles et faible avec les forts se détecte assez rapidement. Et la meilleure chose à faire, reste soit de partir ou de l'affronter. Généralement, face à quelqu'un qui résiste, le narcissique se tait. De plus, le narcissique est "comme ça", on n'est pas sur qu'il y prenne plaisir. Sans doute surcompense-t-il un complexe ou un manque d'amour mais il n'en a pas forcément conscience. Le narcissique est pénible sans le vouloir comme un chat miaule ou un chien aboie. Le narcissique ne se cache pas et se diagnostique à cent mètres. Des milieux comme la télévision, le cinéma ou la mode en sont remplis!

Il en va autrement du pervers narcissique. D'ailleurs on aurait du simplement parler de "pervers". Car il s'agit d'une perversité morale redoutable, voulue et orchestrée de main de maitre. Le pervers est un prédateur qui se tient en embuscade. On ne le voit pas venir. Il sait de prime abord masquer sa perversité car il tend un piège. Il séduite et enjôle. La proie ne voit rien venir. Comment un type aussi charmant pourrait il être dangereux. Après avoir manié adroitement le compliment, avoir fait comprendre à sa proie combien ses besoins étaient compris et pris en compte, le piège se referme. Le pervers narcissique montre alors toute sa perversité. 

Pour ce faire, il va simplement pratiquer l'humiliation mais de telle manière que sa proie ne devine même pas qu'elle est le jouet de sa perversité. Pour la victime du pervers narcissique, le coupable c'est elle. Effectivement comment un type qui a su se montrer aussi charmant auparavant pourrait devenir quelqu'un d'aussi méchant. Ça n'a pas de sens. Et si cela arrive c'est qu'on a fait quelque chose de mal. Et la spirale est enclenchée.

La victime est souvent quelqu'un soit de jeune et sans défense ou alors quelqu'un ayant des failles narcissiques. Au départ, à l'instar de la cocaïne, le pervers narcissique est tellement sympathique qu'il emmène sa victime sur un petit nuage. Et c'est la descente qui suivra. Le pervers est tellement adroit qu'il sait exactement quels compliments faire et comment se comporter en fonction de ses proies. Il leurs donne exactement ce qu'elles désirent.

La victime ne comprend pas mais garde juste en mémoire, combien c'était agréable à l'époque ou elle s'entendait bien avec son tortionnaire. Alors elle va tout faire pour satisfaire ce dernier car il est devenu son principal pourvoyeur de bien-être. Et magnanime, une fois la victime à terre, le pervers narcissique sait réalimenter le circuit de récompense et refaire des compliments. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que sa victime soit juste un jouet pour ses caprices sadiques.

Or, tandis qu'un narcissique ne fait rien si vous lui échapper car il peut compter sur d'autres admirateurs, il n'en va pas de même pour le pervers narcissique qui jouit fortement de votre dépendance. Si vous réalisez que vous êtes tombé dans un piège, il peut se révéler redoutablement méchant.

C'est ce que me disait mon second patient. Quand je lui ai demandé pourquoi, bardé de diplômes comme il l'était et avec son expérience professionnelle, il n'avait pas "envoyé chier" son tortionnaire, il m'a répondu qu'il avait simplement peur. Il m'a expliqué qu'au départ cet associé s'était montré charmant avec lui et qu'au fur et à mesure les reproches étaient venus puis les insultes. Et qu'il en était arrivé à un point où les crises étaient telles qu'il avait physiquement peur. Il m'a dit textuellement : ce type est tellement dingue que si je lui réponds, j'ai peur qu'il me balance par la fenêtre car je l'en crois capable.

C'est à dire que la relation en est arrivée à un point tel que mon patient à peur d'être assassiné ce qui semble fou. Et pourtant, je le comprends. Ce n'est pas le premier cas que j'aie eu à me dire cela. Je ne pense pas que le pervers narcissique en question soit capable de cela, ils sont généralement assez lâches. L'important c'est que ce pervers narcissiques soit arrivé à prendre dans ses rets de sadique sa victime et à LUI FAIRE croire qu'il serait en danger de mort s'il lui arrivait simplement de manifester son désaccord.

Fin 2017, j'ai eu trois victimes de pervers narcissiques. Trois jeunes femmes. La plus fragiel d'entre elle était le jouet d'un type tout juste âgé de vingt huit ans qui n'avait pas hésité à m'appeler le soir où elle me consultait pour me proposer son aide afin que je puisse mieux comprendre les problèmes de la patiente. Il m'avait ensuite expliqué qu'elle était très fragile compte tenu de sa vie passée et qu'il tentait tout pour l'aider.  C'est vous dire s'il était "gonflé". Je lui ai répondu que je n'avais pas à lui dire qui je recevais et qu'enfin s'il pensait que cette jeune femme me consultait, il lui était possible de lui demander son accord et le cas échéant de venir avec elle si elle l'y aurotisait. Bien sur je ne l'ai jamais vu.

En revanche comme ce jour là, ma patiente était dans mon cabinet je lui avais fait par de mon sentiment, me disant qu'un type aussi jeune, capable d'être aussi manipulateur, et,aussi,téméraire,,ne craignant pas de m'appeler; me semblait capable de tout. C'était ma dernière patiente et j'étais sortie avant elle pour voir si le type en question ne l'attendait pas en bas. Je l'avais alors accompagnée à une station de taxis.

Las, cela n'avait servi à rien puisque le jeune type 'attendait en bas de chez elle et avait commencé à la frapper violemment. Sans l’intervention d’un passant, je ne sais pas comment elle s'en serait sortie. Elle m'avait immédiatement appelée et je lui avais expliqué la marche à suivre pour faire constater les coups et blessures et engager des poursuites. Une fois le dépot de plainte enregistré et la convocation au commissariat reçue, ce jeune pervers s'était montré tout miel et avait recontacté ma patiente pour lui expliquer qu'il avait pété les plombs parce qu'il était fou d'amour pour elle. Ca n'avait pas marché.

Si une proie leur échappe, les pervers narcissiques sont capables de tout. Pourtant, il m'est bien difficile de prédire de leur dangerosité réelle. Dans le cas de cette jeune patiente, c'était simple parce que le pervers s'était vraiment trop dévoilé. Dans le cas de l'associé terrorisant mes deux patients, j'avoue que je n'en sais rien.

Je leur ai dit que cela me semblait bien peu probable qu'il passe à l'acte. Qu'à part des insultes, à mon sens ils n'avaient rien d'autre à redouter. Je les ai aussi encouragés à faire part de cela au CHSCT de leur cabinet. Mais ils ne veulent pas. Sans doute qu'une femme admet plus facilement être victime d'un pervers narcissique alors qu'un homme, du haut de sa virilité toute puissante, a plus de mal à se déclarer victime.

Je redoute aussi qu'à bout, l'un des deux, qui me semble plus fragile, ne commettent l'irréparable. La parole de trop, la critique acerbe et méchante qui fait mouche, peut enclencher des réponses terribles. Le cime passionnel n'est pas réservé qu'aux cocus mais en général à tous les hommes blessés gravement dans leur virilité.

En attendant, j'ai échafaudé avec chacun d'eux une stratégie assez amusante et fort peu déontologique. Je leur ai proposé de les recevoir ensemble. Si elle fonctionne comme je le pense, je la décrirai un jour ici. J'ai eu l'occasion de l'utiliser voici quelques années pour venir en aide à une patiente ingénieur dans un bureau d'études qui était harcelée par son chef de service et cela avait bien fonctionné. Il s'agit d'être deux fois plus pervers que le pervers narcissique en attaquant là où l'on est sur qu'il aura mal.

Souvenez vous que des louanges suivies d'humiliations, suivies de louanges, etc., ne sont jamais le fait de personnes équilibrées. Si vous le pouvez, barrez vous !

Quant à la dangerosité d'un individu, la prévoir n'est pas toujours facile. On ne peut vivre comme dans Minority report en excluant de la société toutes les personnes à risques avant mêle qu'ils ne soient passés à l'acte. C'est ainsi que des psychologues ont élaboré des échelles pour déterminer la probabilité de passage à l'acte d'un individu en fonction de ses antécédents, de sa personnalité mais aussi du contexte. Pour ceux que la prédiction de la dangerosité intéresse, cet article est fort bien fait.

En revanche, on sait qu le potentiel de violence liée à la psychopathie, marquée par l’absence d’empathie, l’indifférence, la dimension égocentrique, la tendance au mensonge et à la manipulation, est reconnue. Le passage à l’acte violent est fréquemment en lien avec une intolérance à la frustration. Les pervers narcissiques ne sont pas stricto sensu des psychopathes mais des gens intelligents et fins stratèges même si leur perversité les rend dangereux. Je ne pense pourtant pas que dans le cadre d'un rapport professionnel, il y ait de gros risques. Autant une femme a le pouvoir par ses mots de faire décompenser brutalement un pervers narcissique, en s'en prenant nommément à sa virilité, autant cela me semblerait hautement fantaisiste qu'un collègue de travail possède le même pouvoir.

J'ai donc rassuré mes deux patients. Je pense que le piège dans lequel ils sont tombés en nouant des relations avec ce pervers les a rendus particulièrement vulnérables. C'est d'ailleurs ce que cherchent tous les pervers narcissiques : faire de vous une proie apeurée avec laquelle ils joueront.

Tout fout le camp !


 L'ENA à Strasbourg

Je parle habituellement peu de politique. Les lecteurs qui sont habitués à me lire, savent que je me définis comme "anarchiste de droite", une belle formule pour dire que j'aime la liberté mais pas à n'importe quel prix et qu'il faut tout de même des règles pour vivre en société, même si je ne suis pas un grand admirateur de ceux qui les font appliquer.

Effectivement, je ne "suce" ni les gendarmes ni les flics et je me défie de ces droitards assoiffés d'uniformes. Comme je le fais souvent remarquer, attablé au rade en face de mon cabinet : la plupart du temps, aussi loin que porte mon regard, à droite comme à gauche, il n'y a pas un uniforme et pourtant le monde tourne rond. 

Enfin, le monde devrait tourner rond s'il n'y avait des élus et des fonctionnaires, que je déteste bien plus que les flics et les gendarmes, pour nous pourrir la vie. Où que se pose son vilain museau poilu, l'élu ou le haut fonctionnaire a tôt fait de dérégler quelque chose qui "ne marchait pas si mal" au prétexte que ça pourrait "marcher encore mieux". Et bien sur, "ça marche toujours moins bien". Parce que l'élu qui veut passer à la postérité ou le haut fonctionnaire qui se croit plus malin que tout le monde, a tôt fait de dérégler ce qu'il pensait régler. 

Étant généralement un bon à rien, sinon il exercerait un vrai métier, l'élu tout comme son compagnon de rapine, le haut fonctionnaire, sert principalement à faire chier des gens qui ne lui ont rien demandé. Mais sans doute que si l'on ne sert à rien, on tente coûte que coûte de se sentir utile, quitte à imaginer qu'une activité parasite puisse avoir une quelconque utilité.

Quand je me sens d'humeur à hisser le drapeau noir à fleur de lys qui symbolise pour moi l'anarchie de droite, je me dis que je pourrais pendre les élus avec les tripes des hauts fonctionnaires. Et puis, je me calme et je ne fais rien. Comme tout un chacun.

Ce que je constate dans ma clientèle, c'est que cet état de fait à un impact terrible sur notre pays. Je crois ainsi pouvoir affirmer que 100% de ma clientèle exerçant une activité réglementée souhaite abandonner sa carrière.

Par activité réglementée, j'entends les humbles fonctionnaires et les gens exerçant des professions libérales réglementées comme les médecins, pharmaciens, experts comptables, etc.

Par exemple, j'ai souvent entendu de la part de flics ou de douaniers que leur métier aujourd'hui consistait surtout à "faire chier les honnêtes gens", les seuls qui les craignent. La plupart de ces fonctionnaires qui me consultent, cadres B ou A, semblent dire qu'aux échelons les plus hauts, il semblerait que ce soit des débiles ou des couards qui sont recrutés.

S'agissant des professions réglementées, je ne compte plus le nombre de médecins soient ayant arrêté soient envisageant de le faire bientôt, lassés par la paperasserie omniprésente. J'ai eu le même discours de la part de deux commissaires aux comptes qui m'expliquaient que les diligences qu'on leur imposait n'avaient plus ni queue ni tête.

Aucun de ces professionnels ne se plaint franchement de la clientèle. Il y en a des bien et des moins bien et c'est la vie. Cela se gère. En revanche tous se plaignent du cadre de plus en plus coercitif qui les empêche de bien travailler et de s’épanouir professionnellement.

Ainsi, le Dr D. le médecin généraliste qui m'a fait confiance et m'a envoyé mon premier patient voici vingt ans vient de prendre sa retraite à tout juste soixante ans. Quand je lui ai demandé si c'était du aux patients devenus peut être plus exigeants. Elle m'a dit que tel n'était pas le cas, qu'elle avait toujours su gérer cela. Elle m'a juste expliqué qu'elle n'en pouvait plus de la sécurité sociale. Alors comme elle m'a toujours dit qu'elle crèverait à la tâche, elle est partie exercer son activité de médecin en Afrique parce que là-bas, les gens sont reconnaissants. J'ai aussi deux chirurgiens qui n'opèrent plus. Les deux sont lassés des tracasseries administratives. Et le plus âgé ne trouve même pas un repreneur pour ses parts de clinique. 

Un autre de mes patients vient de prendre une amende de quelques milliers d'euros pour avoir sur-prescrit de l'imagerie médicale. Installé dans un trou, le pauvre se démène comme un fou pour sa clientèle et voici que la sécurité sociale lui met un coup sur la tête. il a décidé d'arrêter à la fin de l'année. A soixante-dix ans, il l'a bien mérité. Sans doute que la commune dans laquelle il exerce investira bientôt fans un cabinet flambant neuf pour inciter un jeune à venir le remplacer.

Nonobstant le fait que l'on s'entende très bien, ce sont des cas compliqués dans la mesure où je n'ai aucun moyen de les aider correctement. On sait d'où vient le problème et on n'est pas prêt d'en sortir. Car laisser les professionnels s'organiser eux mêmes, en organisant juste un vague contrôle, ne suffit plus. L'époque est aux gens qui n'ont jamais fait ce que vous faites mais savent mieux que vous. C'est ainsi. Alors il reste l'humour. Il espèreraient autre chose de moi mais que puis je proposer ? Rien puisque comme eux, à un degré moindre, je subis moi aussi la mainmise de l'état de plus en plus lourde et intrusive dans toutes mes activités.

La révolution est en marche depuis des années. Elle ne se fait plus contre les riches mais contre les capables.

Mon confrère H16 a l'occasion de ponctuer ses billets par un "ce pays est foutu". Ce soir je vais faire de même : 

Ce pays est vraiment foutu.

Mail !

Quand j'aurai mon bel Imac 27' tout neuf, je le ferai mais pour le moment, sur ce PC de merde, je n'en ai pas envie. Faire quoi me direz-vous ? Mettre à jour la barre du menu sur la droite du blog ! C'est pourtant si simple à faire. Mais je ne le fais pas comme plein de choses.

Comme un certain nombre de lecteurs m'ont demandé comment me contacter, je le redis et le réécris, pour ce faire, c'est ici :

pa6712@yahoo.fr

11 février, 2018

La phobie sociale !


Je m'entretenais hier avec un confrère de thérapie. Je crois que personne ne croit moins que moi à l'idée de thérapie alors que c'est mon métier. Dans la plupart des cas, ce que l'on nomme thérapie n'est que le désir de ressembler à la personne que l'on a choisie, le psy, afin qu'il nous éclaire sur la manière de mener notre route en triomphant des obstacles. C'est en tout cas ce que j'ai fait en mon jeune temps. A l'heure ou les process envahissent tout, je suis toujours amusé par la volonté nord-américaine de standardiser les thérapies. 

Aujourd'hui je dois constater que parfois il m'aura fallu une séance pour changer la vie d'une personne, alors même que dans certains cas je ne sais vraimant pas ce que j'ai pu dire de génial. Alors qu'à l'inverse, je reçois des gens qui n'ont rien au sens psychopathologique, mais qui apprécient simplement d'avoir une fois par semaine ou toutes les deux semaines, un espace où ils peuvent discuter sans fard ni masque. 

En revanche, je crois que les thérapies ont toutes leur place pour le traitement des phobies. J'adore les phobies ! Non que je me repaisse de leur souffrance bien entendu, je n'ai rien d'un monstre. Mais simplement qu'il m'amuse d’apparaitre comme un magicien alors que traiter une phobie relève à mon sens d'un process total, même si l'alliance thérapeutique est nécessaire.

En revanche, et j'étais d'accord avec mon jeune confrère, s'il est une phobie qui résiste, c'est bien la fameuse phobie sociale. Je crois, tout comme lui, que la phobie sociale n'est qu'un fourre-tout, dans lequel vont coexister des individus atteints de troubles sévères comme de simples grands timides, des hyper-émotifs, voire des gens maladroits.

Quand on m'adresse un patient pour "phobie sociale", je reste toujours sur mes gardes. Parce qu'avoir peur du contact avec les autres relève d'un processus multi factoriel. Les cas les plus simples sont les gens complexés. Réduire un complexe d'infériorité ce n'est pas si compliqué que cela. Après tout Cyrano dans la célèbre tirade du nez, nous en donne un bon exemple. J'ai un grand nez et je vous emmerde, voilà à quoi cela pourrait se résoudre.

Viennent ensuite les gros cons et vous me pardonnerez cette vilaine manière de catégoriser certaines personnes. Mais vous admettrez, parce qu'on en a tous connu, qu'être hautain, méprisant ou désagréable ne peut que susciter le rejet. Quand on fait de la merde, on en ramasse en retour : qui sème le vent ramasse la tempête. C'est aussi simple que cela. Là, on serait plutôt dans l'affirmation de soi. 

C'est ensuite que cela se complique. Parce qu'entre les personnalités pathologiques, les syndromes résiduels de schizophrénie ou les schizophrènes, nombreux sont les individus pour qui l'échange avec autrui devient une torture. Là, j'interviens au cas par cas. C'était un juene homme atrocement timide. Une fois que j'ai pu nouer une vraie relation thérapeutique, je lui ai dit que jamais je ne le débarrasserai vraiment de cette timidité mais qu'en revanche, je pouvais lui apprendre à ne pas avoir peur des gens en leur expliquant simplement combien il était timide. Et effectivement, quatre vint pour cent des gens étant bienveillants il a constaté que ceux ci se mettaient au diapason.

C'est aujourd’hui quelqu'un que je connais très bien et que j'ai pu voir dans un cadre privé. On a des échanges tout à fait agréables et normaux. Et les gens le trouvent charmants. Parfois il me dit qu'il est bizarre et je le rassure qu'avec ma profession, la bizarrerie est ma norme.

Une autre fois, c'est un type brillant ayant un statut professionnel envié qui m'a avoué que dans certaines situations, si je n'étais pas là, à coté de lui, il n'oserait pas parler aux gens. J'étais étonné dans la mesure où je l'ai vu discuter avec brio avec tout un tas de personnes. Mais, effectivement, sa sensibilité est telle qu'elle confine à l'hyper-émotivité. J'avoue sans complexe ma grande sensibilité ; j'en ai fait un métier. Mais à coté de lui, j'ai l'impression d'être un tractopelle à côté d'un biscuit de Sèvres. Rien dans sa vie n'explique qu'il soit ainsi. Il l'est. C'est tout. C'est étonnant qu'il soit venu consulter quelqu'un qui puisse être aussi "cash" que moi dans ses propos. Sans doute, son hyper sensibilité lui a t elle fait distinguer quelque chose qui lui convenait derrière mes rodomontades. 

Bref, une fois qu'on a dit que la phobie sociale ou anxiét sociale était due à une mauvaise évaluation des situations sociales qui font naitre une peur injustifiée, on n'a rien dit. Faut aller plus loin et soulever le capot.

Bref autant je doute parfois du bienfondé des thérapies autant je suis persuadé que la phobie sociale est un gros fourre-tout et une vaste arnaque. Si on vous colle ce diagnostique à l'emporte-pièce demandez pourquoi et approfondissez. Et si vous êtes un jeune confrère qui me lit, méfiez vous si on vous en adresse un !

Dandysme ou grève du zèle !


Je suis stupéfait de constater dans ma clientèle que les éléments les plus brillants sont "en réserve de la république"; se contentant de fonctions subalternes dans lesquelles ils visent surtout à maximaliser leur taux horaire.

Aucun de ces THQI, comme on doit les appeler maintenant, ne semble vouloir se diriger vers des fonctions prestigieuses ou des emplois nécessitant l'encadrement d'autres personnes. Chacun d'eux semble avoir bâti sa petite thébaïde d'où il ne souhaite pas sortir. Il s'agit généralement de postes sans gloire mais relativement bien rémunéré dans lesquels ils se sentent à l'aise au bout de deux mois, ce qui ne réclame de leur part pour fonctionner que d'utiliser trente pour cent de leurs capacités intellectuelles.

Et les soixante-dix pour cent restant me direz vous ? Et bien le reste de leur intelligence se dissipe en occupations diverses et variées. Ce que je nomme pour ma part mes lubies. Cela va de l'apprentissage du théorbe pour l'un d'eux à la maitrise de l'aztèque pour un autre à moins que ce ne soit la perte de temps sur des forums divers et variés.

Pas un ne s'engage en politique même si tous s'y intéressent. Non, tels des chiens ou des chats de races dédaigneux, ils approchent leurs truffes délicates de ce que leur offre la société avant de s'en éloigner prestement, offusqués qu'on ait pu leur proposer pareille pitance.

Ne méprisant aucunement autrui mais se résignant à sculpter leur individualité, mes THQI, tels des dandies de la belle époque adoptent une grandeur sans conviction. Se détournant de se ce monde matérialiste et bourgeois qui ne saurait les contenter, ils se résignent à vivoter chichement, se contentant de picorer ça et là quelques miettes de plaisirs intellectuels.

Comme le dit fort justement Baudelaire : « Le dandysme apparaît surtout aux époques transitoires où la démocratie n’est que partiellement chancelante et avilie ». Baudelaire ajoute ensuite : « dans le trouble de ces époques quelques hommes déclassés, dégoûtés, désœuvrés, mais tous riches de force native, peuvent concevoir le projet de fonder une espèce nouvelle d’aristocratie (…) le dandysme est le dernier éclat d’héroïsme dans les décadences ». 

C'est évidemment très joliment dit et assez juste. Aucun d'eux ne saurait répondre aux critères de dépression tels que les envisage l'imparfait DSM. J'ai parfois l'impression qu'ils viennent me voir pour se rassurer de n'être pas unique ou totalement inadaptés. Et sans doute que ma manière de les traiter, sans jamais les juger, fait que je réussisse assez bien avec cette curieuse mais charmante clientèle. 

Dédaignant autant les postes de mercantis cupides autant que ceux de consultants stupides, ils errent dans la vie à la recherche d'un port. Ce port n'est bien souvent qu'une anse plaisante à l'abri des vents ou des courants de l'époque; dans laquelle ils passeront leur vie. Sans doute que chacun d'eux attend secrètement La mission qui vaudrait la peine d'appareiller et d'atteindre la pleine mer. Mais comme elle ne vient pas, ils se contentent de survivre. 

Leur vie n'a rien d'un calvaire ! Suffisamment intelligents et structurés, ils font en sorte de se mettre à l'abri du moindre risque comme du oindre coup d'éclat. Un toit sur la tête, de la nourriture dans leur assiette et les voici contents pourvu qu'ils puissent disposer de temps pour mener à bien leurs recherches singulières. Car finalement, la seule richesse qu'ils amassent et capitalisent, la seule qui ait de la valeur à leurs yeux, c'est le temps.

Comme me le disait hier un de ces jeunes THQI, tout juste âgé de vingt-sept ans : "Les éléments brillants ne veulent plus utiliser leurs ressources pour porter sur leur dos un monde d'ingrats autosatisfaits. Dès lors, ils prennent un peu de plaisir à le saboter, et espèrent secrètement qu'au bord de la mort, les ingrats sauront enfin les appeler".

J'ai trouvé ça très juste. Que puis-je pour eux ? A la vérité pas grand chose puisqu'ils ont parfaitement compris le fonctionnement du monde. Lucides à l'excès, je ne peux exiger d'eux qu'ils accèdent à la cécité pour jouer un jeu qu'ils exècrent. Alors je discute, je peux parfois les rassurer. Il m'arrive aussi de les mettre en rapport les uns avec les autres afin qu'ils constatent qu'ils ne sont pas uniques et que ce qui apparaitrait comme de la bizarrerie pour beaucoup est une norme dans certains groupes.

Je crois que je dois beaucoup de mon équilibre mental à leur fréquentation. Ils sont aussi intelligents qu'ils sont apaisants. Ne rien chercher est une saine quête.

Sur ce sujet, voici un joli texte érudit sans être pesant. Après la "grandeur sans conviction", l'idée d'une "magnificence tragique" est plutôt bien trouvée.

05 février, 2018

Trucs et choses et perplexité !


Je discutais avec Le Touffier de je ne sais plus quoi et je lui ai dit ceci : les gens masquent souvent des choses bien pour mettre en avant des choses nulles. Lui il a trouvé ma réflexion géniale et sans doute que dans le feu de la conversation, ça l'était. Mais pourquoi ai je dit cela à cet instant précis, je ne m'en souviens pas. 

J'en dis souvent des trucs bien, je ne raconte pas que des conneries. Mais comme je suis équipé en standard d'un canon à trucs bien, j'envoie un paquet de réflexions super intéressantes à un rythem soutenu. De là, à me souvenir de toutes ou des circonstances dans lesquelles j'ai été amené à les dire, il y a un pas.

Alors oui, ce matin j'ai pu dire que trop souvent les gens masquaient des choses bien pour mettre en avant des trucs nuls. Je l'ai pensé puisque je l'ai dit. Je ne sais plus pourquoi.

Cet article n'a ni queue ni tête parce que c'est Le Touffier qui m'a dit que je devais absolument rédiger quelque chose à partir de cette réflexion. Et comme il m'aurait traité de fainéant si je ne l'avais pas fait, je l'ai fait.

Alors voilà, je le dis et le redis : trop souvent les gens mettent en avant des trucs nuls et masquent des choses bien. Sachant que trucs et choses sont interchangeables et que j'aurais pu dire que trop souvent les gens mettent en avant des choses nulles et masquent des trucs bien.

Je l'ai dit, je ne sais plus pourquoi. Si la réflexion vous semble intéressante, elle est libre de droit et vous pourrez vous l'approprier. Au cours d'un déjeuner par exemple; vous pourrez d'un air entendu dire que trop souvent les gens mettent en avant des choses nulles et masquent des trucs bien. Et là vous marquerez des points.

Ceci à force de répéter cette formule, je crois me souvenir des raisons pour lesquelles j'ai été amené à la formuler. Oui, je crois que les gens ont peur d’apparaitre comme des gens bien. Ça devait être ça, juste ça. Pas de quoi s'en relever la nuit. A moins que je ne sois tellement habitué à proférer de grandes vérités que je ne m'étonne même plus de mon génie.

Tel l’albatros moi aussi je plane, profitant du vol de gradient ! Tiens le vol de gradient, c'est pas non plus un truc facile à saisir !

Douance toujours la douance !


Tiens j'ai reçu un THQI, c'est à dire un type doté d'un trè shaut quotient intellectuel. C'est sympa. J'ai l'impression de jouer au tennis avec un champion. Quelle que soit la balle qu eje lui envoie, derrière le filet ou fond de courts, il me la renvoie.

Un jour je lui ai dit qu'il était évidemment surdoué. Lui, il ne trouvait pas. Il trouvait que même s'il se débrouillait bien dans la vie, il n'avait pas pour autant une carrière mirifique ni une réussite inouïe. Pas comme Le Touffier qui lui est chirurigien par exemple, ce qui est encore mieux que commandant de bord à Air France. 

Sauf que si on proposait à un vrai surdoué de devenir chirurgien, il ouvrirait un oeil rond en se demandant pourquoi il va passer sa vie à ouvrir des gens tout en admettant que c'est un métier fort utile. Idem s'agissant de commandant de bord. Le surdoué trouverait saugrenue l'idée qu'il puisse plusieurs fois par semaine faire décoller puis atterrir un avion et trouver cela merveilleux. Pourquoi pas chauffeur de bus ? A la limite il préférerait chauffeur de bus, nonobstant le salaire moins important que celui de pilote, parce qu'au moins ça se pratique pas loin de chez soi. 

Le THQI n'a pas d'aversion pour le travail mais pour la routine. C'est pour cela qu'il n'est pas très à l'aise dans concours pour lesquels on demande aux gens de se préparer durant une à deux années. Le THQI est plutôt un papillon butinant une fluer puis une autre et amassant les connaissances comme le lépidoptère, le nectar de son charmant proboscis. D'ailleurs plus on est intelligent moins on aura de chance aux concours à moins d'être pris en main par des parents durs et intransigeants vous élevant comme un cheval de course ou vous éduquant comme un pianiste chinois.

Le THQI est donc un butineur et non un goinfre ! C'est un individu avec lequel on peut parler de tout et rien. C'est l’honnête homme ! Rappelons qu'au XVIIème siècle, l'honnpete homme est celui qui possède une culture générale étendue et des aptitudes sociales propres à le rendre agréable pour se montrer humble, courtois et cultivé mais aussi pour pouvoir s'adapter à son entourage.

C'est justement ce que je lui ai dit. Alors qu'il se trouvais éminemment normal, je lui ai répondu que seuls les sots étaient persuadés d'être intelligents. Et que celui qui l'était vraiment, vivait son intelligence comme l'oiseau ses ailes, comme une fonction parfaitement intégrée dont il n'y a pas d'orgueil à tirer. Seul le laborieux tire une gloire de son intelligence. Le THQI c'est celui qui vous reçoit et en peu de temps, trouve le vin le plus adapté, là ou le laborieux vous fera les honneurs de sa cave en étalant ses dernières acquisitions en ne manquant pas d'en rappeler le coût !

Enfin, ce qui distingue le THQI du HQI, c'est l'esthétique. Il y a une véritable esthétique de l'intelligence. Une souplesse, une grâce dans les raisonnements qui font que le THQI retombe toujours sur ses pieds là ou le type simplement intelligent a besoin d'un plan pour vous asséner sa vérité dans les dents. L'intelligence du THQI c'est Fred Astaire et Ginger Rogers en train de danser, pas un faux pas, pas une seule seconde l'impression qu'il y a du travail derrière tout cela. C'est le goéland qui plane des centaines de kilomètres en pratiquant le vol de gradient, sans effort apparent. Le THQI c'est le type qui se permet de se montrer génial sans s'en rendre compte et en s'en excusant presque.

On en était là, quand il m'a dit qu'il aimerait bien passer un test. Comme je ne le fais pas moi-même vu que cela me saoulerait, je l'ai envoyé chez une petite neuropsychologue que l'on m'a conseillée et qui fait cela très bien. 

Et un soir il est revenu dans mon cabinet avec le résultat du test : 150 ! Je ne m'étais pas trompé. Je me suis demandé si je n'allais pas me spécialiser dans les THQI vu que je m'entends bien avec eux, même si je suis moi-même un gros boeuf, et que c'est un sujet porteur.

Et puis je me suis dit que non. Parce que la douance est un sujet tellement à la mode que je risque de voir débarquer dans mon cabinet des gens qui n'en ont pas une once mais sont persuadés d'être des pépites. Et je n'ai pas envie que ma pratique ressemble à La Nouvelle Star et que je fasse passer des auditions à des chèvres persuadées d'être les stars de demain.



L'écoute !



Une fois, on déjeunait avec Le Touffier en compagnie de deux de mes patients, deux Nicolas. Outre le fait qu'ils portent le même prénom, les deux se distinguent par un TDAH avéré. Ce sont de vrais hyperactifs et de vraies mitrailleuses. J'en avais un à droite et un à gauche et les deux ne cessaient de parler à toute vitesse avec de grands gestes.

A un moment donné, Le Touffier m'a demandé comment je faisais pour supporter un tel bombardement. Je lui ai répondu que c'était sympa, que j'avais l'impression d'être Ben-Hur dans son char entraîné par deux chevaux piaffants et hennissant. C'est vrai que c'était l'impression que j'avais. Les deux sont tellement bourré de vitalité qu'ils en devenaient saoulant mais comme je sais m'y prendre avec eux et que je suis un bon gars, je maitrisais assez bien la situation. J'avais l'impression de faire le tour du Colisée avec mon attelage furieux.

Alors Le Touffier qui n'est pas la moitié d'un imbécile vu qu'il est chirurgien, m'a demandé si je parvenais à écouter ce qu'ils disaient vu le flot ininterrompu de paroles qu'ils proféraient. Je lui ai répondu que non, que je ne les écoutais pas vraiment ou à la limité un mot sur dix et que cela suffisait. Parce que s'il fallait perdre son temps à écouter les patients, je n'en aurais pas fini de m'emmerder.

C'est assez drôle que j'aie pu dire ça vu que l'essence même de ma profession est d'écouter les gens, ce que je fais assez bien. D'un autre côté, je ne vous cacherai pas qu'ils racontent tous la même chose. Alors que faut il faire, écouter ou non ? 

Comment vous répondre ? En fait, bien sur que j'écoute les gens et même que c'est le principal reproche que je fais à certains confrères en leur reprochant de classer trop vite les gens dans des boites alors qu'il suffirait de les écouter.

Bref je suis le mec qui n'écoute pas toujours ou imparfaitement alors même que je pense que l'écoute est le fondement de notre profession. Comment réduire cette inéquation ? Comment rendre intelligible ce qui apparait comme un syllogisme.

J'en parlais justement jeudi avec Jean-Caribou, un patient émigré au Québec, venu en France pour faire un tour et qui ne manque jamais de venir me voir à cette occasion. On parlait justement d'écoute et je lui soumettais cette curieuse attitude que je peux avoir, qui fait que je n'écoute pas toujours les gens tout en promouvant l'écoute. J'avais l'impression que j'étais le mec capable de dire qu'il faisait nuit et jour en même temps tout en étant persuadé que ce que j'exprimais était véridique. Parce que parfois, je pense des trucs qui sont pour moi d'une logique absolue alors que cela n'apparait pas comme tel aux autres. J'ai l'habitude de dire que je me comprends et que c'est le principal.

Et voilà que Jean-Caribou saisit parfaitement ce que je veux lui dire et m'explique que là-bas au pays des grands espaces blancs, il a pour ami un vieux psy qui frise les quatre-vingt balais qui lui a expliqué qu'il n'écoutait qu'avec les patients il n'écoute pas ce qu'ils disent mais ce qu'ils sont. J'ai trouvé la formule jolie et totalement adaptée à ma pratique.

C'est vrai que je me suis toujours vu en tailleur de pierre. En fonction de la structure et de la forme je sais à peu près ce que je vais pouvoir faire de la personne en face de moi. A partir de là, les gens me parlent et c'est bien normal et je retiens ce que je veux et c'est aussi normal.

J'écoute ce qu'ils sont et non ce qu'ils disent. Ça fait cucul sorti tout droit d'un séminaire de coaching mais c'est assez juste comme formule. Je la ressortirai un peu honteux parce que je trouve cela aussi juste juste que c'est cucul.

M'en fous, suis sur qu'il y en a qui trouveront ça super et qui se diront que j'ai tout compris. C'est le principal : l'effet qu'on a sur les gens.

La faille !


Un médecin vient de m'adresser un petit gars bien comme il faut, commissaire aux comptes dans l'un des plus grands cabinets du monde, un cabinet que tout le monde connait et dont je tairai le nom. Un des big four même si quand j'étais jeune, on parlait de big six parce qu'il y en avait six évidemment. Et puis, je ne sais pas qui a fermé ou bouffé l'autre, toujours est-il qu'ils ne sont plus que quatre. 

Même que quand j’étais jeune et fraichement diplômé, on était vachement incité à aller bosser dans ces entités, sous prétexte d'apprendre à bosser à l'américaine avec plein de process. Même que je n'ai jamais eu envie d'aller bosser dans de telles boites. Tout jeune, je n'étais déjà pas très carriériste. Ou disons que je me serais bien vu associé directement vu que j'avais compris comment ils s'y prenaient pour faire bosser les jeunes. Notamment ceux issus des ESC ou de Paris IX qui étaient de vrais futurs esclaves.

Moi, j'étais pas trop preneur de l'ambiance américaine et de leurs grades à la con, junior, senior, directeur de mission, etc.Alors je n'ai jamais postulé. Est-ce une erreur ? Disons qu'aujourd'hui je serais mieux intégré socialement mais je ne serais pas moi.

Alors ce petit gars arrive et m'explique qu'il a un vrai problème avec l'un des associés du cabinet pour lequel il travaille en direct. L'associé a trente-sept ans et est diplômé d'une école d'ingénieur et se prend pour Dieu le père. Bref, c'est un cas classique de personnalité narcissique, le mec fort avec les faibles et faible avec les forts, l'une de ces petites merdes qui hantent tous les bureaux de la planète.

J'explique à mon patient comment le truc fonctionne et je lui lis les critères du DSM pour qu'il sache que la psychopathologie connait très bien son associé et son fonctionnement. C'est déjà rassurant pour lui de voir qu'il n'est pas perdu dans une contrée inconnu mais juste le jouet d'un gros narcissique.

En résumé le narcissique c'est juste un clampin qui a un sens grandiose de sa propre importance et va exploiter l'autre dans les rapports interpersonnels. Psychopathologiquement c'est grave parce que ça se traite difficilement et humainement, c'est juste une merde.

Rajoutons que le narcissique est amoral par essence. Il n'a aucune loyauté envers qui que ce soit et n'est dicté que par deux choses : son intérêt et la peur. Il ira toujours dans le sens de son intérêt jusqu'à ce que la peur ne l'en dissuade. C'est un petit prédateur.

Rajoutons que certains narcissiques ont les moyens de l'être parce qu'ils sont vraiment intelligents. C'est donc un petit prédateur intelligent et non un gros balourd. C'est tout l'intérêt de la chose. Parce que le narcissique calcule vite et bien et qu'il sait fort bien à qui il s'attaque. Il pratique la communication asymétrique et si vous êtes pris dans ses rets, il y a toute les chances pour que vous vous soyez comporté comme le roi des soumis en vous agenouillant devant lui. C'est ainsi : certaines personnes nous semblent grandes que parce qu'on est à genoux devant elles.

La règle serait que dès qu'un narcissique vous colle une claque, vous lui mettiez une droite. Vous allez voir qu'il changera vite de victime. Le narcissique ne s'attaque qu'à l'animal le plus faible du troupeau. Si vous avez de vous, l'image d'un petit gros pas sexy et moyennement intelligent, vous serez une proie. Changez l'image que vous avez de vous et vous cesserez de lui être asservi.

Ajoutons qu'il y a le narcissique classique, qui est ainsi sans s'en rendre compte et dont on peut triompher et puis le modèle au dessus, chez qui se superposent des traits sociopathiques. Dans ce cas, non seulement le narcissique se conduira comme une merde mais en plus il y prendra plaisir. On nomme ceux là des pervers narcissiques. C'est un terme que j'emploie rarement parce qu'il a été terriblement galvaudé ces dernières années. Un vrai pervers narcissique, c'est quelqu'un de vraiment méchant pas simplement quelqu'un qui s'oppose à vos désirs.  

Alors avec mon petit patient on a fait le tour de la question. Il a admis qu'il avait de beaux diplômes et une belle expérience professionnelle et que même s'il venait à perdre son travail, il en retrouverait un facilement. Il fallait qu'il cesse de se vivre comme un ouvrier sidérurgiste lorrain dans les années quatre-vingt. Non mon petit bonhomme, tu ne risques rien. Arrête de te mettre à plat ventre. Au pire si tu es licencié, tu trouveras demain un autre job.

C'était sa vraie faille. Le fait qu'il soit absolument persuadé que pour être un petit gars bien il faille respecter à tout pris sa hiérarchie et l'entreprise. Bien sur que c'est bien d'être un bon petit gars plutôt qu'un gros sociopathe. Mais bon, il y a des limites. On peut jouer à un jeu si tout le monde applique les mêmes règles. Si les règles changent au gré des désirs de votre boss, ce n'est plus un jeu mais du sadisme. Or les pervers narcissiques adorent faire varier les règles du jeu. Ils demandent rouge et vous donnez du rouge mais ils vous assureront qu'ils avaient exigé du bleu. C'est pervers mais plutôt idiot. Bien sur le pervers narcissique ne se présente pas sous les traits d'un vilain aux crocs acérés. Pour vous mettre en confiance, il sait vous charmer voire vous flatter. Comme disait nos grand-mères, il est trop poli pour être honnête.

Quand le conformisme cède face à l'analyse des faits, on est mur pour se faire harceler par ce genre de pervers narcissiques. Alors qu'il suffirait de lui dire : non tu m'avais dit rouge je te l'assure.Le type tenterait bien de vous dire qu'il vous avait dit bleu mais il ne faut pas se laisser désarmer mais répéter : non tu m'avais bien dit rouge. A la longue le gars se lassera. Répéter cela deux ou trois fois, et il comprendra que vous n'avez rien d'une victime.

C'est facile à dire mais moins à faire bien sur. J'ai donc aidé mon petit patient à relativiser. Déjà par rapport à l'âge de ce fameux associé. Pour lui, c'est un chef et pour moi, juste un trou du cul de trente-sept ans. Je lui ai donc répété des dizaines de fois en lui serinant que pour faire péter les galons de cette sorte il fallait vraiment être une "petite bite". C'est important de ridiculiser la "cible" parce que c'est justement d'un faux prestige que le pervers narcissique tire son emprise. Or comme aurait dit Montaigne, aussi que l'on soit assis, on ne l'ai jamais que sur son cul. Faut donc relativiser. L'associé en question n'est ni Hitler ni Staline, juste un jeune associé d'un grand cabinet d'audit. On est tout de même loin du chef de guerre ou du tueur en série. C'est juste un mec qui a audité des boites et qui s'étant révélé un peu plus malin à su se vendre aux voyous qui dirigent le cabinet. Il n'est certes pas idiot, loin de là, mais surtout malin bien plus que dangereux. 

Les séances suivantes ont été dédiées à apprendre à dire non dans le respect des règles. Par exemple, quand mon patient rentrait de province où il avait été auditer une boite et que l'autre raclure lui disait le vendredi soir de passer au bureau, il a fallu dire non, qu'on se verrait lundi. Alors évidemment l'associé n'a pas lâché et il a suffit à mon patient de dire que c'était bon qu'il n'y avait aucune urgence vitale et que personne n'allait mourir. De dire bonsoir et de raccrocher. L'autre l'avait déjà dans l'os.

Ensuite quand l'associé fait des demandes sortant du cadre de la mission de mon patient, il faut aussi dire non. Par exemple il lui a récemment demander d'appeler untel parce qu'il n'était pas content de son boulot. Mon patient lui a juste dit de le faire lui-même parce qu'il n'était pas son "assistante" avant de quitter le bureau. Encore une fois : strike ! 

Et de multiplier ainsi les petits "non" de manière a regagner le terrain perdu. Il s'agit de le faire tout en étant irréprochable sur son boulot. Parce que vous vous doutez bien que le pervers narcissique vous attend au coin du bois. Comme mon patient est du genre perfectionniste, aucun risque de ce côté là. Avec ce genre d'individu, il faut être factuel et dichotomique. Blanc ou noir et rien d'autre. Toute nuance serait exploitée.

Au fil des semaines, c'est devenu un jeu ! Comment multiplier les "non" à l'associé sans risquer sa place. Et ébahi, mon petit patient a constaté que ça marchait. Il suffisait de dire "non" pour que l'autre le lâche. Bien sur il tentait de passer en force et dans ce cas il suffisait de redire encore et toujours "non" gentiment. Petit  à petit, l'autre a fini par le lâcher. Comme je lui expliquais, un pervers narcissique c'est comme un immeuble hausmannien dont aurait conservé les façades classées et détruit l'intérieur. C'est du vide, du que dalle, c'est pour ça qu'il se nourrit de la terreur qu'il engendre chez ses subordonnés. Un pervers narcissiques si vous poussez bien, ça s'effondre.

Afin de parfaire le travail, j'ai dit à mon patient qu'il devrait s'initier à la boxe. Et comme il ne savait pas où faire ça, je l'ai recommandé auprès de l'aîné de mes filleuls : l'officier. Je le surnomme l'officier parce qu'il a du maintient et un petit côté rigide amusant. On le verrait bien dans la cavalerie, se promener raide comme un I avec un stick sous le bras à passer la troupe en revue.

Ceci dit, bien que rigide, il est très sympa et c'est un bon moniteur de boxe.Il vous apprend à tenir une garde et à rendre les coups. Et quoiqu'on en dise, la boxe c'est un peu l'apprentissage de la vie. Mon petit patient y va cette semaine et j'attends beaucoup de cette initiation. Qu'il se découvre un corps et non seulement un cerveau mais aussi la capacité à rendre les coups. Et une fois qu'il aura saisi ça, je ne donne pas cher de la peau de son associé ! 

Moi je suis un bon gars empathique. Je souffre avec mon petit patient. Quand il me parle des avanies qu'il vivait, je souffrais avec lui et je n'avais qu'une envie, aller causer à son abruti d'associé. Bien sur que je ne peux pas faire ça. Alors je me contente de l'entrainer au combat de manière à être enfin respecté.

Je déteste les personnalités narcissiques. Et pour s'amuser, la vidéo suivante :