24 novembre, 2014

Dernère lubie !


Je suis sujet aux lubies, tous mes lecteurs le savent. Je passe allègrement de l'une à l'autre, me contentant, durant le temps qu'elle m'obsède, de me documenter sur le sujet avant de l'abandonner pour d'autres horizons. Je pourrais d'ailleurs consacrer un pan entier de ma bibliothèque à mes lubies qui m'ont par le passé donné l'occasion d'acheter des livres sur le sujet. On y trouverait voisins des livres traitant de sujets aussi divers que l'apiculture, les ponts et viaducs, les autorails, l'EMI ou encore les hérissons.

Dernièrement, c'était la vie érémitique qui me préoccupait. Ne me demandez pas comment cela m'est venu. Je n'en sais rien ou plutôt je crois le savoir sans en être vraiment sur. Toujours est-il que j'ai un jour décidé de chercher sur ma tablette préférée combien il y avait d'ermites en France. Puis, que de fil en aiguille, je me suis intéressé à la vie érémitique, à la manière de "partir dans le désert" comme le fit Antoine le Grand, père de l'érémitisme chrétien.

Et bien sur, comme une lubie est quelque chose d'important pour moi, après avoir lu les textes régissant la vie d'ermite, je me suis intéressé aux conditions matérielles permettant cette réclusion dans le monde. Certes, on peut être ermite en ville, passager clandestin dans un immeuble, mais la condition campagnarde a eu ma préférence, sans doute parce qu'elle recèle un côté survivaliste amusant. Que voulez-vous, même quand il 'agit d'érémitisme, un mec reste un geek.

C'est la raison pour laquelle après avoir cherché l'endroit idéal pour mener une vie d'ermite, il fallait se soucier des conditions matérielles d'existence. Ceci dit l'endroit idéal n'est pas simple non plus car tous les coins paumés de France ne se valent pas. Le lieu idéal est un compromis entre la beauté de l'endroit, son isolement, le climat, le prix d'une masure correcte et bien sur l'accueil des locaux.

S'agissant des conditions de vie, mon esprit s'emballant sans raison, ainsi qu'il le fait pour n'importe quelle lubie, je me suis renseigné sur la manière de vivre en autonomie. Autant vous dire que les poêles, les éoliennes ou l'hydroélectricité n'ont plus de secrets pour moi. Quant à la manière de recharger un téléphone avec un simple réchaud, ce n'est plus un secret. L'effet Peltier comme l'effet Seebeck me sont devenus communs. Quant aux régulateurs, donnez moi un oscilloscope et je vous dirai s'il est bon ou si c'est une daube chinoise qui endommagera votre électronique. Idem pour le groupe électrogène !

J'ai évidemment pour ce faire fréquenté des forums spécialisés. J'ai été étonné par la qualité des échanges tant au niveau de l'orthographe que des renseignements qui y sont fournis. Et même si la plupart son plutôt des adeptes de la décroissance que de l'érémitisme chrétien, je dois souligner qu'ils sont généralement réfléchis. Comme quoi, on peut vivre en yourte et n'être point sot. La plupart sont d'ailleurs nettement circonspects face à l'écologie politique telle qu'elle se présente.

Et si les allumés existent, il suffit de parler technique, c'est à dire de dépasser le cadre des paroles creuses pour agir, pour les voir disparaitre au profit de gens ayant souvent muri leurs projets, même si ceux-ci peuvent sembler farfelu pour le commun des mortels. Pour ma part, capricorne enraciné d'un classicisme effréné, il est évident que mes gouts me portent plus vers les vieilles pierres que vers les constructions nomades.

Cette lubie m'a habitée durant quelques jours. Tant et si bien que dans la nuit de lundi à mari dernier, j'ai eu du mal à m'endormir tant les choses tournaient dans ma tête. C'est complètement stupide je sais, surtout quand je dois me lever après n'avoir dormi que deux heures. Et quand ma patiente de dix-huit heures me trouve fatigué, difficile de lui explique que c'est parce que j'ai passé un bon moment à me passionner pour les solutions solaires dédiées aux sites isolés. C'est quelque chose que tout le monde ne comprendrait pas.

De toute manière, même si le projet me plait, ce n'est pas demain la veille que je partirai vivre en ermite. Ni après-demain d'ailleurs. Je suis le type le moins bricoleur du monde. de plus, c'est le drame de ma vie, je ne parviens jamais à me décider tout en n'étant pas fait pour les solutions médianes. Donc je suis toujours en train d'hésiter en l'immense château en ruines et la masure nichée au cœur d'une vallée.Et même si je suis un bon théoricien, ce n'est pas la lecture d'un traité de charpente qui m'aiderait à refaire une toiture !

Voilà, adieu ma belle thébaïde aux murs de pierres et au toit de lauzes ! Mais bon, en cas de catastrophe, sans être un pro du survivalisme, disons que j'en connais maintenant plus que la plupart de mes concitoyens. C'est dommage j'avais trouvé une belle bâtisse pas trop grande, avec quelques hectares autour et en plus une chapelle ! Le rêve de tout ermite ! Je n'avais plus qu'à convaincre mon épouse de se chauffer à la bouse et de s'éclairer à la bougie !

Je sens la fièvre s'apaiser. J'ai juste commandé le nombre de livres obligatoires sur Amazon afin de garder un souvenir de cette lubie. Encore des livres qui rejoindront ceux concernant les autres lubies. Peut-être qu'un jour, on me demandera pourquoi un ouvrage sur les hérissons voisine avec un livre sur la taille de pierres et un autre sur le choix de vie érémitique.

Enfin, je n'abandonne pas tout à fait le projet. On ne sait jamais, dès fois que Hollande soit réélu en 2017, je pourrais bien prendre le maquis.

Chitonophobie !


Avec le politiquement correct, on n'a jamais fini d'en finir. On croit avoir touché le bas mais, comme dans les parkings Vinci, on s'aperçoit qu'il y avait un autre sous-sol. L’antiracisme, l'antisexisme et de manière générale la lutte contre la discrimination se découvre chaque jour un nouveau cheval de bataille et n'en finit plus de traquer la déviance là où les gens normaux ne l'aurait pas vue.

C'est d'ailleurs l'un des traits diagnostiques de la personnalité paranoïaque décrits par le DSM. C'est ainsi que le paranoïaque discerne des significations cachées, humiliantes ou menaçantes, dans des événements anodins tandis qu'il s'imagine des attaques contre sa personne ou sa réputation, auxquelles il va réagir par la colère ou la rétorsion .

Et j'ai eu maintes fois l"occasion de le souligner, la paranoïa autrefois dénommée folie raisonnante est à l'instar du CO2, qui est un gaz inodore et mortel, un phénomène mortifère qui prend de l'ampleur sans qu'on ne le remarque. Les paranoïaques souffrant d'une hyper-inflation du moi ont tôt fait de faire entrer autrui dans leur délire sans que ce dernier ne remarque justement l'aspect effrayant des thèses défendues. C'est ainsi que la folie à deux est un type de délire non schizophrénique dans lequel la vision délirante du monde du patient souffrant de paranoïa est adoptée par d'autres individus avec lesquels il est en contact et constitue une forme d'hystérie collective.

C'est ainsi que cette hystérie collective s'en est récemment pris à des chemises. Comme je ne savais pas traduire "chemise" en grec ancien, j'ai simplement utilisé le terme chiton qui est un vêtement traditionnel de la Grèce antique, afin de trouver une racine à cette nouvelle phobie. C'est la raison pour laquelle je parle de "chitonophobie", un néologisme adapté aux circonstances. J'en veux pour preuve les deux exemples suivants.

Voici peu de temps, un groupe de scientifiques réalisait l'exploit de faire atterrir la sonde spatiale Rosetta sur une comète située à cinq-cent millions de kilomètres de la terre. On aurait pu saluer l'exploit et se demander de quelle manière la science allait bénéficier de cette incroyable odyssée. C'était sans compter les khmers de surveillance qui n'ont eu d'yeux, non pour cet exploit mais pour la chemise que portait Matt Taylor, le responsable du programme. Il faut dire que ce dernier, sans doute pour souligner sa bonne humeur et casser les codes trop austères de la science, portait pour l'occasion une chemise ornée de pin-ups, laquelle a été jugée "sexiste". Certains y auraient même vu une manière inconsciente de prouver que la science est généralement un milieu masculin sexiste. Plutôt que de laisser les choses se tasser, en se souvenant que les gros titres du jour servent à emballer le poisson le lendemain, notre pauvre scientifique s'est cru obligé de s'excuser pour sa chemise.

Quel mal avait-il commis si ce n'est, en tant que mâle hétérosexuel, de porter une chemise imprimée de pin-ups ? Est-ce un crime ? Au pire, on peut juger sa chemise laide et imaginer qu'il préfère les bimbos que les thons, mais elle n'indique en rien ce que Matt Taylor pense des femmes en général. C'est une interprétation qui n'appartient qu'à celui-celle qui la fait que de dire que le port d'un tel vêtement serait sexiste.

Plus récemment, c'est Kim Kardashian qui s'est trouvée accusée de discrimination pour avoir porté un chemisier imprimé de silhouettes de geeks, ces caricatures de scientifiques portant lunettes et nœuds papillons. On l'a donc accusée d'offenser la science parce que les personnages figurant sur le chemisier seraient des "personnes socialement maladroites en blouse blanche et lunettes épaisses, posant d'une manière peu flatteuse, tenant des ustensiles de laboratoire ou écrivant des équations sur des tableaux noirs". Des ingénieurs quoi, tels que j'en reçois régulièrement dans mon cabinet, et qui m'avouent que s'ils sont champions pour résoudre des équations différentielles, ils ont un peu plus de mal avec les rapports sociaux en général et les femmes en particulier.

Ces deux exemples démontrent clairement la paranoïa de notre époque. Car lorsque les scientifiques portent des chemises rigolotes, on les accuse de sexisme, tandis que lorsqu'ils sont trop ternes et proches du stéréotype de l'ingénieur, ils en souffrent et n'aiment pas que l'on se moque d'eux. L'idéal finalement est de s'enfermer dans une minorité à laquelle on reconnaitra des droits et notamment celui de se plaindre.

Finalement, plutôt que de se répandre en excuses, de faire leur mea-cupa, ou plutôt leur autocritique, comme savait si bien y inciter l'ex-URSS au cours des célèbres purges de Moscou, ces personnes dont on a critiqué la chemise auraient du s'offusquer et se plaindre de chitonophobie afin de souligner qu'elles-mêmes, quels que soient les reproches qu'on leur faisait, appartenaient aussi à une minorité opprimée; celle de ceux qui décident de porter des chemises avec des imprimés fantaisie. Et comme c'est celui qui se sent le plus opprimé qui gagne dans cette nouvelle hystérie collective, il n'est pas dit que Matt Taylor ou Kim Kardashian auraient eu à s'excuser mais bien au contraire, que ce sont leurs accusateurs qui auraient du le faire pour crime de chitonophobie.

On peut aussi, et c'est sans doute ce qui arrivera, pencher vers une neutralité de bon aloi afin d'éviter qu'un paranoïaque, quelque soit son groupe d'appartenance, ne distingue dans notre manière de d'être, une quelconque atteinte à la dignité d'un quelconque groupe de personnes érigées en club de martyres.

Le Larousse précise que l'humour, au sens large, est une forme d'esprit railleuse « qui s'attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde, ou insolite de certains aspects de la réalité ». Quand on se moque d'une catégorie de personnes, il est fort à parier que l'on appartient soi-même à une autre catégorie que l'on moquera aussi. Nous sommes des animaux sociaux et tout individu normal sait parfaitement distinguer l'humour de la méchanceté sans que l'on n'ait besoin de ces redresseurs de tort dont le faible nombre n'est qu'amplifié par le tambour vide des réseaux sociaux relayés par une presse exsangue n'ayant plus rien d'intéressant à dire.

 Le paranoïaque est un pervers qui méconnait sa perversité. Il ne vous frappe pas, pas plus qu'il ne vous vole ou ne vous viole. De manière bien plus pernicieuse, il s'empare insidieusement de votre psychisme, de vos élaborations mentales, afin de les façonner de manière à les rendre compatibles avec sa manière rigide et pathologique de voir le monde. Son but est de vous persécuter pour vous amener malgré vous à être gouverné par ses desseins pervers. Il vous amène à vous croire responsable d'un pseudo-désastre qui n'existe que dans son cerveau malade.

Pas de chance pour nous car l'humour et la dérision, et dans une plus large mesure la liberté de parole sont gravement menacés. Car si le DSM omet de le préciser, les paranoïaques se distinguent par une absence totale d'humour. Et à ce titre, l'humour est le meilleur rempart contre les paranoïaques.

La chitonophobie est l'hostilité, explicite ou implicite, envers des individus dont les préférences en matière de chemises vont vers les tissus imprimés humoristiques ou décalés.
Philippe Psy

17 novembre, 2014

L'argent et l'amour !


C'était voici peu de temps. Un médecin m'appelle et me demande si je peux recevoir "en urgence" un jeune patient qui vit une "rupture difficile". Effectivement ça semble difficile puisque j'entends le jeune type pleurer à chaudes larmes dans le cabinet du médecin. J'explique au médecin que je connais bien que je ne suis pas un service d'urgence et qu'elle devrait plutôt adresser ce quidam à qui de droit plutôt que de l'envoyer se suicider dans mon cabinet. Mais, il semble qu'elle lui ait prescrit les anxiolytiques qui vont bien et que si le gamin est mal, il ne l'est pas au point de se jeter de ma fenêtre ou de s'ouvrir les veines face à moi.

Comme je suis plus du soir que du matin, je dis au médecin de me l'envoyer à vingt-deux heures le jour même. Tant pis je finirai plus tard et serai chez moi à minuit. Vous noterez au passage l'abnégation et la vocation qui sont miennes ! Si l'un(e) d'entre vous décide d'ouvrir une souscription pour l'érection d'une chapelle Saint-Philippe-le-Psy, n'hésitez pas. Je vous promets qu'on y viendra en pèlerinage par milliers et que via les dons, votre investissements sera vite remboursé, surtout si vous avez pris la peine d'ouvrir un hôtel-restaurant juste en face de la chapelle. Dans le commerce, l'emplacement c'est tout.

Mais trêve de ma fabuleuse vocation et revenons à nos moutons. Le gamin se pointe pile à l'heure. C'est le modèle sensible-mais-couillu-tout-de-même. A savoir que s'il a pleuré chez son médecin, chez moi il est décidé à rameuter tous ses neurones et à tout comprendre. Il est tendu comme un arc et on le sent déterminé à "gérer" son chagrin pour passer à autre chose. C'est assez rigolo à observer et plutôt touchant.

Bardé de diplômes prestigieux, il appartient à la catégorie des types intelligents dans la mesure où il sait que la réussite à un concours n'est qu'un process auquel même les baudets sont admis et en aucun cas une preuve de grande intelligence. D'ailleurs, alors qu'il pourrait trouver n'importe où un job super bien payé avec un titre ronflant, le gamin préfère se donner uen année durant laquelle il glande dans un mi-temps tout en faisant de la musique. C'est le cas classique du gamin brillant issu d'un bon milieux qui a choisi des études sans savoir pourquoi ils les feraient mais simplement parce qu'il en avait les capacités et que cela correspondait au statut que ses parents étaient en droit d'attendre de lui.

En revanche tandis que je l'interroge sur sa copine qui vient de le plaquer, là c'est une toute autre histoire. Ayant passé les mêmes diplômes, celle-ci s'est jetée à corps perdu dans le monde du conseil dans un très très prestigieux cabinet international, ces boîtes où ils ne savent pas vraiment ce qu'ils font si ce n'est gloser et pondre du powerpoint sans réelle valeur ajoutée à destination d'individus ayant le même profil. C'est ambiance tailleurs et costards chers et cela correspond aux milieux autorisés décrits par Coluche dans son sketch du journaliste.

Toujours est-il que la donzelle après avoir ramé quelques années durant ses études, se voit ainsi propulsée dans un milieux qu'elle révérait. Sa vie c'est un peu Le diable s'habille en Prada ; elle s’habituera au monstre pervers simplement pour faire partie d'un certain monde. Et lorsque son cabinet lui propose son stage d'intégration de deux mois aux États-Unis, sa vie bascule totalement et elle en oublie qui elle est et d'où elle vient. C'est une sorte de phénomène sectaire bien connu adapté au monde de l'entreprise. On crée des signes d'appartenance forts, on vous coupe de votre milieu d'origine en vous inculquant qu'il y a ceux qui en sont et les autres, et on vous formate le cerveau définitivement. Ca marche chez les gens un peu simples, ceux qui sont gourouïsables. Certains s'en sortent au bout de x années, d'autres jamais et restent persuadés que ce qu'ils font est non seulement utile mais non seulement vital. 

Mon petit patient n'est pas de ce genre. Ce type de cabinet il pourrait y rentrer mais il sait que cela serait pour deux ou trois ans maximum parce qu'il a compris qu'il n'y fera que de la merde mais qu'en revanche, les abrutis d'employeurs qui sont un peu "des buveurs d'étiquettes" apprécieront et le recruteront à prix d'or. Ce sont ces types qui trouveront une piquette admirable pourvu qu'elles soit étiquetée Château-Truc et pour qui seul le nom prestigieux du cabinet compte et seront ainsi par la suite persuadé qu'il a trouvé le Graal. Bref, il traine un peu des pieds pour y entrer dans ces cabinets là. L'idée de ne plus avoir de vie, de bosser quinze heures par jour pour rien heurte son intelligence et son sens du réel. Être intelligent et lucide quand on est issu d'une grande école de commerce mais qu'on n'est pas cynique est la pire des choses.

Et voilà pourquoi la donzelle l'a quitté. Comme je lui expliquais, elle est passée à autre chose, il est maintenant challengé par des trentenaires cupides qui roulent en voitures de sport. Alors c'est certain que même si sur le long terme il a raison et qu'un jour ou l'autre sa gonzesse en reviendra de tout ce clinquant imbécile, pour le moment c'est mort. Je lui dis qu'il faut passer à autre chose. Je lui modélise un peu son histoire avec lui dans le rôle du mec sensible qui se cherche et qui aura besoin de quelques années pour trouver sa place face à sa gonzesse, parfaite petite machine de guerre, moins complexe mais plus simple à mettre en œuvre immédiatement. Je lui parle des mécanismes sectaires mis en place sous le couvert de la fameuse "culture d'entreprise", de la manière dont les jeunes femmes sont exploitées par ces cabinets parce qu'elles sont en général plus soumises et malléables et que le client apprécie toujours plus une jolie gonzesse en tailleur qu'un ingénieur en costume.

Il admet les choses et il est d'accord avec moi. Il est brillant, il modélise vite aussi et il saisit l’algorithme de la situation promptement. Il tente de trouver des stratégies alternatives pour la reconquérir. Il m'explique que c'est bon, que lui aussi "va entrer dans le conseil pour faire un max de blé". Je lui explique que je le comprends et qu'à son age j'aurais tenté la même chose. Je rajoute encore une fois qu'à mon sens c'est mort, que son histoire d'amour est derrière lui parce que plus qu'une historie de blé et d'ambition, c'est une question de valeurs et d'intelligence. Et comme il me demande ce qu'il va devenir, je lui explique que le monde étant bien fait, on se remet d'un chagrin d'amour sinon l'espérance de vie serait de vingt-cinq ans et non de quatre-vingt ans. Et je rajoute que fort heureusement, le monde ne manque pas de gonzesses bien et vraiment intelligentes qui savent faire la part entre vie professionnelle et affective.

Comme il est un peu chancelant et que les semaines qui viennent risquent d'être dures, je lui enjoins d'appeler un médecin pour le cas échéant prendre un traitement. Les ISRSNA sont redoutables pour éviter les crises d'angoisse. Voilà, on se sépare là. Il est près de vingt-trois heures trente mais je ne lui facture qu'une heure (vocation+abnégation+probité).

Je me dis que si Dieu me prête vie, sa copine viendra peut-être me voir dans dix ans, quand après voir donné ses plus belles années à son cabinet, elle pensera à faire des mômes. Elle me parlera de FIV et de je ne sais quoi encore en espérant déjà qu'elle ait un mec parce que parfois la carrière ne laisse pas le temps à autre chose que des coups d'un soir dans une chambre de 5*. Et à elle aussi je lui sortirai ce que m'a expliqué un mec qui s'y connait un peu dans le domaine. Ceci dit, peut-être qu'ils lui financeront une congélation de ses ovules. On ne peut jamais savoir avec ces grands philanthropes !

"La fécondité chez les femmes c'est comme la carrière d'un jouer de foot. En gros tu peux commencer assez tôt avec un pic à vingt-huit ans. Mais après, il faut se souvenir qu'à quarante ans, c'est compliqué, il ne reste plus que quelques gardiens de but qui jouent encore"
Docteur L.T.


15 novembre, 2014

Je hais les ados !


Enfin, bon je ne les hais pas tous, disons ceux de maintenant, de notre époque. Et encore, je ne doute pas qu'il y en ait des biens. Mais bon, la plupart sont tout de même à chier je trouve. Du moins à Paris, dans ma sphère la plus proche. C'est rare que je croise des ados sympas et intelligents. Je n'attends évidemment pas d'un adolescent qu'il vive comme un adulte, je ne suis pas sur que j'aurais par exemple apprécié Bruno Le Maire adolescent. Mais bon, c'est tout de même sympa de rencontrer un ado qui se passionne pour autre chose qu'Abercrombie ou ses Nike.

Comme ce n'est pas ma spécialité, j'en reçois peu. En ce moment, le plus jeune patient doit avoir dix-sept ans mais il est brillant. Son père voulait en faire un ingénieur mais moi je lui prédis une carrière d’avocat ou de politicien exceptionnelle tant ses aptitudes sociales sont étonnantes pour son âge. Franchement perdre son temps à faire sup' et spé' pour ensuite pointer dans une SSI comme un loqueteux de base alors qu'il pourrait être élu à vingt-cinq ans, y'a pas photo je trouve.

Et puis dernièrement j'ai reçu la mère d'une ado de quinze ans qui se désespérait pour sa fille à propos d'une histoire de cœur pourrie mais pas très grave. J'ai donc écoute la mère une demie-heure avant de voir la fille, la demie-heure restant. Pour être belle, elle est belle et elle le sait. A peine assise, elle m'a tiré la gueule à un point que j'avais rarement vu. Bon, heureusement que je suis patient et que j'ai du métier, parce qu'un plus sanguin que moi l'aurait prise par les cheveux et l'aurait jetée dans les escaliers en lui hurlant : "espèce de petite pute tu pensais te foutre de ma gueule ?".

Moi bien sur, je suis resté très pro, je ne l'ai pas insultée évidemment. Je me suis contenté de lui demander en quoi pourrais-je lui être utile. Et c'est la bouche pincée qu'elle m'a répondu "en rien". Sans me départir de mon air affable je lui ai demandé si elle souhaitait collaborer ou si elle n'était venue qu'à la demande pressante de ma mère. Et là, elle m'a répondu qu'elle n'avait aucune envie d'être là ni de me parler. 

Toujours aussi calme je lui ai dit qu'il n'y avait aucun problème et qu'ayant été payé par sa mère, on allait s'arrêter là et que j'allais passer une chouette demie-heure au café à lire. Et ça, ça l'a énervée. Sans doute parce qu'elle pensait qu'elle pourrait faire son cinéma et me faire tourner en bourrique. Comme si j'étais le micheton de base, le trou du cul de seize ans prêt à se rouler par terre pour ses beaux yeux bleus ! Putain, je n'y crois pas !

Alors je me suis levé, je me suis habillé et je l'ai gentiment poussée vers la sortie. Elle n'en revenait pas et m'a dit "mais alors c'est tout ?". Ce à quoi j'ai répondu qu'à quarante-sept ans, j'avais passé l'âge de subir les caprices d'une gamine de quinze ans. Elle était interloquée. Mais bon, professionnel jusqu’au bout je lui ai cependant précisé que sa mère m'ayant parlé de sa peine de cœur, je me sentais tout à fait capable de l'aider si elle le désirait et que mon cabinet lui était grand ouvert à condition qu'elle veuille bien collaborer et que ce serait à elle de prendre rendez-vous.

Ensuite j'ai pris mon téléphone et j'ai prié sa mère de la prendre devant la porte de l'immeuble. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas besoin de sa mère et moi je lui ai rappelé qu'étant mineure elle restait sous ma responsabilité et qu'il m'appartenait d'avertir la personne ayant l'autorité parentale qu'elle sortait une demie heure avant l'heure dite. Le rappel de sa condition de mineure ne lui a pas fait plaisir mais je m'en suis tapé. Je crois qu'elle en aurait pleuré.

Je l'ai salué d'un sonore "bonne journée jeune fille et à bientôt peut-être" avant d'aller vers mon café préféré juste en face de mon cabinet. Bref, les ados me font vraiment chier mais pas tous évidemment,  mais enfin la plupart tout de même.

De toute manière, cela ne sert à rien de forcer quelqu'un à voir un psy si il ne veut pas !

Nabilla !

Calendrier Nabilla 2014 (collection privée du Dr Le Touffier)

Je vous avoue que l'affaire Nabilla ne m’inspirait rien de bien précis et que je n'aurais jamais écrit un article sur ce sujet. Ce qui lui arrive était à prévoir. Sujet ultra-narcissique n'ayant pour seul horizon que ses propres désirs et pour unique prison que la frustration intolérable qu'ils ne soient pas tous satisfaits immédiatement, il était évident qu'un jour la belle brune en arriverait là. Soit qu'on la tue, soit qu'elle tente de tuer quelqu'un.

C'est à la demande du Touffier que je rédige cet article. Soit qu'il ait réagi en vieux médecin paternaliste affligé par la tournure funeste qu'a pris le destin de cette gamine de vingt-deux ans, à moins qu'il ne soit très triste de ne plus pouvoir reluquer ses gros seins dans l'émission Touche pas à mon poste ! Je ne le saurais sans doute jamais.

Alors que dire de cette affaire ? Je crois avoir tout dit dans le premier paragraphe finalement. On a à faire à un cas classique de narcissique qui, comme le précise le DSM. C'est ainsi que le patient présente au moins cinq des symptômes suivants :
  • le sujet a un sens grandiose de sa propre importance (par exemple, surestime ses réalisations et ses capacités, s'attend à être reconnu comme supérieur sans avoir accompli quelque chose en rapport) ;
  • est absorbé par des fantasmes de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté, de perfection, ou d'amour idéal ;
  • pense être « spécial » et unique et ne pouvoir être admis ou compris que par des institutions ou des gens spéciaux et de haut niveau ;
  • montre un besoin excessif d'être admiré ;
  • pense que tout lui est dû : s'attend sans raison à bénéficier d'un traitement particulièrement favorable et à ce que ses désirs soient automatiquement satisfaits ;
  • exploite l'autre dans les relations interpersonnelles : utilise autrui pour parvenir à ses propres fins ( mensonges, chantages, violence verbale, etc.) ;
  • manque d'empathie : n'est pas disposé à reconnaître ou à partager les sentiments et les besoins d'autrui ;
  • envie souvent les autres, et croit que les autres l'envient ;
  • fait preuve d'attitudes et de comportements arrogants et hautains.
On notera que la belle Nabilla s’illustre particulièrement dans les neufs symptômes décrits ce qui est plutôt rare. C'est pourquoi, il n'est pas anormal d'entendre des commentaires selon lesquels "ce serait bien fait pour cette petite pute" ou encore "qu'elle l'a bien cherché cette salope". Les narcissiques sont en effet unanimement détestés. Et tandis que l'on peut trouver par exemple un hystérique touchante car l'on sent sa fragilité même derrière sa perversité, le narcissique ne bénéficie pas des mêmes circonstances atténuantes tant sa manière d'être "faible avec les forts et fort avec les faibles" semble répugnante à tous les gens normaux.

Évidemment on a pu trouver ça et là des gens pour la soutenir et même parvenir à être persuadé que la pauvre n'était qu'une victime et qu'il fallait que la justice soit clémente par exemple en la libérant immédiatement. De même que ses monstrueuses consœurs Paris Hilton ou encore Kim Kardashian, Nabilla a avant tout pour vocation d'exploiter les pauvres filles dépressives qui se projettent dans sa sinistre vie de poupée marketée. Il est donc normal que de tous les endroits glauques du pays touchés par la crise, des voix s'élèvent pour protester qu'on leur ait ôté leur idole, celle qui parvenait à leur faire croire qu'on pouvait se sortir de la médiocrité sans aucun travail pour parvenir au luxe et à la notoriété.

Pour autant, je ne souhaite pas charger la barque, laquelle est déjà bien pleine. Je veux juste me souvenir que, quelle que soit l'assurance dont elle tente de faire preuve dans tous les émissions débiles dans lesquelles elle apparait, Nabilla n'est finalement qu'une gamine de vingt-deux ans, une idiote mal éduquée, un pur produit d'un environnement duquel toute loi a disparu pour n'en laisser qu'une, celle édictée par L'Oréal : Parce que je le vaux bien. Je lui accorderai bien volontiers les circonstances atténuantes.

Je me doute que l'affaire sera correctionnalisée et qu'elle ne passera jamais aux Assises. Toutefois, je souhaiterais que la loi ne soit pas clémente envers Nabilla et qu'une peine de prison ferme soit prononcée. Il me semble que trois ans fermes, sachant qu'elle n'effectuera que la moitié de sa peine parce que nous sommes en France, serait la bienvenue. Non que je lui en veuille ou que je sois cruel mais parce que je pense que la manifestation de la loi, pour une fois dans sa vie, soit la meilleure chose qui puisse lui arriver. 

Je me doute bien que passer dix-huit mois en cellule ne soit pas une sinécure mais d'abord elle a poignardé son amant et ça n'est pas rien. Enfin, si la justice se montrait trop clémente, cédant encore aux manipulations de la jolie brune, je me doute de la tournure que prendrait la vie de Nabilla. Je suppose, et sans doute à raison, qu'après avoir détruit sa cloison nasale à coups de coke puis son utérus à coups de chlamydiae, elle se suicidera vers quarante ans, à moins qu'elle ne soit tuée au cours d'une soirée de débauche par un énième amant sociopathe.

Il est donc temps de grandir et la prison ferme y aide parfois. En leurs temps Valérie Subra comme Florence Rey sont passées par cette étape et il semble qu'elles n'aient plus fait parler d'elles et mènent maintenant des vies rangées.




11 novembre, 2014

Armistice et cérémonie personnelle !


Aujourd’hui c'est le 11 novembre, le jour où l'on commémore l'armistice de la première guerre mondiale. Souvenons-nous que Paul Valéry expliquait que la guerre, c'est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas.

Autant la seconde guerre mondiale ne m'a jamais passionné, autant la première me passionne. Allez savoir pourquoi ? Sans doute parce qu'elle est un trait d'union entre une époque révolue et la période moderne. Commencée avec nos pioupious habillés avec leur pantalon garance, elle s'achèvera par des combats de chars. Elle signe la fin de la belle époque, d'un monde digne des livres d'histoire pour inaugurer le monde moderne tel qu'on le connait avec l’avènement de l'Amérique.

Et puis comme mes gouts littéraires me portent plus vers Alain Fournier, Charles Péguy que vers les contemporains, il était bien normal que cette boucherie me passionne. Il faut dire aussi que ma grand-mère paternelle possédait tous les exemplaires du Miroir, un journal de guerre, reliés et que dès mon plus jeune âge, je me suis délecté à lire cette propagande macabre de guerre dans laquelle les boches étaient des salauds infanticides tandis que les français étaient nécessairement courageux.

Je remarque d'ailleurs que mourir pour la république est toujours la pire chose qui soit parce que celle-ci a tôt fait de vous oublier, une fois enterré avec les honneurs. C'est ainsi qu'à côté de la tombe de mon arrière-grand-père, est une tombe abandonnée qui risquait d'être reprise par la commune. On a beau parler de concession à perpétuité, dès qu'ils le peuvent les corbeaux communaux se ruent vers les vieilles pierres tombales moussues ou rouillées pour en flanquer les occupants dans une caisse en sapin à la fosse commune et relouer la place à des nouveaux !

Comme la plupart de ces vieilles sépultures, il s’agit d'une simple bordure de ciment dans laquelle sont scellés quatre poteaux de fonte supportant une chaîne faisant le tour de la tombe. La seule ornementation est une croix en métal ainsi qu'une plaque sans doute obligeamment fournie par la France sur laquelle figure deux drapeaux entrecroisés ainsi que le nom et le grade du type ayant perdu la vie à 21 ans en 1915 sans doute au cours de la bataille de l'Artois à moins que ce ne soit aux Eparges.

Le pauvre gars enterré là depuis bientôt cent ans n'avait évidemment plus personne pour fleurir sa tombe. Et bien entendu, bien qu'étant passé mille fois devant ce cénotaphe, je n'avais jamais pris garde qu'un poilu y était inhumé, la plaque émaillée étant passée depuis longtemps et les inscriptions difficiles à déchiffrer.

Mais comme c'était le onze novembre et que je me trouvais là par hasard, je me suis fendu d'une cérémonie personnelle consistant à redresser la croix, ce qui redonna à l'endroit une bien meilleure allure tandis qu'un coup de kleenex permettait de redonner quelque brillant à la plaque. Et comme le temps était encore clément et que la Toussaint avait eu lieu voici dix jours, les chrysanthèmes avaient bien résisté et encore fière allure. 

Ce qui me permit d'en piquer fort joli un sur une tombe voisine qui croulait sous les fleurs afin de le déposer sur la tombe de ce jeune gars. C'est mal et très vilain de piquer des fleurs mais l'occupant des lieux m'aura bien sur pardonné de lui avoir soustrait un pot parce que c'était pour une bonne cause. L'an prochain je le paierai de ma poche, c'est promis. En attendant c'est en socialiste occasionnel que je me suis permis cette redistribution d'une tombe qui en possédait trop vers une autre qui n'avait rien. Jaurès a du être fier de moi !


Les morts bougeaient. Les nerfs se tendaient dans la rainure des chairs pourries et un bras se levait lentement dans l’aube. Il restait là, dressant vers le ciel sa main noire tout épanouie ; les ventres trop gonflés éclataient et l’homme se tordait dans la terre, tremblant de toutes ses ficelles relâchées. Il reprenait une parcelle de vie. Il ondulait des épaules, comme à son habitude d’avant quand sa femme le reconnaissait au milieu des autres, à sa façon de marcher. Et les rats s’en allaient de lui. Mais, ça n’était plus son esprit de vie qui faisait onduler ses épaules, seulement la mécanique de la mort, et au bout d’un peu, il retombait immobile dans la boue. Alors les rats revenaient.
Jean Giono, Le grand troupeau

Relation thérapeutique, proximité et similarité !


Sur Facebook, dont je ne me sers que comme agrégateur de sites, je suis abonné à une page intitulée "Philippe Muray aurait adoré" dans laquelle des internautes divers partagent le contenu de documents divers allant dans le sens de ce que l'auteur prématurément disparu nommait le festivisme.

C'est ainsi que j'ai eu accès à cet article dans lequel une patiente homosexuelle semblait très choquée d'apprendre que sa psy avait participé à la Manif pour tous. Personnellement, je ne sens rien de vraiment choquant dans ce qu'évoque cette jeune femme même si parfois, le ressenti me semble bien sur outré. On peut avoir participé à La Manif pour tous sans être pour autant un homophobe patenté ou un néo-nazi. On peut ne pas être d'accord sur tous les sujets avec son patient et pour autant prodiguer une écoute et des conseils de qualité. D’ailleurs certains commentaires sous l'article font état de cela.

Je n'ai ici jamais caché ma détestation du socialisme et pourtant, si je discute avec un militant UMP, je comprends que l'on puisse être de gauche. Sans doute que ma qualité d'anarchiste de droite me permet de naviguer sur l'échiquier politique aisément de manière à bien m'entendre avec quantité de gens. J4ai souvent été pris pou un gauchiste par des gens de droite et vice-versa. C'est ainsi que venus de ce blog, j'ai eu des gens de gauche. Ils ne sont pas majoritaires mais ils sont su distinguer derrière mes mots plus de complexité qu'il n'y parait. Comme me disait Mlle J. voici deux semaines tandis que je me moquais gentiment d'elle en lui rappelant son gauchisme : "je sais que bien que de droite, vous êtes un brave type".

Comme me disait récemment J. une jeune femme de gauche que je reçois : "je sais que vous êtes de droite mais aussi un brave mec". C'est parfois suffisant pour aplanir les différences. De toute manière face aux patients je n'ai pas à faire état de mes idées. Et si les gens les devinent, c'est qu'au travers des mots et des idées, on sait finalement où penchent les gens.

Cependant, je comprends que s'agissant de la relation thérapeutique, trop de dissensions puisse nuire à la thérapie. Certes la thérapie repose sur une technique mais celle-ci s'oublie toujours au profit d'une relation particulière qui s'établit entre le psy et le patient. A Paris, nous sommes tous issus de Paris V, Paris VII ou Paris X et ce n'est pas pour autant que nous soyons tous des clones. Et heureusement.

A l'époque où je cherchais un analyste pour faire une psychanalyse jungienne, j'ai vu pas mal de confrères. Combien, je ne sais plus. Six ou sept sans doute. Je ne pense pas que ce soit les dissensions politiques qui aient beaucoup joué dans mon refus de persister avec la plupart d'entre eux mais l'absence de similarité. Un cabinet trop bien rangé, un rendez-vous où j'étais assis face au bureau derrière lequel trônait le psy,  un jargon incompréhensible tout comme une attitude trop réservée, me semblaient à l'époque incompatibles avec ce que je savais de moi.

C'est ainsi que lorsque je rencontrais le Dr C. psychiatre et psychanalyste, je sus qu'il était le bon. D'abord son cabinet ressemblait à mon bureau sauf que chez moi, il aurait fallu une fourche pour ranger tandis que chez lui, c'était au tractopelle qu'on aurait du recourir. Je n'aime pas les gens trop ordonnés, c'est un fait. De plus sur le divan, sur lequel jamais je ne me suis allongé, un Figaro trainait là oublié de la veille. J'étais chez un gars de droite classique. J'étais chez moi.

Ce brave psychiatre qui parait-il était fort connu du milieu restreint des analystes jungiens fut bien étonné lorsque je lui avouais que ce n'était pas pour la qualité de ses publications, que je n'avais jamais lues, que je l'avais choisi mais simplement parce qu'on m'avait donné l'adresse par hasard et que j'avais trouvé son cabinet accueillant tout en me sentant conforté par le fait que je n'aurais pas à faire à un con de gauchiste.

L’attraction interpersonnelle est un processus graduel étudié en psychologie sociale expliquant les affinités avec autrui. Elle constitue une étape importante dans l’établissement d’une relation interpersonnelle, et peut aboutir à des relations amicales ou amoureuses. L’évolution de ce processus est influencée par plusieurs facteurs, comme la proximité, l’apparence physique, la similarité ainsi que la complémentarité.


La similitude est un autre facteur intervenant dans l’attraction interpersonnelle. La proximité renforce la familiarité, qui, à son tour, permet à deux individus de découvrir leurs similitudes. Celles-ci viennent alors consolider les relations. Les psychologues sociaux ont tenté de comprendre pourquoi la similitude engendrait l’attraction. Avant tout, les similitudes entre individus permettraient d’entretenir des relations équilibrées avec autrui. Ainsi, une relation sera plus harmonieuse si les individus partagent les mêmes intérêts. De plus, le comportementalisme explique que si nous aimons les gens qui nous ressemblent c’est tout simplement parce qu’ils nous renforceraient dans ce que nous sommes.

D'autres expériences ont tenté d’évaluer les effets simultanés de l’attraction physique et des similitudes dans les caractéristiques personnelles et leurs résultats suggèrent la très grande importance des traits de personnalités, d’attitudes, physiques et biologiques. Les similarités influencent donc l'attraction personnelle. Peut-être que le transfert c'est aussi simple que cela.
De même la proximité permet aussi de créer des liens et c'est même peut-être la première des causes. On a pu démontrer que les individus choisissent leurs amis et leurs partenaires parmi ceux qui sont à proximité, autrement dit : accessibles physiquement. Ces études montrent au travers de leurs résultats, que c'est la proximité permet aux individus de se croiser et de parler davantage, créant des espaces pour développer des liens amicaux tout en abolissant les différences mineures.

La proximité est donc un autre facteur important à l’établissement d’une attraction interpersonnelle. Cette proximité physique augmente les possibilités d’interaction avec autrui et permet d’anticiper l’interaction via la formation d’a priori. Si ce dernier est positif, les relations avec autrui seront probablement plus harmonieuses.

C'est sans doute la raison pour laquelle, bien que je sois parfois véhément dans mes écrits, je peux recevoir, venus de ce blog, des gens assez différents de ce que je suis. Dans la mesure où chacun puise dans ce que j'écris ce qui lui convient, s'habitue à mes excès, à mes emportements mais aussi à mon humanité (mon côté brave gars), il est possible au fur et à mesure de la lecture de développer avec l'inconnu que je suis pourtant une proximité permettant de développer un sentiment de similarité.

C'est d'ailleurs ce qui me permet, les rares fois où l'on me reproche mes retard répétés, sérieusement ou en plaisantant, d'expliquer aux gens que je suis tel que je me montre sur le blog et qu'il était tout à fait délirant d'imaginer que dans la vie je puisse être un roi du contrôle vivant avec une horloge dans la tête. 

Bref, tout cela pour dire que proximité et similarité sont les mamelles de la relation thérapeutique, laquelle oserais-je dire étant la condition sine qua non d'une thérapie réussie. Et j'ai beau être plutôt habile pour ouvrir les portes fermées, quelles qu'elles soient, serrures perfectionnées nécessitant des doigts de fée ou portes de granges cédant à coups de pied, je dois avouer que trop de différences en termes de valeurs seraient sans doute un handicap.

Bref, de la même manière qu'un proverbe explique que l'on se marie dans sa rue, il est aussi nécessaire de choisir un psy avec qui l'on partage un certain nombre de valeurs.

07 novembre, 2014

Agenda !


Bon, c'est clair et net, je le sais depuis des années, j'en ai pris mon parti, je ne serai jamais le roi de l'organisation et ne développerai jamais de compétences particulières pour les tâches administratives. A mon âge, il est temps de connaitre ses limites : je ne serai jamais certifié ISO 9001. C'est ainsi et puis voilà.

Toute ma vie, j'ai rêvé d'être ordonné et ne l'ai jamais été. Qu'il s'agisse des impôts, des factures diverses, j'ai toujours tout fait à la dernière minute voire carrément en retard. On m'a parfois coupé l'électricité et le téléphone que j'avais oublié de payer. Je recevais le TIP et plutôt que de renvoyer le tout par la poste immédiatement, je me disais que j'avais le temps. Tellement de temps qu'ensuite,, je me retrouvais chez France Télécom ou à l'EDF en train de faire la queue avec les clodos et les indigents pour payer ma facture en souffrance par carte bleue.

Et puis je me suis marié et me suis retrouvé sous tutelle. On me dit de signer là, je le fais et hop, les tracasseries administratives cessent immédiatement. Tant et si bien que lorsque j'entends des patients se plaindre de leur mari ou copain en m'expliquant qu'il est complètement immature et n'assume aucune tâche administrative, j'opine du chef et me montre plein d'empathie. C'est vrai que cela doit parfois être pénible d'avoir un mec comme moi à la maison.

Je me dis que c'est génétique que j'étais fait pour chasser le mammouth et non pour m'occuper de la caverne, ça me rassure de m'identifier aux chasseurs. Dans les faits, non je ne chasse pas, je me contente de faire un peu ce qui me plait, de m'adonner à mes lubies et de collectionner uns avoir stupide sur des choses sans intérêt pour la plupart des gens. Quoique la dernière fois, j'ai été content de pouvoir parler d'akènes et de samares avec Chaton. C'est rare de pouvoir parler de ça.

Récemment encore je m'intéressais à l'harmiscara, une peine infamante que l'on rajoutait à celle prononcée envers quelqu'un qui avait trahi sa parole ou ses vœux. J'étais tombé la dessus en regardant la peine que l'on avait infligée à Cinq-Mars après que l'on eu découvert sa conspiration à l'encontre de Richelieu. Non seulement, on avait tranché la tête de ce type mais en plus on avait rasé son château "à hauteur d'infamie". J'avais trouvé le terme assez chouette et la pratique plutôt classieuse. Non seulement, on massacre le coupable mais en plus on ternit son nom en rasant sa demeure et éventuellement ses forêts. On ne rigolait pas sous l'ancien régime.

Malgré tout cela, j'étais assez fier d'avoir réussi à bien gérer mon agenda. Bon, ça fait un peu crétin de dire ça, un peu comme si j'écrivais que j'étais fier de savoir faire mes lacets tout seul. Mais n'empêche, un agenda c'est une petite tâche administrative et moi qui suis encore plus phobique de ces tâches là que ce brave Thévenoud, je pouvais ressentir une légitime fierté à l'idée de gérer mon petit Quo vadis, tout seul comme un grand.

Et puis jeudi dernier, tout a foutu le camp. Comme j'ai bonne mémoire, le matin je me disais que je devrais appeler M pour savoir si l'on n'avait pas rendez-vous parce qu'il me semblait que j'avais donné ce rendez-vous à Madame P, une nouvelle, un peu rapidement. Et au lieu d'envoyer un SMS de suite à M, je suis passé à autre chose, j'ai oublié et le soir venu, j'avais à la même heure M, qui faisait la gueule, et Madame P qui était un peu surprise. 

Bon comme je suis tchatcheur quand je veux, j'ai fait rentrer Madame P dans le cabinet et j'ai parlé à M tranquillement pour le calmer. Je l'ai collé juste après et j'ai décalé les rendez-vous suivants en prétextant une urgence. Bon quand je les ai vus les autres, je leur ai dit que j'avais pris deux rendez-vous en même temps comme un âne que je suis.

Alors comme j'avais déjà connu cela, je me suis dit que cette fois c'était fini et que j'allais définitivement devenir sérieux. Mais le mercredi suivant, ça recommençait. A l'heure dite, tandis que j'attendais J, j'ouvre la porte et je vois descendre quelqu'un qui s'était trompé d'étage. En voyant la paire d'escarpins descendre les marches pour arriver au palier du deuxième, je me dis que cela ne ressemble pas à J qui est plutôt roots. Et effectivement, c'est C qui se présente en m'assurant qu'on avait bien rendez-vous. Comme C est du genre plutôt hypra-controlante, si elle dit qu'on avait rendez-vous, c'est que c'est vrai même si je l'avais noté au mercredi suivant.

Fort heureusement, J m'a prévenu par SMS qu'elle aurait du retard et je réponds immédiatement de ne pas venir que je me suis planté. Manque de pot, elle sonne à cet instant. Je dévale donc les escaliers pour l'accueillir dans la cour et lui expliquer que je suis un âne bâté et que j'avais déjà un rendez-vous. Je lui propose toutes les options possibles mais peine perdue, elle a un emploi du temps trop important. Tant pis, on prend rendez-vous pour dans quinze jours et elle me pardonne. Je peux donc remonter voir C qui m'attend sagement au cabinet et qui rigole de mes prestations administratives.

Alors depuis je me suis appliqué une routine. Dès que je prends rendez-vous ou qu'on me déplace un rendez-vous, zou je sors le Quo vadis et je note IMMÉDIATEMENT ! C'est ma petite ISO 9001 à moi quoi et ça fonctionne de faire les choses en temps et en heure. Je suis content de moi. Certes je pourrais m'en vouloir à mort et me dire que ce n'est pas sérieux de ne pas réussir à gérer un agenda aussi simple que le mien. Mais bon, de toute manière ma clientèle me connait assez bien et même si je ne suis pas coutumier du genre, les gens se doutent bien qu'avec moi ce sont des choses possibles. On ne me consulte pas pour mes prestations organisationnelles.

Quant à moi, je me dis que je peux toujours progresser. C'est déjà ça. Pour le reste, on n'est pas non plus très nombreux en France à pouvoir parler d'akènes, de samares et d'harmiscara. Alors je me dis que si je suis un peu léger parfois sur l'oganisation, en revanche j'assure un max dans le domaine des connaissances inutiles en tous domaines. De toute manière, le désordre stimule la créativité. C'est un fait avéré et c'est pour ma créativité que l'on me paye. Pour la gestion d'agenda, voyez avec la CEGOS.

On ne peut pas être doué en tout !

"La vie crée l'ordre mais l'ordre ne crée pas la vie"
Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre