25 mai, 2012

Succès facile !

Image facile et prétentieuse pour illustrer l'article !

Dans mon job, ce n'est pas rose tous les jours parce qu'il y a les choupinets qui vous suce la moelle, mais parfois, j'ai "le cas" qui me permet d'enregistrer un succès facile sans rien faire ou presque. Le tour de passe-passe qui ne repose que sur le bon diagnostic rarement fait par les confrères sans que je comprenne pourquoi ils n'y pensent pas.

C'est encore arrivé cette semaine. Le type se pointe lessivé, ruiné, dans un état apocalyptique, c'est suicide J-1. Depuis des mois qu'il doit être comme cela, il s'est consumé de l'intérieur. On dirait une chandelle qui charbonne avant de s'éteindre. Putain, si je continue je vais finir poète moi !

Le tour de passe-passe s'effectue en trois parties. Tout d'abord il s'agit de faire le bon diagnostic. Et là, c'est simple. On observe une bonne grosse anxiété massive et quand on connait le cycle du stress, on s'aperçoit que le monsieur en est à la fin : la phase d'épuisement. Après c'est le suicide ou l'internement quand on a de la chance. Par contre, il ne faut pas confondre cela avec un trouble anxieux généralisé mais bien saisir que c'est le coeur du système qui est attaqué. Dans ce cas, c'est une belle dépression anxieuse dont il s'agit. La personne est totalement incapable de s'en sortir parce qu'en plus de l'anxiété qui lui fait redouter l'avenir, il y a en elle une certitude d'être nul et incapable de s'en sortir. Alors ce qui est chouette, c'est que dès que j'en suis sûr, je peux jouer le magicien et dire à la personne que je comprends que ce qu'elle vit est atroce mais poser un mot sur ses symptômes douloureux. Et je rajoute toujours que dans quelques temps on en rira tous les deux.Croyez-moi si vous dites tout cela d'un ton assuré, le patient commence à déstresser pour de bon !

Ensuite, la seconde étape c'est de décrire la personnalité du patient assis en face de moi. Le type cette semaine était ébahi que je connaisse tant de choses de lui alors que cela ne faisait que vingt minutes qu'il était dans le cabinet. C'est finalement simple parce qu'il existe un profil de candidat à la dépression anxieuse. Ce sont toujours des gens dans le contrôle, qui ne demandent jamais d'aide mais sont persuadés qu'ils pourront tout, tout le temps, tout seuls. Et vient un moment où la mule trop chargée, s'écroule sous son fardeau. 

Souvent intelligents mais dotés d'une très faible d'estime d'eux-mêmes ils ont un lieu de contrôle perturbé. Très souvent, ces individus viennent de familles perturbées où ils ont été le thérapeute, celui qui s'est donné la mission de soigner le parent défaillant et de garder la cohésion de la cellule familiale. Et je pourrais pérorer ainsi durant des heures sans jamais me planter tellement le profil est évident. Ces gens là finissent toujours dans la dépression anxieuse ou pour les plus frustres, ceux qui ne parviennent pas à exprimer leurs émotions, dans les troubles somatoformes. Mais ceux-là on ne les voit jamais, ils se soignent dans l'action en pensant que cela réglera les problèmes. Bref, je pourrais avec ce genre de patient, me la péter comme si j'étais un profileur de Esprits criminels alors qu'en fait, ce que je leurs dis ne sont que des faits qui s'inscrivent dans une psychodynamique connue.

Ensuite, une fois que la personne est accrochée, qu'elle a commencé à se calmer et à reprendre pieds, on passe à la phase trois et on fait le tour des généralistes qui sont dispos immédiatement. Et comme j'entretiens d'excellents liens avec les médecins avec qui je collabore, je finis toujours par en trouver un qui peut recevoir la personne. Et dans ce cas, je pourrais faire l'ordonnance moi-même parce que ce type de dépression répond toujours parfaitement bien aux IRSNA. Alors, je le dis toujours au téléphone quand je discute avec le médecin acceptant de recevoir le patient : "c'est pour une dépression anxieuse, il faudrait un coup de venlafaxine !". Bon enfin, c'est au médecin de faire son boulot et non à moi.

Parfois certains résistent en m'expliquant que les médicaments ce n'est pas tellement leur truc. Mais moi je m'insurge en leur expliquant que dans leur cas, c'est mon truc parce que eux et moi, ne sommes que de l'infanterie et qu'il nous fait de l'artillerie ! Je parviens toujours à les convaincre. Et au pire, je leur explique qu'ayant charge d'âme, ils sont libres de faire ce qu'ils veulent de leur vie mais que moi je ne les recevrai pas dans cet état parce que j'ai une obligation de moyens. Ils cèdent toujours et finissent dans le cabinet d'un médecin.

Moi comme j'ai fini mon show, je me contente de fixer un autre rendez-vous, soit la semaine d'après soit deux ou trois jours après selon mes disponibilités et là, je vois le changement radical qui s'est opéré. L'action de l'antidépresseur est sauf contre-indications, radicale ! On a l'impression qu'on leur a ouvert la boîte crânienne et qu'on leur a lavé le cerveau à grande eau. Les problèmes continuent mais l'anxiété massive a disparu et l'acuité intellectuelle est revenue.

On peut alors commencer le boulot, la thérapie proprement dite et de temps à autre, ils me disent "vous m'avez vraiment sauvé la vie". Et moi faussement modeste, je leurs réponds qu'il ne faut pas, que je n'ai rien fait du tout. Ce qui est vrai !

La dépression anxieuse, c'est la pire chose que l'on puisse vivre mais c'est le top pour un psy qui veut de la reconnaissance facilement !

20 mai, 2012

Statistiques !

Cela faisait un bail que je n'avais pas visualisé mes statistiques mais je suis content des résultats du mois derniers. Vous avez été près de 24 000 à venir me rendre visite. Merci à vous !

19 mai, 2012

Psy tout-terrain !


Le vendredi je déjeune toujours dans le même petit restaurant. Pour un prix ridicule on y mange très bien et on a l'impression à la longue d'être en famille. Et puis comme c'est un vrai lieu de convivialité comme on dit aujourd'hui, il y a une vraie solidarité. C'est l'endroit idéal pour demander une bonne adresse, qu'il s'agisse d'un plombier, d'un mécanicien, d'un bon notaire ou de tout un tas d'autres trucs très rigolos dont je ne parlerai pas ici. 

C'est un peu un reliquat de la France des années cinquante, un petit café-restaurant dans lequel on finirait presque par avoir son rond de serviette. On verrait s'asseoir Gabin que ça n'étonnerait personne. En plus,   comme je suis un homme d'habitudes je m'y sens très bien parce que c'est le seul endroit où l'on puisse me dire "Philippe je t'ai mis une milanaise" sans que j'aie besoin de commander ou que l'on n'ait besoin de me faire changer mes goûts. Je précise que la milanaise en question est une escalope et non une salope. Que les choses soient claires.

Bref à force d'y avoir ses habitudes, tout le monde connait tout le monde, on se rend service et on se démerde entre nous. Pensez-donc que j'ai pu obtenir l'adresse d'un excellent serrurier qui ne soit pas un de ces ouvreurs de portes et voleurs habituels qui vous fracassent une serrure pour deux-cents euros en échange de quoi, j'ai refilé l'adresse du meilleur généraliste du coin, et le tout de gré à gré sans l'immixtion de l'état, de ses collectivités ou établissements publics.

Le prix à payer, c'est qu'il faut plaire au patron, avoir l'esprit maison, c'est à dire ni se la péter ni au contraire être un pauvre clodo. C'est vrai que c'est un peu un milieu d'hommes où les gars jouent au poker, parient aux courses, parlent de gonzesses en termes peu élogieux, fument des clopes en se jurant d'arrêter l'an prochain et boivent sec en faisant des pauses pour se ménager. Et finalement si l'ambiance est parfois un peu frustre, les gens sont largement moins cons qu'il n'y parait. Vu la béhème du tôlier, on se dit qu'il n'est sans doute pas diplômé de l'IEP mais qu'il sait s'y prendre pour faire de l'oseille. C'est clanique et rigolo, on en est ou on n'en est pas. 

Moi bien sur, je ne vais pas y jouer la grande gueule, le fort des halles ou l'ouvraillon de base. Moi, je suis le mec qui a fait des études,  une sorte de docteur pour la tête. Et si je pense qu'ils détestent ma profession qu'ils jugent naze au regard de l'image qu'en donnent moult confrères à la télévision, ils m'aiment bien. J'emploie les mêmes codes qu'eux, je clope, je bois la tournée du patron et quand un pote surnommé l'ingénieur parce qu'il a fait l'X ramène son tord-boyau du pays, je vide mon verre comme un grand. Bref, je suis un peu l'intello mais l'intello correct qui ne méprise pas le bon peuple et possède les bons codes sociaux comme on dit dans les universités où ce qu'on apprend les mots savants.

Bien sur j'ai eu le droit aux tests à la con parce qu'on voulait savoir ce que j'avais dans le ventre. Pour eux, la psy ça doit être comme la plomberie : utile ! Alors il fallait faire mes preuves autrement qu'en bavassant et en alignant des concepts fumeux et inopérants. Ces mecs là, vous ne les séduisez pas avec de jolis mots mais avec des capacités; Ce n'est pas tant qu'ils détestent les intellos, c'est qu'ils ont vu trop de branleurs se payer de mots pour finalement se payer sur leur boulot pour les respecter totalement. 

Ainsi, alors que je passais régler la note, le patron lâche son comptoir et sa machine à PMU pour me demander carrément ce que je pense de lui et si je suis capable de deviner qui se dissimule derrière sa carapace de patron de bar. Comme j'adore profiler, je me suis exécuté et j'ai fait un sans fautes. Pour moi, cela ne consistait qu'à assembler en une histoire cohérente un maximum d'information verbales et comportementales que j'avais glanées mais pour lui c'était presque de la magie ou du moins la preuve pleine et entière que mon job n'était pas du vent mais du concret. Alors je suis devenu le psy.

Et comme je suis le psy parfois on me demande si je ne voudrais pas parler à untel ou untel. Et moi comme j'aime bien mon boulot et que la plupart de ces mecs sont plutôt touchants, je m'exécute. Je me suis retrouvé  une ou deux fois dans un coin à une table où on me paye le coup ou le café pour une séance express. En vingt minutes, je dois deviner ce qu'on me demande et filer un conseil avisé. Bien sur il ne s'agit pas de me faire une clientèle parce que ces gens là ne seront jamais des patients de psy, mais simplement de filer un coup de main utile, un truc qui leur permettra de relativiser ce qui les touche ou plus simplement de les inciter à parler à leur médecin parce qu'on a le droit d'être mal dans sa tête sans être pour autant pédé.

Dernièrement, on m'a demandé si je ne pourrais pas écouter une jeune femme qui avait de gros problèmes. J'ai dit que j'étais ok et comme j'y viens le vendredi, après que j'aie bouffé, on m'avait aménagé une table en terrasse avec café à volonté et j'ai écoute la femme en question. D'après ce que l'on m'avait raconté du cas, je savais que c'était une phobie, un truc relativement simple à traiter en cabinet mais plus difficilement à une table de rade de banlieue; 

Bon, j'avais le droit à l'hypersensible habituelle, la nana à qui on ne raconte pas n'importe quoi parce que sinon elle va monter dans les tours et se faire du mouron comme on disait dans l'ancien temps. J'ai un peu expliqué ce qu'était une phobie et comment ça fonctionnait. Je ne suis pas sur qu'elle m'ait totalement compris. La seule chose que j'ai pu lui assurer, c'est qu'alors qu'elle tremblait à l'idée de se suicider, je lui ai dit que ce ne serait pas le cas. Ça j'en étais sur. Elle m'a demandé si j'étais sur et certain et les yeux dans les yeux je lui ai dit que oui. Pour faire bonne mesure, je lui ai dit d'aller voir son généraliste et de se faire prescrire un petit ISRSNA. 

Sa phobie avait commencé avec la crainte d'avoir chopé le SIDA après avoir été blessée à son boulot. C'était venu comme cela parce que cela avait réactivé une peur ancienne due au fait que sa propre mère avait chopé une infection assez grave de cette manière. Et puis c'était passé à peu près et elle vivait correctement.

Mais voici quelques mois, une anxiété massive s'était ajoutée à cette phobie latente. C'était du à un médecin qu'elle avait vu pour son gosse âgé de 3/4 ans. Ce blaireau plutôt que de se taire et d'attendre  d'en être sur, lui a annoncé que son môme était certainement autiste. S'il y a bien un diagnostic ardu c'est bien celui d'autisme. Parce que la vision que l'on a de cette pathologie a tellement évolué qu'il est impossible de parler d'une seule forme d'autisme : on parlera plutôt de spectre autistique. Enfin parce qu'il serait même peut-être possible que l'autisme soit parfois une question de degré. Et puis plus qu'une maladie, l'autisme est une différence avant tout avec des tableaux cliniques variés qui n'engagent pas forcément un pronostic sombre pour l'enfant.

Ainsi moi qui vous parle et qui suis pourtant doté de toutes mes facultés, si on m'avait vu pré-adolescent les doigts plein de peinture comme un goret en train de tenter de faire une maquette d'avion, on aurait pu me juger autiste ou débile mental comme on disait méchamment à l'époque. Ben non, je ne le suis pas ou peut-être pas suffisamment en tout cas pour en souffrir. 

Je lui ai expliqué ce que je connaissais un peu de l'autisme à cette brave dame. Mais elle a tenu à me montrer son mouflet. Il dessinait assis à une table du bistro. Il avait une bonne tête. Quand je lui ai parlé il m'a regardé, il n'était pas très souriant et il s'est remis à dessiner. Bon c'est sur que côté contact social, il n'était pas champion; Et alors ? Il pouvait être né sous le signe du capricorne ou peut-être qu'il fera une école d'ingénieur. Si à chaque fois qu'on n'est pas super sociable, que l'on souffre de "déficit des interactions sociales", on devait se coltiner l'étiquette d'autisme ce serait une épidémie. Moi qui vous parle, je suis réservé mais pas timide et avant de lâcher, j'adore mettre au point mes petites équations pour savoir comment un environnement social fonctionne.

Alors comme j'étais surtout là pour la rassurer et non pour épiloguer, je lui ai dit que son fils était très mignon et que je ne le voyais pas autiste. Et puis je lui ai filé l'adresse d'un bon pédopsychiatre qui pourrait lui confirmer ce que je disais. Ça je n'en sais rien s'il confirmera mon diagnostic fait à l'arrache à une table de café ; je n'en ai aucune idée. En tout cas, ce que je sais c'est que c'est un praticien honnête et sympa et qu'il ne balancera pas un diagnostic dans la gueule de la mère comme ça. Déjà il s'appuiera sur des tests tels que des jeux, des examens neurologiques, un EEG, etc., et non sur une vague impression. Il édulcorera le diagnostic en fonction de données. Et puis il proposera quelque chose de concret, il ne la renverra pas dans ses pénates avec des angoisses.

Parce que bien souvent ce sont les parents qui se doutent d'un truc, qui voient bien que leur moutard est différent des autres. Et dans ce cas là, le diagnostic doit être annoncé aux parents de la manière la plus claire possible par des professionnels très expérimentés et non par un charlot de généraliste un peu hâtif. Comme c'est un diagnostic très douloureux pour les parents, il faut l'associer à une prise en charge du handicap de leur enfant en les associant pleinement à ce qui sera mis en oeuvre. On se doit aussi de veiller à prendre en charge l'anxiété bien naturelle des parents et à détecter une éventuelle fragilité.

Bref, on ne balance pas dans la gueule d'une mère super anxieuse que son morpion est sans doute autiste pour la raccompagner ensuite à la porte du cabinet sans rien proposer d'autre que d'attendre pour voir l'évolution des troubles. Bref, je n'ai pas fait grand chose d'autre que de l'écouter, la rassurer et lui refiler des adresses de pros efficaces et humains. J'aurais bien aimé faire plus mais en vingt minutes c'est difficile d'être efficace.

Mais c'est finalement marrant de trouver sa place avec la profession qui est la mienne au milieu de tous ces machos. A défaut d'avoir été d'une grande efficacité, ça prouve que je suis un bon clinicien tout-terrain.

17 mai, 2012

Les choupinets !

Parfois à l'intérieur d'eux-mêmes mes chers patients ressemblent un peu à cela !

Auparavant, j'avais environ deux tiers de patients pour un tiers de patients. Avec l'arrivée de personnes venues du blog, cela s'est équilibré. Me voici avec une patientèle masculine importante. Et croyez-moi, c'est la plus difficile, la plus compliquée à traiter. Et parmi les hommes, les pires sont sans conteste les "hommes sensibles", ces petits surdoués pour qui la thérapie va consister à leur apprendre à canaliser leur sensibilité et rien d'autre. 

Comme chacun le sait, l'homme peut tout, tout le temps, tout seul, alors lorsqu'il arrive dans mon cabinet, le patient est souvent une loque ; je suis un peu la dernière étape avant la case suicide. Certains ont même essayé le suicide sous une forme sociale au moyen d’addictions diverses, pensant tenir à distance leur problèmes.

Et généralement leurs problèmes, que sont-ils ? Souvent rien d'autre que de ne pas être ce qu'ils auraient rêvé d'être. Dotés d'une sensibilité hors du commun, plutôt que de la canaliser et d'en faire un atout, ils n'ont de cesse que soit de la mettre à distance en rêvant ainsi camper l'idéal masculin de la brute ou du justicier solitaire, soit au contraire de se noyer dedans au risque de devenir des petites filles assez agaçantes.

Et comme chaque fois que l'immaturité psycho-affective se manifeste, ils sont en plus orgueilleux, vaniteux et toujours prompts à jeter aux autres des défis qu'ils n'oseraient jamais relever eux-mêmes. Alors ils se pointent chez moi, m'exposent leurs soucis, leurs menus tracas et hop, à moi de me démerder. Un peu comme si j'avais une baguette magique et que d'un coup, d'un seul, je puisse changer leur vie sans qu'ils n'aient ne serait-ce qu'une simple prise de conscience à faire.

Leur idée de la thérapie, ce serait de se dire que puisque le monde ne leur convient pas, il suffit soit de changer le monde, soit de les changer eux-mêmes, comme si c'était la chose la plus simple du monde. Alors certes ils se pointent à l'heure, font acte de présence mais ne s'engagent pas, se contentant de rester un peu à distance de manière à ce qu'aucune alliance thérapeutique ne soit possible. Et ils reviennent, séance après séance et quand je leur demande comment ça va, on croirait presque que c'est avec un malin plaisir qu'ils me disent que cela ne va pas, un peu comme s'ils se refusaient de se rendre à l'évidence que c'est aussi à eux de faire la moitié du chemin, se contentant de tout attendre de moi.

Dans ces cas là, je reste calme parce que c'est mon métier mais je brûle parfois de leur gueuler dessus. Bon, comme c'est mon caractère, je dis un peu ma manière de penser mais je le laisse dans leur attitude adolescente de défi, en me disant que lorsqu'ils en auront plein le cul de souffrir, ils changeront d'eux-même. Le geôlier qui les condamne à rester isolés du monde, c'est eux-mêmes et non leur environnement. Ils sont intelligents et capables et bien souvent dotés de très fortes facilités, ils n'ont qu'à se bouger un peu; Il n'y a aucun contrat passé entre la vie et eux qui leur garantirait le succès. 

Et puis cette résistance dont il font preuve, leur épargne aussi une forme de vexation psychologique comme aurait dit le père Sigmund même si je ne donne pas à ce terme l'acception qu'il lui donnait. Mais c'est vrai que collaborer avec moi, ce serait sortir d'eux-même et admettre qu'ils ne sont pas les souverains absolus en eux-mêmes et qu'il leur faudra composer avec autrui et le réel. Et comme je me dois aussi de m'interroger sur ma propre démarche, je me remets en cause, je me dis qu'il faut encore essayer de telle ou telle autre manière jusqu'à ce que j'y arrive à nouer cette putain de relation thérapeutique. C'est d'autant plus rageant que ce sont plutôt des cas faciles, même si finalement l'orgueil infantile rend démesurément difficile une tâche apparemment simple.

D'ailleurs pour les deux auxquels je pense, il y a eu depuis quelques mois des modifications très substantielles de leurs vies, c'est indéniable et quantifiable. Mais manifestement ce n'est pas assez. Le facteur temps les emmerde prodigieusement, ils voudraient que ça aille vite, très vite comme si ma mission était de les rendre opérationnels rapidement, en quelques semaines, alors qu'ils échouent chez moi après pas mal d'années d'errance. 

Le pire, c'est que malgré leurs plaintes répétées, ils n'ont rien, du moins rien de vraiment grave mais plutôt quelque chose de bénin qui prend des proportions délirantes. Il s'agit tout au plus d'une sorte de réglage à faire entre leurs espérances et la réalité. D'ailleurs, comme je les connais bien, cela m'arrive de prendre un café avec eux en terrasse et là j'observe toujours un changement. Ils sont plus gais, plus légers et ils rigolent; Mais si j'ai le malheur de leur faire remarquer que manifestement ils se réservent uniquement le droit de faire la gueule dans mon cabinet, alors là pris sur le fait, ils m'expliquent qu'en fait ils font exprès à l'extérieur de se sentir légers pour ne pas accabler les autres avec leurs tourments. 

Et bien justement c'est cela la clé du succès, parvenir à se mentir à soi-même pour se dire que la vie est belle et qu'elle vaut la peine d'être vécue. Seuls ceux qui sont capables de se faire du cinéma et d'y croire sont heureux, la lucidité tue. C'est un patient venu de Lyon qui me disait cela voici quelques mois, qu'il n'arrivait pas à être heureux parce qu'il n'arrivait pas à se mentir à lui-même et à trouver des sources de félicité là où d'après lui il n'y avait aucune raison de se réjouir. J'avais bien aimé cette idée de cinéma mental que l'on se ferait et dans lequel on serait son propre petit héros.

On aurait tellement de raisons de se plaindre dans la vie, qu'il faut parfois être un peu ferme et se dire "ta gueule ça suffit de "chouiner". Ce qui flingue c'est d'avancer dans la vie avec un style dichotomique qui consiste à voir la vie en blanc et noir, comme s'il n'y avait que deux possibilités : parfait et nul. C'est le meilleur moyen de se vautrer dans la dépression au long cours. Perpétuellement déçus d'eux-mêmes, des autres et de la vie en général, mes chers petits patients montent et descendent au gré des flots, une fois en haut puis une fois en bas, un jour plein d'espoir et le lendemain remplis d'amertumes.

C'est ce que Albert Ellis avait répondu quand on lui avait demandé pourquoi les gens allaient mal : parce qu'ils sont trop exigeants vis à vis d'eux-mêmes et/ou trop exigeants vis à vis des autres et/ou trop exigeants vis à vis des circonstances. Les causes sont simples et les remèdes aussi; Le remède est d'ailleurs tellement simple que les gens cherchent toujours midi à quatorze heures en imaginant une sorte de remède miracle qui le sauvera. La première étape serait de cesser de se regarder le nombril, ensuite d'apprendre à se dire "ta gueule tu verras bien" puis enfin de constater après coup les changements opérés pour voir que la vie n'est pas si moche et que l'on a rarement de vraies raisons de se plaindre. C'est un truc qui marche.

Et finalement, ce que moi j'ai à leur vendre tient en peu de choses. Les TCC sont issues pour leur soubassement philosophique de la philosophie stoïcienne. C'est simple finalement de se dire à chaque fois qu'il y a ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas pour faire attention à ne jamais faire dépendre de soi ce qui n'en dépend pas au risque de devenir fou ou frustré à en mourir. Moi aussi, il m'arrive de ne pas y faire attention, de me foutre en colère alors que je ne devrais pas, ou de me sentir frustré et aigri parce que les choses ne se passent pas comme je le voudrais. 

Cela m'est arrivé ce weekend envers une amie, pour des broutilles sans aucune importance, sans doute parce que ma terrible volonté devait plier devant la réalité et que c'était une atteinte intolérable à mon immense orgueil. Je m'en suis voulu, non que  j'aie eu tort dans le fond, mais simplement parce que je me suis trouvé ridicule de devenir l'esclave de mes émotions alors que la voie à suivre est toute autre, comme je l'aurais conseillé à un patient. Parce que comme disait Sénèque, la colère est une avalanche qui se brise sur ce qu'elle brise et qu'elle n'amène rien. Faut-il être con pour être né sous le signe du temps et donner dans la colère stérile et puérile. Bref, le changement chez moi c'est que ces états ne durent jamais. Non que je sois un saint ou un surhomme, loin de là, mais simplement que je fasse mes petits exercices cognitifs pour canaliser ma putain de sensibilité et ne pas me muer en petite fille hystérique. Je crois que je n'atteindrai jamais le stade du sage qui accepte tout sans s'émouvoir, l'ataraxie sera un voeu pieux pour moi, un horizon insurpassable. Je serai toujours sujet aux sorties de route mais je sais que je saurai toujours éviter de me planter dans le bas côté ; question de caractère car on ne change jamais.

D'abord, il s'agit de repérer ces émotions négatives qui vous envahissent, puis de les bloquer en se disant "stop ça suffit" et enfin de trouver des pensées alternatives. Parfois, les pensées alternatives ne sont pas fameuses, elles consistent juste à se dire que c'est peut-être pas terrible mais que cela aurait pu être encore pire. Bref, loin de moi l'idée de jouer les apprentis philosophes mais la vie c'est aussi cela, des moments pas terribles qu'on s'avale parce qu'on ne peut pas faire autrement; Alors on fait contre mauvaise fortune bon coeur en se disant "après la pluie le beau temps".

Je n'ai absolument aucun secret si ce n'est celui de perdre l'illusion que l'on est maître chez soi alors que son humeur dépend de tant de causes variables dues à l'environnement. On peut tout au plus être assez maître de ses émotions en tâchant de tisser un bon dialogue avec soi-même, en rentrant en soi, en se parlant et en agissant comme notre propre thérapeute. On se répète les choses, comme des mantras, comme Marc-Aurèle le faisait le soir dans sa tente en écrivant ses pensées pour lui-même. C'est le prix à payer pour se constituer une citadelle intérieure et encore parfois les murailles en sont peu épaisses.

Bref, savoir dire stop, se remettre en cause même violemment, cesser de voir la vie en blanc ou en noire et prendre patience, voilà les secrets de la TCC et c'est bien mince. C'est vrai que la bonne vieille psychanalyse offrait aux patients des explications plus complexes et séduisantes avec tout un tas de possibilités de se trouver de bonnes excuses. Mais bon, je ne suis pas vendeur de faux espoirs et je crois qu'aller bien est une chose facile finalement.

« Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles.  »


Seneque

09 mai, 2012

Normal et pathologique !

Photo de gens normaux s'éclatant en tapotant sur un portable et en lisant des comptes.

A me lire, on doit avoir l'impression que je ne fréquente que des gens curieux et plus ou moins bien insérés socialement, des quasi-phénomènes de foire qui ne dépareraient pas dans Freaks. C'est ainsi que le Gringeot, culturiste débonnaire qui peut autant vous vanter les mérites des prostituées sud-américaines que vous faire un cours de physique, voisine avec GCM, l'échassier taciturne qui ne s'anime que pour affirmer que Apple c'est mal, Chico, le notaire au physique de Gypsy king, ou encore Lapinou, le petit socialiste riche, Phil l'ancien pilote de chasse au comportement un peu autistique, Bruno l'archi qui juge que tout ce qui n'est ni cubique ni grisâtre est laid, et bien sur la petite Laurence étrange petite femme discrète qui observe tout cela de ses grand yeux gris. Et encore je ne vous fais pas la liste complète parce que je pourrais en écrire des pages tellement mes fréquentations sont étranges. 

Je n'ai pas un ami qui soit normal, qui soit par exemple capable de devenir militant UMP ou PS, ou bien qui ait la tête d'un parent d'élève, de ceux que l'on croise quand on va chercher ses mômes à l'école, tout propres sur eux au volant des Renault Scénic mais à qui on ne trouve rien à dire tellement ils semblent chiants.  D'ailleurs lorsque j'organise des soirées, les gens trop normaux, trop insérés, trop tièdes, répondant à tous les critères de la bienséance la plus parfaite, ne reviennent jamais. Les gens normaux ne se plaisent pas.

Et comme j'ai une profession un peu hors-normes qui m'amène à fréquenter des gens un peu hors-normes toute la journée, je finis par me trouver complètement désocialisé, à un tel point que sitôt sorti du milieu étrange que je fréquente, je deviens moi-même une sorte de freak. Ma normalité n'est plus la leur. Si je voulais me la péter vraiment, je dirais que j'ai un peu la même impression lorsque je suis reçu chez des gens désespérément normaux d'être comme un poilu de 14-18 ou un vétéran du Vietnam qui reprend des habitudes de civils après avoir pataugé dans la tripaille et avoir eu le son des explosion comme musique quotidienne.

A tel point que voici quelques mois, mon épouse et moi fument invités chez un couple de gens tout à fait bien exerçant une profession réglementée et prestigieuse, qui voyaient en nous, des gens bien et de leur niveau, totalement fréquentables et capables de s'assimiler à leurs amis. Comme j'adore "profiler" les gens, j'ai su au bout de dix minutes qui était qui et je ne les ai pas trouvés très intéressants. Bâtis en lignes droite, plein d'idées préconçues sur tout, faussement cultivés, dotés d'un humour convenu et pénible, je les ai trouvé très cuistres et je me demandais déjà comment j'allais occuper les quelques heures que je devrais passer là.

Un grand m'a semblé très "têtes-à-claques" et nous avons eu une demie heure à peine après avoir été présentés une petite passe d'arme. D'abord c'est lui qui a commencé parce que moi je n'attaque jamais, je suis bien meilleur en défense. Il avait du me prendre pour un gros boeuf inoffensif et mal lui en a pris. Ce crétin a osé parler de poules et croyez-moi, à moins d'être velu sur le sujet, mieux vaut ne pas venir me chercher sur l'aviculture. Je crois que cela l'a étonné que je sois aussi combatif sur un sujet qui n'en valait pas la peine. Mais bon, entendre dire que les pattes de poules ont toujours quatre doigts, trois devant et un ergot, cela me fait bondir. C'est une manière de mépriser la Houdan et la Faverolles qui sont des poules ayant cinq doigts, quatre devant et un ergot. 

Alors le mec a pris tarif comme dirait Lapinou. Il voulait jouer le beau et pérorer comme s'il était face à un aréopage de béotiens mais que dalle, j'étais là, embusqué avec mon FRF2 et il est passé dans ma ligne de mire. Paf, mon index a appuyer sur la queue de détente et il s'est pris une 7,62 OTAN dans sa grosse face. Si je mets ces précisions guerrières c'est pour intéresser mon patient ex-geek devenu chien de guerre dont je parlais ici. Bref, je ne suis pas toujours super socialisé mais il ne faut pas me prendre pour un con, je peux parfois suprendre les gens. Je connais même le système circulatoire d'une abeille, c'est vous dire si j'en connais des tas de trucs. De toute manière ce mec roulait dans une voiture hybride alors je ne l'aimais pas dès le départ.

Bon, le gros con ayant été calmé la soirée s'est continuée. De temps à autre, mon épouse et moi nous jetions des coups d'oeil en rigolant l'air de nous demander ce que nous faisons dans cette galère. Mais bon, contre mauvaise fortune bon coeur, comme on dit, alors on a été bien gentils et polis et on a honoré du mieux possible cette obligation quasi-diplomatique. Ainsi, à chaque chaque vanne nulle, je faisais le sourire entendu de celui qui la trouve bien bonne celle-là. A chaque pensée tiède et convenue, j'opinais vigoureusement du chef pour montrer mon adhésion totale à ce qui se disait. Bref comme diraient les djeuns, si cela se dit encore, j'étais dans le mouv'

Et puis, ma voisine de table qui était aussi la maîtresse de maison, se souvenant de ses obligations, à mois qu'elle n'ait voulu me mettre en valeur, décida de me demander ce que j'aimais faire dans la vie quand je ne travaillais pas. Et là, voici que malgré tous les efforts pour me montrer inséré se sont écroulés. Ma freakitude est revenue en force parce que voilà bien une question à la con à laquelle je ne saurais pas répondre. Parce qu'à vrai dire, je fais des tas de trucs sans faire un truc en particulier et que dans ce bas monde, il semblerait qu'il faille avoir une passion ou deux à la rigueur. Et que de toute manière, je suis complètement dépourvu de rigueur.

Alors comme on aiderait le moins doué de la classe, l'élève laborieux à réciter sa poésie en mimant les mots, la maîtresse de maison m'a demandé si par exemple j'allais au cinéma. Ben non, je déteste le cinéma en fait. C'est sympa de regarder un film mais je vais au cinéma tous les trois ans environ, pas plus. Et puis, ça ne me viendrait pas l'idée de payer pour un film français que j'ai déjà financé via le CNC. En plus, je ne regarde que des conneries de toute manière. Ceci dit, je suppose que tout le monde regarde les mêmes que moi, sauf que dans certaines soirées il restera toujours de bon ton de dire que l'on a assisté avec ravissement à une rétrospective du cinéma Ouzbek. 

Cherchant vraiment à me mettre en valeur en voulait à tout prix prouver à ses amis que je n'étais pas qu'un spécialiste en aviculture et donc un gros plouc, la maîtresse de maison a alors continué en me parlant de théâtre. Or manque de pot, je déteste le théâtre. Et s'il ne me déplaît pas de lire une pièce, j'ai toujours souffert en regardant des cabots s’époumoner sur une scène. Je pense que le théâtre est une goinfrerie pour croquants, une survivance de temps anciens où les gens étaient moins exigeants en termes de passe-temps. 

Ensuite, j'ai eu le droit au sport ! Le sport ? Le dernier qui m'en a vu faire doit être mon prof d'EPS en terminale. D'ailleurs quand j'ai appris que Laurence était devenue juge de gym, c'est tout juste si je ne lui ai pas jetée de l'eau bénite à la figure. quel sadisme de noter des enfants qui torturent leur corps au delà du raisonnable en négligeant leurs études. Si encore ils gagnaient du blé comme les footeux, mais que dalle, en gym on ne gagne rien sauf peut-être un peu de fric pour du sponsoring pour des marques inconnues du grand public et encore je ne pourrais l'affirmer. Heureusement qu'elle renonce pour l'an prochain, sinon j'étais capable d'appeler un exorciste ou de l'emmener à Lourdes.

Et la litanie a continué, j'ai eu le droit aux randonnées à pieds ou en VTT en montagne. Franchement me peler le jonc à cent sous de l'heure pour aller mater des marmottes que je peux voir sur Youtube sans suer sang et eau, quel intérêt ? L'air pur ? Si c'était aussi bien que ça, tous les provinciaux ne délaisseraient pas leurs verts pâturages ou leurs sommets enneigés pour rappliquer à Paris.

J'ai bien un peu tenté la musique parce que je me défends en piano mais là aussi j'ai été pris d'une sourde angoisse en pensant à la basse. J'ai cinq basses électriques et je ne sais pas jouer correctement une ligne de basse tout simplement parce je que renâcle devant l'effort ; je m'imaginais devenir Entwistle tout de suite et  j'ai compris que sortir des sons étaient plus difficile que prévus. Depuis je ne lâche pas l'affaire dans ma tête mais les basses prennent la poussière. En revanche, je suis imbattable sur les marques et les micros, un peu comme un turfiste qui connaîtrait tous les canassons sans même avoir fait un tour de manège sur une rosse de sa vie.

Dans ma tête tournait la chanson Bidon de Souchon qui passait quand j'étais petit. Si je n'avais pas eu un bon narcissisme, je crois qu'à ce moment là, constatant le fossé qui me séparait d'eux, l'incroyable anormalité dont je faisais l'éclatante démonstration, je me serais écroulé à genoux devant cette femme en la suppliant de me pardonner et en lui promettant à l'avenir d'être sérieux, de m'inscrire à un sport, de ne plus être un gros dilettante, de vendre ma Visa pour m'acheter une voiture normale et de cesser illico de me soumettre à mes lubies grotesques dont je ne peux même pas parler en société.

Je ne suis évidemment pas tombé à genoux, j'ai juste enduré le regard curieux que posait la maîtresse de maison sur moi, une sorte d'interrogation signifiant que dans sa tête elle ne savait pas où me classer, soit dans la catégorie des gros connards soit dans celle des originaux. Que vouliez-vous que je dise de toute manière ? Grillé comme je l'étais, c'était mort pour moi, je sortais du jeu comme un concurrent chassé de Koh Lantah à qui l'on éteint sa torche. 

J'aurais pu défendre ma cause en expliquant que si j'avais peut-être l'air d'un crétin je n'en étais pas un parce qu'en fait je m'intéressais à des tas de trucs par ailleurs, cela n'aurait pas suffit. Parce que pour les gens, un mec bien (ou une femme bien), ça possède une ou deux passions que ça approfondit, ça ne va pas de droite et de gauche en amassant des connaissances aussi hétéroclites qu'inutiles. Et puis si vous ne faites ni sport, ni activité culturelle reconnue, vous êtes de toute manière mort. Parce qu'il est de bon ton de tâter encore d'un sport à quarante balais passés et de se faire chier dans un théâtre pour être dans la norme. 

Pourtant, au cours de la soirée, pas mal de sujets échangés m'auraient permis de tirer mon épingle du jeu et de m'assurer un vrai succès mais à quel prix ! Le prix à payer aurait été de passer pour l'emmerdeur, l'empêcheur de tourner en rond, le sale con qui ne comprend pas que dans une soirée de ce type, il faut avant tout ne rien dire d'important mais se contenter d'être d'accord, d'être mainstream. Et pourtant, je les ai écoutés sortir des lieux communs, des conneries énormes, des contrevérités et j'en passe, mais ils étaient tellement contents d'eux-mêmes que c'eut été monstrueux d'apporter le débat. Alors je me suis tu, passant malgré moi pour une sorte de plouc qui n'avait pas sa place.

Tout cela pour en arriver ou me direz-vous ? Tout simplement au fait que ce que j'ai vécu, bon nombre de mes chers patients l'ont vécu. J'ai ressenti les émotions négatives autour de moi et je m'en suis foutu. C'était comme ça. Je savais que compte-tenu de ce que je suis, accepter ce genre de soirée c'était courir à la catastrophe. Qu'au mieux, je serais aimable, poli, courtois et gentil mais qu'une fois parti, on se demanderait encore qui j'étais et surtout si j'étais vraiment normal. Et alors ? je jouis suffisamment de la vie quand je suis perdu dans mes lubies pour endurer l'espace d'une soirée l'inconfort provoqué par des cuistres pour qui j'étais sans doute moi-même un autre cuistre. Affaire de normalité et rien d'autre.

Cette notion de « normalité » est prééminente en psychopathologie mais peut devenir dangereuse dans certaines circonstances ou époques. L’histoire internationale est riche de crimes commis au nom d'une pseudo-normalité. La notion de normalité n’est pas neutre mais il n'en existe pas de notion simple. La question de la norme et du normal renvoie soit à des statistiques, soit à des règles, soit à des normes ou encore à un idéal.

La normalité statistique décrit comme normales les conduites de la majorité des individus ; c'est une sorte de moyenne observée dans une population donnée présentant nécessairement des conduites hétérogènes. La  normalité concerne donc la majorité d'une population donnée tandis que le pathologique renverrait aux extrémités. Cette définition n'est pas sans danger car on a pu voir au fil des siècles des comportement anormaux statistiquement être admis comme étant une variable de la normale.

La normalité idéale serait la perfection à laquelle l’idéal collectif adhère. La normalité est donc alors une sorte d'absolu inatteignable qui fait que plus l'on s'en rapproche, plus on serait normal. C'est aussi mélanger normalité et conformisme social. On peut donc, selon cette définition de la normalité être un parfait crétin soumis au conformisme social et normal.

La normalité fonctionnelle serait plus intéressante puisqu'elle ne compare pas l'individu aux autres mais à lui-même. Le normal est alors le fonctionnement optimum pour l'individu au regard de ses caractéristiques psychologiques propres.  C'est ainsi que l'on n'aura plus idée par exemple de soumettre un trisomique à un entrainement destiné à le rendre normal mais simplement à développer ses capacités au regard de son handicap. La normalité est donc posée par rapport à ce qu'un individu peut exploiter en lui en dépit de contraintes inhérentes à sa nature humaine.

Ainsi, Bergeret considère que l’individu « bien portant », n’est ni l’individu qui se proclame bien portant ni le malade qui s’ignore. Le « bien portant » est :
– un individu qui n’a pas rencontré de difficultés supérieures à ses facultés
affectives, adaptatives et défensives,
– un individu conservant des fixations conflictuelles comme tant d’autres,
– un individu qui se permet un espace de jeu psychologique.

Bref si au cours de cette soirée mémorable, je fus anormal au regard de la norme statistique issue de l'observation des comportements des autres convives, je suis heureux de savoir et d'être sur, qu'au regard de ce qu'en dit Bergeret, je fus à mes yeux parfaitement normal.

Les poules de race Houdan et Faverolles ont cinq doigts aux pattes ce qui les rendent anormales au regard de l'échantillon "poules" mais totalement normales au regard des caractéristiques de leurs races respectives. Pour ma part, j'ai parfois un petit vélo dans la tête, ce qui me rend anormal au regard d'une majorité d'individus mais totalement apte à fonctionner avec les gens qui comme moi ont ce petit vélo dans la tête. Et puis je suis poli et gentil avec les gens ce qui me rend socialement acceptable.

Peut-être que la normalité c'est s'accepter en refusant qu'on nous impose certaines idées tout en acceptant de ne pas imposer nos propres idées. Je suis donc peut-être un peu con, mais assurément un brave con qui n'emmerde personne. 

07 mai, 2012

Dans le cul !


Bon c'est vrai que je suis un des rares mecs de droite à bien m'entendre avec les gauchistes. Je n'y peux rien, ils sont globalement bien plus sympas que les droitards du moins ceux que j'ai pu rencontrer. Ainsi tout à l'heure, je suis allé voter. J'arrive à mon bureau et voici que tous les rouges viennent me saluer, on fume une clope, on papote, on déconne gentiment et puis voilà. Et pendant ce temps là, les droitards gourmés et compassés comme ils savent l'être, ne sachant pas occuper le terrain, se contentent de voter comme des voleurs, subrepticement, le regard baissé, en désertant les lieux rapidement, comme s'ils allaient au bordel.

Et puis il y a le fait que traîner et papoter, ce soit sans doute vu comme un acte stupide et vain, comme de bavarder à une terrasse de café, cela ne se fait pas. Et le droitard s'emploie à ne pas faire d'actes gratuits, qui iraient à l'encontre du minutieux usage de son temps mais aussi qui pourrait le mettre en défaut vis à vis de l'image qu'il veut donner de lui, celle de quelqu'un de précis et d'affairé.

Car le droitard souffre un peu du complexe du larbin, comme un majordome qui à force de servir les grands de ce monde en serait à venu à s'identifier à eux. Il se croit riche et puissant et il en adopte alors les traits qui lui semblent le plus caractériser ces nantis. Le droitard est malheureusement au puissant ce que le snob est à l'aristocrate  : une outre pleine de pets. Tandis que le snob que tout le monde connait confond préciosité confinant au ridicule et parfaite éducation, le droitard confond morgue et puissance. Bref, le droitard est un parvenu et il aime le montrer. 

Ainsi lorsque je suis allé cet après-midi, j'ai mis comme convenu deux bulletins de vote Sarkozy et Hollande dans l'enveloppe, les deux agrémentés de petites plaisanteries de bon goût. Au début, j'avais songé à écrire sur le bulletin Hollande "Lapinou le socialiste suce des bites au 06 .. .. .. .." et puis j'ai renoncé au dernier moment pour mettre un commentaire plus sérieux. Bref, j'ai voté nul et je me sens en partie responsable de la défaite de notre bon Nicolas. C'est d'ailleurs la première fois de ma vie que je ne regarde pas une soirée électorale sur TF1. Cette année, je m'en tapais totalement. Je remercie d'ailleurs mon confrère H16 de m'avoir aidé à faire passer la pilule grâce à son excellent billet.

En revanche, Olive, mon ami qui est très riche et roule en Ferrari (entre autres parce qu'il a plein de voitures de riches) m'avait donné une procuration afin qu'il puisse voter Sarkozy. Je suppose qu'il était en vacances dans quelque paradis tropical que les gens comme moi se contentent de regarder sur la belle photo du calendrier de la Poste !

Alors, voici que je me pointe dans un autre bureau de vote, nanti de ma procuration, de sa carte d'électeur, de la mienne et de ma C.N.I. Et zou, j'entre dans l'isoloir, je glisse un bulletin Sarko dans la petite enveloppe bleue et je me présente devant l'urne où officie une sorte de conasse en tailleur pantalon que je crois connaitre mais dont je ne me rappelle plus le nom. Comme c'est le vikène, je ne suis pas rasé et un peu sapé comme l'as de pique mais propre quand même hein, faut pas déconner ! Et là, je dois affronter le regard vaguement méprisant de l'officiante qui me regarde à peine, persuadé en une seconde à peine que je suis un traîne-patin, une sorte de semi-clodo émargeant au RSA venu voter Hollande pour bénéficier d'encore plus de subventions prises dans les poches des riches.

Putain, comme je suis du genre emporté, je suis à deux doigts de me mettre en colère. En une seconde, j'ai évalué sa tenue, ses bijoux un peu toc, son tailleur de confection et ses chaussures moyen-de-gamme; Et là, j'ai envie de lui hurler : "putain salope tu vas me témoigner un peu de respect non ? Je viens représenter un pote qui est suffisamment riche pour t'acheter toi, ton mari, tes gosses, ta maison, tes crédits et même l'air que tu respires alors putain ne joue pas les divas pauvre conne !" Mais bon, je n'ai rien dit de tel parce que cela ne se fait pas, parce que je ne suis pas méchant et surtout parce que j'ai trop lu le père Epictète pour me laisser ainsi aller. Et puis Olive n'est pas aussi riche que cela sauf sur mon blog parce que j'aime bien caricaturer les gens. A la limite j'aurais peut-être pu dire que je m'appelais Lapinou (en citant son vrai nom) et que je suçais des bites au 06 .. .. .. .. ! Elle aurait été outrée et j'aurais fait d'une pierre deux coups en ternissant la réputation d'un jeune socialiste.

Comme je témoignais de ma mésaventure auprès d'un pote venu voter au même moment que moi, il m'expliqua qui était cette femme. Et effectivement à défaut de l'avoir vraiment connue, je pense me souvenir de son père, un brave artisan qui était venu souvent bosser chez le mien (mon père par mon artisan). Je me souviens encore de la reconnaissance qu'il affichait sur sa bonne face lorsque mon père bon prince, lui servait un apéro. Ce n'était pas tous les jours qu'on le recevait aussi gentiment dans les bonnes maisons. Et voici que sa fille, un peu montée en grade à une époque ou n'importe quel âne bâté peut obtenir un mastère, joue maintenant les princesses du tertiaire.

Bref, le droitard est un connard qui chie du coco sans s'en rendre compte. A ce petit jeu, il est encore plus performant que Mélenchon pour convaincre n'importe qui de se détourner de la droite. Parce qu'il est complexé de ses origines, trop modestes pour les accepter, mais aussi frustré que ses ambitions ne soient jamais assouvies car il ne sera jamais calife à la place du calife, le droitard opte pour une stratégie d'adaptation outrée consistant à refouler les émotions pour les remplacer par des arguments économico-sociétaux qui masquent mal son mal-être.

Bref, je ne regrette pas ce soir d'avoir envoyé l'UMP au carton avec son cortège de NKM, Morano et autre Bertrand. Parce que j'ai le souvenir que la droite de quand j'étais petit, ce n'était pas ça, c'était un truc pour les gens qui avaient de vraies valeurs comme le travail, le mérite et la réussite personnelle et rien d'autre. Ca pouvait être grande gueule, un peu macho, mais ça refusait jamais de taper la discussion avec le populo. Pas comme ces droitards américanisés à outrance, dans ce que les USA proposent de pire, qui se préoccupent plus de faire chier le prolo en lui interdisant de boire un coup, de fumer sa clope et en l'incitant à manger des fruits et des légumes.

Depuis que cette bande de cons se frotte d'économie et de sujets sociétaux, on a vu apparaître cette nouvelle race qui se croit plus intelligente en imaginant que les problèmes sont bien plus complexes qu'ils ne sont en réalité. Alors ça parle, ça refait le monde, ça reste ancré à droite de manière caricaturale en favorisant la cupidité mais ça surfe beaucoup à gauche en imitant ce qu'il y a de plus vain chez les intellos. Bref, alliance de la carpe et du lapin, cette droite là ne pouvait que perdre.

Un jour d'hiver tandis que je fumais ma clope à la terrasse non chauffée d'un rade du cinquième arrondissement, emmitouflé et perdu dans mes pensées, j'avais soudainement songé : "ça tu me le paieras fils de p... !" Pari réussi, il dégage dans quelques jours. Je suis peut-être banni des lieux de convivialité mais lui, il est viré de l'Elysée. Et ma foi, si je sais que je cesserai de fumer un jour, parce que je l'aurais décidé et non sur injonction d'un connard d'élu, je ne suis pas sur qu'il cessera lui un jour de ressasser cette journée qu'il vient de vivre. 

Après advienne que pourra avec Flanby, moi, je m'en tape, ce soir j'étais Brennus. Et pour conclure, vive le libéralisme qui place la personne en lui reconnaissant des droits fondamentaux et sans jamais la traiter en mineure incapable au centre des préoccupations.

En 390 avant J.C., Brennus s'empara de Rome. Brennos leur chef accepta de se retirer moyennant le versement d'une forte rançon de mille livre d'or. Une grande balance fut alors mise en place mais afin d'alourdir encore plus la rançon, les gaulois y placèrent plus de poids? S'apercevant de la supercherie, le Tribun militaire Quintus Sulpicius demanda de quel droit ils osaient ainsi truquer la balance. C'est alors que Brennus répondit "du droit des vainqueurs". Il s'avança alors et jetant en plus dans la balance son épée et son baudrier pour alourdir la charge, il s'exclama "Vae victis" (malheur aux vaincus).
Tite-Live, V, 48


Brennus en plus d'avoir prononcé son célèbre "Vae victis", aurait aussi dit "Ire fumat Nicolas, belga est "
 (Vas-y fume Nicolas, c'est du belge)

05 mai, 2012

Elections !

Photo piquée chez H16 sans son aimable autorisation ! (désolé)

Je n'en reviens pas. Tandis que voici cinq ans, lors des dernières présidentielles, je n'hésitais pas à me gausser bruyamment de Ségolène Royal voici que je ne dis plus rien. C'est vrai que j'ai l'impression de me réveiller d'une grosse gueule de bois. Non que j'aie jamais été un grand fan de Nicolas Sarkozy, mais que son action se solde essentiellement pour moi par une restriction des libertés publiques. 

Cinq ans après avoir voté pour lui, me voici comme un clodo en été comme en hiver si je veux fumer ma clope en buvant un café. Naguère consommateur normal, qui le matin avant ses consommations s'envoyait son petit noir sur le zinc en fumant sa clope, voici que je suis devenu un intouchable, un proscrit, un reliquat d'une société dépassée, un personnage caricatural  comme le Père Pejat des Vieux de la vieille, bref une merde dont personne ne veut plus.

Et le pire c'est que quand je parle de cela à mes potes fumeurs et de droite, cette bande d'abrutis me disent qu'ils ne trouvent pas cela mal parce que cela leur a permis de réduire leur consommation et puis que comme cela ne peu plus la clope dans les rades ou les restaus. Quelle bande de crétins, je n'en reviens pas ! Ils ont besoin d'un gendarme derrière eux, de l'incarnation d'un papa tout-puissant avec gendarmes et juges à la clé pour les faire marcher droit. Leur conception de l'autocontrôle, ce n'est pas une instance morale interne ; c'est la loi qui s'abat sur le contrevenant. Barbey d'Aurévilly avait bien raison de dire qu'à part les prêtres, les soldats et les poètes, le reste de l'humanité était faite pour le fouet. 

Ceci dit je m'en fous parce qu'on est bien en terrasse et que j'ai ainsi l'impression d'être une sorte de rebelle, un résistant, un mec qui comme le grand Charles dit "non" (sauf à la cigarette). N'étant pas né dans les années d'avant-guerre, je me contente de la résistance qui s'offre à moi. C'est risible mais c'est l'époque qui veut ça ! Et puis ma constitution vigoureuse me rend assez insensible au froid alors finalement je m'en tape, je laisse les connards à l'intérieur. 

La seule chose qui me console c'est de ne plus conduire beaucoup, me traînant la bite en RER comme le dernier des prolos. Alors les radars représentent une menace mineur pour moi. Parce que l'ère Sarko restera comme celle de la répression massive des automobilistes. Mais que voulez-vous, on n'a jamais rien sans rien et les statistiques sont là, il y a moins de morts sur les route alors ce doit être bien. 

C'est vrai qu'on exagérait; Quand je discute avec des jeunes permis qui ont encore le A collé au cul de la voiture cela me fait sourire. Je me souviens encore de l'époque bénie ou mes potes et moi allions dîner à Deauville en prenant l'autoroute de l'Ouest au taquet. L'aiguille affichait 180/190 au compteur et ça allait tout seul. Putain, quand j'y repense on était de vraies racailles, peut-être même des terroristes ! On revenait sans être vraiment bourrés mais avec un taux d'alcool qui nous enverrait aujourd'hui en correctionnelle. Non que je sois fier de cela mais bon, je pense qu'à l'époque on s'en foutait tout simplement. 

Et encore, s'agissant de notre président je ne parle pas de son bilan global car d'autres l'ont mieux fait que moi. Je garderai juste de ce quinquennat le souvenir d'une restriction drastique des libertés publiques. Quant à l'homme, ce pantin grotesque rempli de lui-même je crois que l'on n'aura jamais vu quelqu'un galvauder autant la fonction présidentielle. 

Quant à Flanby, je me garderai bien d'en dire ce que j'en pense. A la vérité je n'en pense rien. Ce type est un rat de ministère, un de ces types qui une fois diplômés de l'ENA se paieront leur vie durant sur la bête. Chaque fois que je le vois, il me rappelle le personnage de Philippe Chalamont interprété par Bernard Blier dans le film Le président.  Quant à son programme, il est inconsistant. Ce que j'en retiens c'est qu'en France alors que stigmatiser et dénoncer est devenu le pire crime qui soit, il n'est pas interdit de viser les riches en tant que boucs émissaires. 

Qu'importe le fric qu'il se sera fait sur notre dos, idéologiquement ce type est persuadé que tout ce que l'on gagne appartient à l'état qui a pour mission de le redistribuer pour diminuer les inégalités. Et encore je ne suis pas sur que ce type ait une idéologie quelconque mais plutôt qu'il ait choisi le PS pour faire carrière. Avec ce genre de clown, c'est la fiscalité punitive en oeuvre, la grande machine égalitariste qui décide de ce qu'il vous appartient de conserver du fruit de votre travail. C'est une sorte de christianisme dévoyé qui vient évangéliser à grands renforts de taxes, d'impôts, de contrôles et de claques dans la gueule.

Je n'irai donc pas voter. Et le soir, quelque soit le résultat, je serai satisfait. Si Hollande gagne, j'allumerai une clope et je penserai à Nicolas en me disant "allez mon pote celle la je la fume à ta santé". J'aurais ensuite une pensée amusée pour Flanby qui va s'apercevoir que gérer les bordel est plus compliqué que d'être dans l'opposition. Si Sarkozy gagne, je me repaîtrai sans charité aucune des larmes de tous les socialos qui voyaient déjà Flanby arriver au pouvoir. 

Et tant pis si on arrive au niveau de la Grèce. J'ai un bon petit bout de terrain, j'y planterai des patates parce que ça vient tout seul et que c'est nutritif. Et je prendrai une trentaine de poules, de l'ISA Brown (la meilleure pondeuse) et j'irai vendre mes oeufs au marché noir à deux euros pièce. En période de crise, la terre i'l n'y a que ça de vrai ! J'ai une cabane au fond où je pourrais élever un porc parce que ça prend cent kilos dans l'année ces petites bêtes là en bouffant n'importe quoi (un peu comme moi tiens). J'arracherai quelques arbustes pour me faire mon tabac et je fumerai des roulées. En plus avec toutes mes lubies, je suis capable de mettre quelques ruches pour avoir du miel et de troquer mes pigeons paon contre du pigeon de rapport bien gras. C'est là que mes connaissances diverses et variées me seront utiles. Bref, j'aurais que le sel et le café à acheter ça ira toujours pour moi.


En bref qu'ils aillent tous se faire foutre ! 

04 mai, 2012

Du simulateur au lâcher en vol !


Voici que la semaine passée, l'un de mes patients, jeune gentilhomme tourangeau aux forts belles manières et à la culture certaine, arrive dépité dans mon cabinet, l'oeil terne et l'oreille tombante comme un chiot pris à pisser sur la moquette qu'on aurait fichu dehors et qui vous regarderait par la fenêtre ! La tristesse semble sourdre de lui mais le connaissant je me doute que l'origine de ce malheur n'est sans doute pas très grave.

Il y a comme cela des gens chez qui l'hypersensibilité génère des réactions émotionnelles totalement disproportionnées au regard du traumatisme qu'ils ont vécu. On les croirait victime d'un drame terrible, on s'imagine déjà que toute leur famille a péri dans un accident de voiture ou dans l'incendie de leur logement, et on s'aperçoit bien vite qu'il ne s'est pas passé grand chose; Mais attention à prendre des gants et à ne pas leur dire sous peine de les voir se figer sous l'outrage comme si c'était un crime de lèse-majesté de ne pas apporter plus d'importance qu'ils n'en ont à leurs menus tracas. 

Tandis que leur intelligence les amène évidemment à relativiser le "coup du sort" qui les frappe, leurs émotions en font de vrais petits garçons qui n'ont de cesse que de réclamer qu'on leur donne absolument toute l'attention qu'ils réclament comme ces bambins qui font des caprices et se roulent dans l'allée du supermarché parce que maman n'a pas voulu cette fois-ci leur acheter leurs friandises favorites. Alors gare à moi si, bien qu'ayant deviné l’aspect mineur du traumatisme qui les accable, je me prenais à sourire en les accueillant. Les voici alors que soudainement débarrassés de toute leur tristesse, ils deviendraient agressifs n'hésitant pas à me traiter de mauvais psy, voire de salaud parce qu'il est entendu que pour eux, je suis payé pour être forcément d'accord et pour ne jamais relativiser ce qui arrive. Ceci dit je crois avoir été moi aussi comme cela alors ils m'amusent bien plus qu'ils ne m'agacent.

Lorsque ce patient m'expliqua ce qui était arrivé, il se trouve qu'il s'agissait juste d'une histoire lambda et commune pour laquelle un sujet plus équilibré aurait certes conçu un peu d'agacement sans pour autant se mettre dans des états pareils. Il se trouve simplement qu'après avoir harponné quelque créature sur une messagerie de rencontres, mon cher patient n'a pas validé lors du rendez-vous. Tandis que tout semblait bien parti, voici qu'une fois face à la demoiselle, il perdit tous ses moyens pour se retrouver comme un adolescent tout juste pubère se demandant à quel moment il doit embrasser la gamine qu'il tient dans les bras. 

Beau parleur maniant parfaitement le verbe, pilote émérite sur le simulateur de vie qu'est une messagerie de rencontres, capable de boucles, de tonneaux et de barriques, passant du double Immelman au huit cubain en un tournemain, mon cher patient eut donc tôt vite fait de persuader la belle venue faire son marché sur Adopteunmec qu'il était la promotion du siècle, le mec parfait, beau gentil et brillant à mettre rapidement dans le caddie sous peine de rater une belle occasion. 

Sauf qu'une fois en face de la donzelle, tel un pilote amateur ayant tout juste son BB en poche, voici que mon cher patient se rendit compte que du virtuel au réel, il y a un pas conséquent à franchir. Ainsi, si sur Flight Simulator, faire le con en Cessna en passant sous des ponts ou en prenant des virages serrés autour de buildings, ne pose pas de problèmes, dans la réalité il en irait autrement. C'est exactement la même chose pour une messagerie ou n'importe qui n'a rien à redouter d'une galerie de photos mises par la belle d'autant plus qu'il jouit de tout le temps nécessaire pour peaufiner et ciseler des mails pleins d'esprit.

Face à la personne, les émotions reprennent le dessus. La fille s'anime, sourit ou non et surtout vous regarde, vous observe et le risque est grand de vous dire qu'elle est en train de vous classer, de vous juger pour savoir si elle devra poursuivre ou bien prétexter n'importe quoi pour ne plus jamais vous revoir en ayant au moins la politesse après s'être levée et vous avoir fait la bise de vous dire "c'était sympa, on s'appelle ?". 

Là effectivement pour toute personne un peu fragile narcissiquement, c'est la claque assurée. Le naturel se trouve parasité par les questions que l'on se pose sans cesse et c'est cuit. Il faut dire que si l'on se sent peu sur de soi, le fait de passer du simulateur à la pratique sans préparer un peu sa mission, revient à surcharger son appareil d'un poids supplémentaire celui de son gros et parfois très gros complexe d'infériorité : après un décollage pénible, ce sera le décrochage assuré alors qu'on est encore trop près du sol. 

Passer pour un con quand la personne a déjà eu la preuve de vos qualités est déjà assez pénible alors imaginez la même chose tandis qu'on en vous connait pas encore. On manque alors de l'altitude nécessaire pour rendre le manche et rattraper le décrochage et amorcer une ressource. La terre arrive à toute vitesse et c'est mort. Si le BEA enquêtait, il conclurait après analyse que l'appareil était en bon état mais que le pilote manquait de l'expérience nécessaire pour ce type de vol.

Bref, avant d'être sur de pouvoir "choper" la belle fille de vos rêves, il ne suffit pas de l'avoir impressionnée sur le net, ou vous n'avez validé que le théorique, c'est ensuite dans la vie réelle que tout se passera. Faites d'abord quelques tours de pistes, des petits voyages, prenez de l'assurance et n'oubliez pas que dans la vraie vie, les double immelmans sont plus compliqués à réaliser que planqués devant votre ordinateur où tout ou presque est permis.

Et dites vous que si le départ, s'il n'est pas défendu de savoir se vendre, s'il y a dans votre description (âge, poids, taille, études, etc.) le moindre mensonge éhonté, c'est que réside en vous un gros complexe d'infériorité. Alors si vous vous avisiez de décoller avec ce fardeau à bord, la mécanique du vol aura tout fait de vous rappeler que quand le poids l'emporte sur la portance, l'avion se casse la gueule

Bref, c'est bien de vouloir la chef des pompom-girls encore faut-il avoir les moyens de l'avoir en ayant pour soi l’assurance du quaterback de l'équipe de foot du lycée comme on voit dans les films américains pour adolescents. Jouer le quaterback caché derrière un écran pour apparaître ensuite comme un membre du club philatélie, c'est être assuré de courir à l'échec. Au pire si la fille est un tant soit peu maternelle, vous n'en prendrez pas plein la figure mais vous serez traité comme un gosse un peu malhabile. 

Quand au reste, les sites dédiés à la séduction regorgent de conseils plus ou moins utiles pour se préparer et surtout comprendre les erreurs à éviter si l'on veut ne pas se fracasser au sol. Mais je pense que le meilleur conseil est venu un jour de mon copain Jeff le Corse qui m'expliqua un jour doctement :

"Les belles filles n'aiment pas les beaux hommes, elles aiment juste les hommes qui s'y connaissent en belles filles".