30 juillet, 2016

Jésus suite et fin !


Ce fut presque ma dernière séance de juillet. En tout cas, ce fut la plus tardive. Cela faisait quelques semaines que je travaillais Jésus au corps. La possession d'accord, s'il voulait. Pourquoi pas ? Face à l’inconnu, une explication en vaut bien une autre.

De mon côté, j'avais évacué les explications rop rapides du type schizophrénie et troubles bipolaires. Pour cela, je m'étais même engueulé avec des médecins pour qui je prenais des risques insensés en gardant Jésus dans ma clientèle alors que sa place eut été dans un établissement spécialisé à faire de la peinture sur soie, en bavochant, bourré de neuroleptiques.

Comme je ne suis pas tout à fait demeuré, j'avais fait évaluer mes conclusions par deux vieux psychiatres qui m'avaient tous les deux confirmés que Jésus n'était ni schizophrène ni bipolaire. Quant à savoir ce qu'il avait, ils restaient perplexes. Les deux étant croyants, ils n'évacuaient pas un problème spirituel même s'ils restaient réservés quant à l'explication de possession. Non qu'ils n'y crussent pas mais simplement que leur formation ait constitué un rempart trop important pour que le surnaturel s'y invite vraiment.

J'avais aussi fait examiner Jésus par tout ce que je connaissais de médecins compétents et ouverts d'esprit et notamment par deux neurologues ouverts d'esprit. Si le premier, sommité mondiale dans son domaine, me renvoya Jésus en me disant qu'il n'avait rien lié à son domaine d'expertise, le second m'expliqua la même chose tout en me demandant s'il n'y aurait pas de l’hystérie dans ce comportement étrange. Le mot était lâché, l'hystérie, cette explication bien facile qui permet de regrouper ce qui échappe tant aux examens biologiques qu'à la raison raisonnante. 

Pourtant, connaissant bien ce neurologue, un type intelligent et fin, je sais qu'il n'employait pas ce terme comme tous ceux qui s'abstiennent du moindre travail pour rendre le patient responsable de son état mais pour mettre un mot sur un comportement qui lui semblait totalement psychogène. Jésus produisait donc lui-même ce foisonnement de symptômes. Et pour le coup, j'étais bien d'accord avec le Dr P. ! Cela confirmait que le cas Jésus n'entrait pas dans le cadre des pathologies graves qu'on avait voulu lui reconnaitre. Jésus était malade mais pas au sens psychiatrique. Jésus me semblait malade de lui-même.

Naviguant sans cesse du spirituel au psychologique, bien que j'aie souvent expliqué à Jésus que je n'étais pas prêtre, je tentai alors de faire une synthèse de tout cela. Oui, Jésus était possédé mais par une idée fixe et quasi délirante et obsessionnelle. Pour ma part, cet appel incessant envers dieu qui aurait du le sauver fleurait bon la culpabilité. Ce n'était pas faute d'avoir échafaudé des scénarios de tout ce qui aurait pu le mettre dans cet état. Mais si Jésus m'écoutait, il n'en démordait pas, il était possédé, point barre. Ce qui lui arrivait était du fait du malin et non psychogène. Sa guérison serait miraculeuse ou pas.

Il fallait donc que je parle le langage de Jésus. Le langage psychopathologique, trop froid et méthodique, lui glissait dessus comme l'eau sur les plumes d'un canard. Seules des explications un peu "magiques" étaient acceptées et débattues. Dieu m'inspira-t-il ? Je n'en sais rien, toujours est-il qu'un jour, alors que j'étais un peu excédé d'être si proche de la vérité sans pour autant réussir, je lui expliquai qu'il possédait en lui des capacités d'auto-exorcisme. Mon point de vue l'intéressa.

J’échafaudai l’hypothèse selon laquelle les exorcistes successifs dont il avait bénéficié étaient comme des charges rapides d'une batterie mais que si jamais il ne tournait la clé de contact, le moteur ne redémarrerait jamais. Ce n'est sans doute pas exactement ce que je lui ai dit mais c'est la manière la plus simple d'expliquer l'idée qui m'était venue. En tout cas, j'avais parlé à plusieurs reprises d'auto-exorcisme un peu comme si, enseignant le piano, j'avais expliqué à un élève que si entre les cours, il n'approchait jamais d'un clavier, les progrès n'arriveraient jamais. Et ma foi, si son état n'était guère amélioré, ses idées un peu délirantes diminuaient. Jésus est un garçon obstiné et têtu mais je crois l'être deux fois plus que lui. Si j'ai raison, je n'aime pas qu'on me résiste. Et puis je suis payé pour réussir même si je n’oublie pas que je n'ai qu'une obligation de moyens.

Et puis vint ce jour de la fin juillet. Je venais de rentrer chez moi. Il était aux alentours de 22h45. Je venais de m'asseoir dans mon canapé après avoir salué mon épouse. J'allais diner. Je reçois alors un SMS de Jésus qui m'explique que les choses bougent dans sa tête. Il me dit qu'il peut être là dans vingt minutes à mon cabinet. Je lui réponds que je n'y suis plus. Je lui dis de me laisser un quart d'heure, le temps de manger un truc, de boire un café et de fumer une cigarette et qu'ensuite on se rejoint sur Skype.

Mon épouse est un peu agacée ce soir là. Elle me dit que je rentre toujours tard et qu'en plus il faut que je fasse une séance à pas d'heure. Je lui explique que là, il s'agit de Jésus, qu'il vient de perdre les eaux et que l'accouchement est imminent. Que penserait-elle du Touffier si alors qu'une de ses patientes est sur le point d'accoucher, il restait dans sa chambre de garde à regarder une série débile ou des bastons de filles sur Youtube ? Elle a obtempéré face à de tels arguments.

J'ai donc grigoné un truc, bu un café froid en fumant une clope et je suis monté à mon bureau. Jésus n'a jamais réussi à démarrer Skype, alors on s'est parlé au téléphone. Et là, tel un abcès mur qui ne demanderait qu'à se percer pour libérer de tout son pus, il m'a parlé, parlé, parlé et encore parlé. Il m'a parlé de sa vie entière, de son enfance à maintenant, il a relié tous les évènements qu'il avait connus, expliqué le pourquoi du comment de ses errements, il a tout dit.

Moi d'habitude si bavard, je n'ai rien dit, j'ai écouté religieusement. De temps à autre, je pressais un peu l'abcès pour que le pus s'écoule. Il a tout balancé, tout ce que j'avais imaginé et même d'autres choses qu'il n'avait jamais dites. D'ailleurs, je ne sais pas vraiment ce qu'il a dit. Je ne m'en souviens plus vraiment. C'était une avalanche de mots et d'émotions. Je savais juste que c'était la fin de son calvaire, le reste m'importait peu. Ça tournait autour de l'idée de culpabilité et c'est tout ce qui m'intéressait. 

Puis, après s'être ainsi vidé, vidangé, après qu'il eut enfin accouché de ses idées morbides, sa voix s'est apaisée. On a rigolé histoire de descendre un peu sur terre. J'ai su que tout était fini et bien fini et lui aussi. Comme je connais bien sa mère et qu'elle était bien plus qu'inquiète depuis plus d'un an, je lui ai demandé la permission de lui envoyer un SMS pour la rassurer. Ce qu'il m'a bien sur autorisé. Il m'a d'ailleurs dit qu'il irait la rejoindre en vacances dans deux jours pour se reposer. On a raccroché après deux heures passées au téléphone.

J'ai envoyé un SMS à sa mère dans lequel je lui ai dit que suite à une longue séance qui venait de s'achever, son fils était de retour dans le monde des vivants et qu'il serait avec elle dans quarante-huit heures. Le surlendemain, j'ai fermé le cabinet sans avoir revu Jésus.

Durant le mois d’aout j'ai demandé succinctement de ses nouvelles à sa mère pour voir si cela se maintenait. Elle m'a rassuré en me disait qu'il allait bien, qu'elle l'avait retrouvé. De retour au cabinet, j'ai trouvé un petit mot de sa part me remerciant de lui avoir évité l'internement. C'était vraiment gentil et j'ai été touché.

S'agit-il d'un phénomène d'auto-persuasion ? Sans doute que oui, en partie. S'agit-il de possession, sans doute que oui aussi en partie. Du moins si l'on veut bien admettre qu'à la lisière de notre conscience sont tapies des bien vilaines idées qui peuvent nous envahir et nous faire perdre notre libre arbitre. Le diable peut prendre bien des formes. En tout cas ce n'était pas de la folie. C'était un de ces cas étranges où le spirituel et le psychologiques s'intriquent l'un et l'autre pour faire perdre pied. 

Ce n'est évidemment que mon avis, libres à ceux qui auront vu Jésus su auront lu son histoire sur son blog de se faire son idée. Pour ma part, je savais ce que cela n'était pas, à savoir de la bonne grosse pathologie psychiatrique. Pour le reste, j'ai un peu navigué à vue, angoissant à certaines moments, étant rassuré à d'autres. J'intuitais vaguement une telle issue me contentant au fil du temps de le relier au monde des vivants. 

Suis je le seul qui  aurait pu le sortir de là ? Bien sur sur que non, je n'aurais pas cet orgueil ! Étions nous nombreux à pouvoir l'aider ? Sans doute que non dans la mesure où il fallait être plus malin que savant et avoir une foi de charbonnier bien plus qu'une véritable érudition religieuse. Pour ma part, j'ai fait mon boulot. J'ai bataillé ferme, je n'ai jamais dételé et c'est ce qui me plait. L'idée d'avoir tenu tête à un chef d'un service de psychiatrie et de lui avoir fait rendre gorge n'est pas désagréable non plus. Mais ça c'est de la gloriole imbécile, de l'orgueil de petit mâle crétin. Que voulez-vous, je suis en partie esclave de ma biologie et donc de ma testostérone. Nous les mâles, on a des conflits de territoires.

Il restera toujours des zones d'ombre. Par exemple, un jour qu'il grognait dans mon cabinet, au point que je n'étais vraiment pas rassuré, je l'avais filmé pour conserver la preuve de ce que je vivais. Ce jour là, une heure après, la batterie de mon téléphone, un Androïd que j'avais acheté pour remplacer un Iphone a rendu l'âme. Que s'est-il passé ? Rein d'autre qu'une batterie défectueuse diront les être pragmatiques et j'en fais partie. Peut-être autre chose penseront les individus prompts à voir des signes dans de tels évènements. 

Jésus va bien, c'est l'important. Le reste est de la littérature. Le dossier Jésus est bouclé.

29 juillet, 2016

Vacances, j'oublie tout ...


Vacances j'oublie tout
Plus rien à faire du tout
J'm'envoie en l'air ça c'est super
Folie légère
Vacances j'oublie tout
Plus rien à faire du tout
J'm'envoie en l'air ça c'est super
Folie légère
C'est fou!



Voilà, c'est fait ! Afin de monter que même sur ce blog on peut citer les grands auteurs contemporains, j'ai mis le refrain de la chanson Vacances j'oublie tout du groupe Elegance. Ça date de 1982 et les arrangements sont de François Feldman, oui celui-là même qui vous aura fait danser sur ses Valses de Vienne ! Que du lourd comme vous le voyez. J'aime à exhumer les gloires défuntes pour vous prouver, puisque chaque année mon lectorat rajeunit d'un an, que lorsque j'avais quinze ans on avait aussi de la bonne musique sans avoir besoin de se mettre un casque sur la tête comme les Daft Punk.

Manque de pot, même si je suis content d'être en vacances, moi qui n'ai pas de RTT, je n'en oublie pas tout pour autant et notamment ma chère clientèle reste bien présente à mon esprit. Oh bien sur, l'écrasante majorité de mes patients sont eux aussi bien contents d'être en vacances. A eux, les destinations lointaines ou la maison de famille, loin de l'agitation parisienne et du bureau. Mais quid des autres ?

Quels autres me direz vous ? Mais les laissés pour compte, les célibataires, les esseulés en tous genres. Parce qu'il y en a et même un paquet. Voici peu, ceux qui me lisent savent que ma patiente la plus âgée est décédée seule à l'aube de ses soixante-dix ans. Comme elle habitait non loin de mon cabinet, je l'avais croisée le jeudi soir. On avait papoté en fumant une cigarette ensemble. Puis, le dimanche, c'est son fils qui m'apprenait qu'elle avait été victime d'un AVC et qu'elle était restée sans doute quarante-huit heures allongée par terre avant qu''il ne la retrouve le dimanche en fin de journée.

Du temps où elle me consultait, je me souviens que la dernière séance de juillet était pour elle un déchirement. Comme c'était mas dernière patiente, mon rendez-vous de vingt-et-et-une heure, que je faisais à son domicile compte tenu de ses difficultés à marcher, je la faisais durer, n'étant pas très à cheval sur les horaires. Puis je partais, le cabinet bouclé en me disant que je reverrai tout cela au début du mois de septembre. 

Pour moi, c'était la promesse de virées en cabriolet sur quelque départementale de notre beau pays. Pour elle, c'était un gouffre qui s'ouvrait : la promesse de quatre semaines d'absolue solitude, même pas rythmées par nos séances hebdomadaires ni par les quelques clopes que nous fumions quand je la croisais.

Elle partageait d'ailleurs cette angoisse avec moi, angoisse contre laquelle je ne pouvais rien du tout. Elle avait mené sa vie de telle manière qu'elle se retrouvait totalement seule. D'ailleurs, je ne suis pas sur qu'elle fut responsable de tout cela. Sa vie, sa solitude, c'était le lot quotidien de beaucoup de personnes, même dans une grande ville comme Paris. Pour tempérer un peu sa souffrance, j'avais mis au point un stratagème en lui octroyant la visite d'une personne de l'association des Petits frères des pauvres. Comble de l'ironie, elle dont le patrimoine immobilier devait se chiffrer en centaines de milliers d'euros, voire en millions compte-tenu des prix délirants de l'immobilier parisien, en était réduite à recevoir quelqu'un mandaté par les Petits frères des pauvres pour ne pas rester un mois sans parler à quiconque. Bah oui, c'est bien d'avoir de l'argent mais cela ne fait pas toujours le bonheur.

La solitude, on en parle sporadiquement dans les journaux, puis on l'oublie. C'est pourtant un fléau qui touche de plus en plus de personnes, hommes ou femmes, riches ou pauvres, vieux ou jeunes. A titre d'exemple, on cite toujours le cas de Joyce Vincent, cette jeune londonienne de retrouvée trois ans après son décès dans son appartement, la télé toujours allumée. Sur le Net, ces histoires sont légion. Plus près de nous, des gens de prime abord, épanouies, souffrent du même mot.


Cette année c'était par exemple le cas d'une de mes patientes, brillante cadre-sup, mais restée célibataire pour qui le mois d'août s'annonçait comme une épreuve difficilement supportable. Je me souviens de notre dernière séance du mois de juillet durant laquelle, elle habituellement si calme, s'était montrée très agressive comme si elle m'en voulait de l'abandonner. Alors que je lui parlais de partir en vacances, elle m'avait répondu sèchement que rien n'était fait pour les célibataires et qu'elle ne se voyait pas errer comme une âme en peine. 

C'était tout à fait le genre de cas insoluble, impossible à traiter, ces situations dramatiques dont on connait les causes mais qu'on ne peut pas traiter. Je me suis un peu retrouvé dans la peau d'un oncologue face à un cas de cancer phase IV sans même avoir la possibilité de vanter une énième chimiothérapie révolutionnaire. La seule chose que j'aie pu dire, c'est qu'en restant chez elle, rien ne bougerait tandis que si elle partait en vacances, elle augmentait la probabilité de faire une rencontre.

Autre cas, celui d'une trentenaire, ingénieur de formation, pour qui le mois d’août rimerait avec solitude. Venue de province, elle se rassurait avec humour en se disant qu'après tout Paris au mois d'août  restait une destination prisée par des millions de touristes étrangers. Quand j'avais émis le fait qu'elle puisse aller quelques temps voir ses parents en province, elle m'avait répondu qu'elle n'irait que le temps d'un weekend pour ne pas endurer leurs reproches muets ou pire leur commisération silencieuse.

Pour les célibataires, voeufs(ves), provinciaux esseulés, Paris n'est pas toujours un paradis. Bien sur, mon propos n'est pas de faire pleurer dans les chaumières mais chaque année je constate que le mois d'aout est pour certains un long tunnel dont ils ne sortiront que début septembre. Sortir est toujours possible mais rencontrer ne l'est pas forcément. L'âge, le sexe ou l'argent sont des limites. Paris n'est pas la ville rêvée que l'on imagine quand on est seul. Créer un réseau de socialisation n'est pas aisé surtout si l'on n'est pas originaire de la région. Sitôt passé l'âge de trainer dans les bars, il existe certes de multiples activités que l'on peut faire mais où la possibilité d'une rencontre reste illusoire. Peu importe, il faut tenter.

Et comme je l'avais déjà dit lors d'un précédent article sur la solitude, face à ces cas, je ne peux pas grand chose. C'est pour cela que lorsque la fin du mois de juillet arrive, je ne ferme jamais la porte du cabinet sans une petite pensée pour ces laissés pour compte.

Que voulez vous, je suis un bon garçon empathique !

25 juillet, 2016

14 juillet !


Voilà, le quatorze juillet, je voulais rédiger un article dans lequel je me serais encore moqué de la révolution française. Allez donc savoir pourquoi je ne me sens que très très moyennement républicain. Je n'en sais rien moi-même. Toujours est-il que nostalgique par essence, je ne peux jamais m'empêcher de penser que c'était mieux avant. Et force est de constater au travers de pérégrinations à travers la France que l'Ancien régime nous a laissé de fort jolies choses. Si l'on excepte la période Art Déco s'étendant de 1925 à 1940, je ne trouve pas que la République soit aussi prodigue de monuments intéressants.

On m'objectera qu'à défaut de châteaux pour les nantis, la république aura laissé des établissements scolaires et autres complexes sportifs. J'objecterai à mon tour que les plus beaux lycées datent du premier empire. Quant aux installations sportives, je m'en contrefous étant donné que le dernier qui m'a vu faire du sport doit avoir aujourd'hui une longue barbe blanche. Peut-être même est-il mort le pauvre à force de m'avoir attendu dans un stade où jamais je ne vins.

D'ailleurs on s'en fout, mes convictions monarchistes sont avant tout esthétisantes autant que saturniennes. J'aime bien les gens mais je n'aime pas les règles de la multitude, j'adore les terrasse de bistrots mais je n'aime pas la vulgarité ni la foule, etc., je suis comme je suis. Ça fait très ado ou midinette d'écrire cela. Un peu comme ceux que l'on nomma jadis les Hussards et qui de leurs propres avis détestaient qu'on les classe ainsi, eux qui n'avaient de cesse que d'affirmer leurs singularités. Il y a du dandy en moi. 

Sans doute ai-je trop d'embonpoint pour porter les habits de Brummel, n'empêche que c'est ainsi. De toute manière, je préfère Barbey d'Aurévilly à Brummel. Je me surprends parfois à penser que j'aime tout et son contraire alors qu'au fond de moi, je reste persuadé que mes incohérences doivent être le fruit d'une singularité extraordinaire. Je suis un individu lambda qui parfois s'esbaudit de lui-même. C'est pour cela qu'on ne me fera jamais aimer la république et son cortège d'élus aux écharpes tricolores pas pus que tous ces ânes qui quotidiennement nous vendent les valeurs de la république ou pire encore le pacte républicain. Je n'aime pas penser comme tout le monde, c'est ma petite pointe d'hystérie pour relever le plat bien fade du gros capricorne prévisible que je suis.

D'ailleurs, rien que pour faire chier le monde, lorsque je fis une courte apparition dans la glorieuse administration, j'aimais demander comme jour de congé le vingt-et-un janvier, jour de la mort de Louis XVI sans évidemment jamais avouer que je le faisais exprès. Mon directeur me scrutait toujours d'un œil méfiant sans pour autant jamais avoir pu obtenir la preuve que je nourrissais à l'encontre de la gueuse un si terrible dédain.

Hier encore, je voulais faire un petit billet sur cette grotesque célébration du quatorze juillet, commémorant la prise d'une prison presque vide défendue par une poignée d’impotents. Je voulais rappeler que cette révolution dont on nous rebat les oreilles depuis des siècles s'est aussi signalée par des actes d'une cruauté inouïe qui laissait augurer ce que ferait le socialisme en marche dans les années suivantes. C'est ainsi qu'il exista des tanneries de peaux humaines. Jusqu'à une date récente le Musée des sciences de Nantes en exposait une. Pour la voir, il suffit de taper sur Google "révolution peau humaine tannée". Vous aurez alors moult blogs relatant ce sinistre épisode de notre histoire. Bien sur, vous aurez aussi un universitaire expliquant qu'il s'agit d'une rumeur, d'un "hoax" comme on dot aujourd'hui.

Qui croire ? Je m'en fous. Pour ma part, je n'ai qu'à m'approcher d'églises ou de cathédrales dont les masses furieuses ont fracassé la tête des statues à coups de masse pour me dire que je n'aurais jamais été de leur côté. Je respecte trop le travail d'autrui. De toute manière croire en un changement dû aux politiciens est une impasse. Je crois plus aux ingénieurs et aux chercheurs qu'aux élus pour améliorer ma vie. La science a fait reculer les superstitions ne laissant comme seul mystère que ce qui se passe, ou pas, selon les idées que l'on a, après notre mort. Le reste, en gros, savoir qui va me voler ou me pourrir la vie, d'un PS ou d'un LR, je vous avoue que je m'en tape un peu.

Hélas, trois fois hélas, je n'ai jamais publié ce billet car le lendemain, quinze juillet, c'était l'attentat de Nice. Ensuite ce furent les vacances, puis le beau temps revenant, je me suis adonné à des activités de plein air sans vraiment approcher de mon Mac.

Qu'aurait valu mon petit libelle contre l'horreur de ce soir là à Nice. C'eut été insultant de le publier. C'est ainsi que reprenant l'écriture de mes billets, j'adresse tardivement mes plus sincères condoléances aux proches des victimes et tous mes vœux de prompte guérison à tous les blessés. 

Le dernier feu d'artifice auquel on m'ait convié, c'était lors d'un mariage, celui du petit frère de mon ami Olive, celui qui est riche, qui a réussi et qui roule en Ferrari. Cela se passait dans un château et à minuit pile à peu près, tout le monde s'est resserré sur une grande terrasse pour y assister. Moi, j'en ai profité pour m'éclipser. Quand je suis revenu, il n'y avait plus rien. J'avais entendu le fracas des explosions mais je n'avais rien vu du feu d'artifice.

Mon ami Lionou, qui était aussi de la fête, me voyant revenir se précipita pour avoir mon avis sur ce fabuleux feu d'artifice, qui du sien (d'avis) avait été plus que magnifique. Je lui ai juste répondu que je n'avais rien vu parce que j'en avais profité pour aller chier un coup. Ce qui n'était que la stricte vérité et qui me valu un "toi il faut toujours que tu te distingues". Alors que de mon point de vue, c'était plutôt intelligent de ma part d'avoir choisi d'aller aux toilettes quand j'étais sur que personne n'irait afin de ne pas faire la queue. Que voulez-vous, les grands esprits resteront toujours incompris ! De toute manière, je trouvais assez incongru de louer le château du Comte de Machin-Chose pour finalement y célébrer la république. Quand on est cohérent, dans ce cas là, on loue une salle municipale, on va au fond de ses idées.

Je préviens donc les terroristes, monstres sans cœur, que pour m'avoir, il reste le RER, le métro et les terrasses de café que j'affectionne mais que jamais au grand jamais ils ne m'auront lors d'un feu d'artifice du quatorze juillet !

La révolution n'est pas un dîner de gala ; elle ne se fait pas comme une œuvre littéraire, un dessin ou une broderie ; elle ne peut s'accomplir avec autant d'élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d'amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d'âme. La révolution, c'est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre.

Mao Tsé Toung, Le Petit Livre rouge, 1966

04 juillet, 2016

Histoire de coiffure et deuil capillaire !


Aujourd'hui, c'est une bien triste histoire que je vais vous conter. Moi qui écoute patiemment les autres, à qui puis-je me confier quand le sort s'acharne sur moi ? Je vous le demande !? Hein ? A vous anonymes lecteurs qui me faites l’honneur de venir ici me lire.

Alors plantons le décor. J'ai environ quatre ans et il est hors de question que ma mère me coupe encore les cheveux. Je suis un garçonnet qui mérite une vraie coupe dans un vrai salon de coiffure. Du moins ma mère en décide-t-elle ainsi ! 

Ainsi vont les âges de la vie ! A cinq ans, le coiffeur puis à sept, l'âge de raison. Viendront ensuite la puberté, la majorité, le service militaire et enfin l'entrée dans la vie active, puis les enfants, le mariage des enfants, les petits-enfants et pour conclure la mort. Il y avait du rituel à mon époque, ça ne rigolait pas !On s'habillait pour prendre l'avion et majoritairement, les gamins allaient en vacances chez leurs grand-parents en Touraine, dans le Poitou ou en Auvergne.

Et me voici donc en compagnie de ma mère dans son salon de coiffure dans lequel elle préfère m'emmener, vu qu'elle en profite pour se faire coiffer aussi. Zou, d'une pierre deux coups, un rendez-vous et deux coupes ! Elle et moi en une fois. Si ça c'est pas de l'organisation ?

La coiffeuse est douce, du moins je n'ai pas de souvenirs désagréables de ces premières aventures capillaires. Si ce n'est que parfois, il y a un monsieur avec une voix atroce assis dans le fauteuil d'à-côté. J'apprendrai bien plus tard qu'il s'agissait d'André Malraux. Oui, je partageai alors le même coiffeur que l'auteur de la Condition humaine et de L'espoir. C'est sans doute pour cela que voici quelques années trois éditeurs m'ont proposé d'écrire un livre. Ils avaient senti que déjà tout jeune, je fréquentais les plus grands. Hélas pour moi, si Malraux a eu le courage d'écrire de vrais livres, il y a fort à parier pour de toute ma vie, je n'écrive jamais que ces minces articles que je vous propose. Il faut dire aussi que Malraux eut uen vie plsu trépidante que la mienne.

Puis mon père, en bon pater familias, décide que le moment est venu de quitter ce coquet salon où je pose mes jeunes fesses sur de charmants sièges de velours rouge qui ont tout du siège curule romain pour affronter le rude monde des hommes. J'ai alors sept ans, l'âge de raison.

Mes aventures capillaires se poursuivent alors chez Raymond l'enculé ; si vous me pardonnez cette vulgarité. Mais Raymond mérite bien cette épithète d'enculé. Tout d'abord, son salon jouxte un commissariat. Chez lui, nulle trace de Louise de Vilmorin ou d'André Malraux. Raymond coiffe les hommes les vrais avec de vrais métiers et seulement les hommes.

On s'y assied sur un vrai fauteuil au piètement métallique, comme chez le dentiste. En face de ce fauteuil de skaï, il y a une glace. Et derrière, il y a une rangée de chaises en moleskine sur lesquels attendant les clients : un vrai décor de cinéma. On s'attendrait presque à voir entrer Jean Gabin et Paul Frankeur. Raymond, vrai coiffeur à l'ancienne, officie en blouse et utilise une vieille tondeuse mécanique. Comme je suis encore petit, j'ai même le droit à un coussin pour me rehausser.

Tout irait bien si seulement Raymond n'était pas le roi des enculés et je pèse mes mots. Non qu'il ait porté atteinte à ma virginité mais simplement qu'il agisse comme un gougnafier avec mes précieux cheveux qui sont à l'époque aussi fins que de la soie, et plus habitués aux douces mains d'une coiffeuse qu'à ses grosses pognes d'ouvrier. Donc, ce salaud plus habitué à coiffer le gros crin d'un Gringeot que mes cheveux d'ange, ne me ménage pas. Il me tire les cheveux et ça me fait mal. Moi, je gueule comme un veau et je finis même par pleurer une ou deux fois. 

Raymond s'en fout ! Il me menace même de m'amener au commissariat cette grosse poucave de coiffeur. Ce salaud me menace carrément de la geôle tout ça parce que je hurle quand il me tire les cheveux ! Fasciste aurais-je du lui crier si j'avais toutefois connu ce terme à cette époque. Mais rien n'y fait, si par la suite je ne pleure plus parce que je grandis, je continue à faire aïe dès qu'il me fait mal et ça a le don de l'énerver. Je bouge tout le temps, de peur qu'il ne me tire les cheveux et cela rend l'exercice de son art difficile. Il me fait mal et je le fais chier, c'est de bonne guerre. Jamais, je ne me soumettrai pas à ce tortionnaire.

Fort heureusement, ce sont les années soixante-dix et les cheveux se portent plutôt longs. Je n'ai donc pas à fréquenter Raymond trop assidument. Je suppose que depuis le temps Raymond a calanché et qu'il a rejoint le paradis des coiffeurs-tortionnaires à l'ancienne. Durant des années, je me suis dit qu'un jour, sans qu'il le sache, je lui trancherais la gorge ou le plomberai pour me venger mais je suis passé à autre chose. Je ne suis pas rancunier. Ceci dit, j'ai bonne mémoire et jamais je n'oublierai Raymond l'enculé.

L'année de mes neuf ans est une fête puisque je suis enfin libéré de Raymond le tortionnaire. J'ai le droit de choisir mon coiffeur. Je suis autonome, j'ai un vélo et je me balade où je veux pourvu que je sois à l'heure pour le diner. Ça tombe bien, un nouveau salon vient d'ouvrir près de la gare et je m'empresse de l'étrenner. C'est une jeune coiffeur qui n'a que quelques années d'expérience, Pierre, qui me prend en charge. On partage des origines italiennes, il est milanais, il a des rouflaquettes, les cheveux un peu longs, des pantalons à pattes d'éléphant  et la passion de la bagnole. Sauf que je suis abonné à L'Auto-Journal et lui à L'Automobile. A l'époque c'était vraiment deux chapelles irréconciliables, L'auto-Journal et L'Automobile, et je dois affirmer que L'Auto-Journal c'était mieux. Mais entre Pierre et moi, ça matche immédiatement.

Il ne me tire pas les cheveux et met vingt minutes, qu'il vente, pleuve ou grêle pour me coiffer. Sur la radio posée devant moi, les tubes de l'année passent. C'est Véronique Sanson qui chante Vancouver ou encore Souchon qui clame qu'il est Bidon. Pierre, c'est un maniaque des horaires. Une fois, je suis arrivé avec à peine dix minutes de retard et je me souviens encore de la soufflante qu'il m'a passée. Chez lui on prend rendez-vous à l'heure, à vingt ou à moins-vingt. Si on arrive en retard, ne fut-ce que de cinq minutes, ça décale tout et ça le rend malade.

Le shampoing-coupe, c'est vingt minutes pas une de plus. Je crois que c'est la seule personne au monde avec qui j'aie été scrupuleusement à l'heure. J'ai appris qu'il était né sous le signe du taureau. Comme moi, un signe de terre, c'est pour ça qu'on s'entendait bien comme avec Le Gringeot. Comme je le dis toujours, le taureau c'est comme un capricorne mais en bien plus volontaire et bien moins intelligent.

Pierre me coiffe donc dans ce salon dont il n'est pas propriétaire. Il a un fixe plus une commission. Le patron n'est jamais là mais toujours dans le rade d'à-côté en train de jouer au billard. Dix années se passent, de 1976 à 1986, durant lesquelles je fréquenterai ce salon. Puis le patron lassé de son métier qu'il n’exerce pourtant que rarement décide de vendre son salon pour aller faire de l'immobilier. Pierre travaillera à peine un an avec les nouveaux patrons avec qui il ne s'entend pas avant de changer de salon. Comme environ 95% de sa clientèle, je décide de le suivre.

Entre 1987 et 1989, on changera ainsi deux autres fois de salon mais je reste fidèle à Pierre comme l'ensemble de sa clientèle. Les modes capillaires passent mais je reste fidèle à Pierre. Puis, c'est l'année 1989. La France fête le bicentenaire de la révolution tandis que Kaoma chante La lambada et Pierre s'offre enfin son propre salon de coiffure avec un nom assez bizarre comme en ont toujours les salons de coiffure.

Puis de 1989 jusqu'à maintenant, je fréquenterai le salon de coiffure de Pierre. Tous les vendredis, après déjeuner, vers quinze heures j'aurai rendez-vous avec Pierre. Les années passent mais je reste fidèle à mon salon. Je ne lui ferai que deux fois une infidélité. La première fois en vacances dans le sud de la France parce que j'avais oublié de prendre rendez-vous avant de partir. La seconde fois, en allant à un rendez-vous professionnel. Trouvant mes cheveux un peu longs et décidé à faire bonne impression, je vais dans une chaine où l'on me prend immédiatement.

Sinon de 1986 à 2016, soit durant quarante années, j'aurais eu mon rendez-vous hebdomadaire avec Pierre sauf ces deux fois.

Et voici que le mois dernier, Pierre m'annonce que c'est la dernière fois qu'il me coiffe. Je crois à une blague. Mais je sais que c'est faux puisque cela fait au moins deux ans qu'il me dit qu'il va prendre sa retraite. Mais bon, deux ans c'est long. Incapable de faire mon deuil de mon coiffeur favori, je suis en plein déni. Pierre me parle retraite et moi je m'en tape, je joue ma belle indifférente, comme une gamine hystérique je fuis le réel.


L'année passée, en plus de ses projets qu'il compte mettre en œuvre pour sa retraite, il m'a parlé de ses péripéties pour la vente de son salon. Je parle, je discute mais encore une fois, tout ça c'est loin. C'est comme lorsque j'étais petit, à la fin des vacances. Il fallait vraiment que je monte en voiture pour rentrer chez moi pour que j'y croie. Sinon, jusqu'à la fin je restais en vacances, jusqu'à la dernière minute.

Le deuil chez moi, c'est un truc difficile, c'est pour cela que je suis toujours en retard. J'ai beau me lever à l'heure ou être prêt à l'heure, rien n'y fait. Partir c'est mourir un peu écrit le poète Haraucourt et c'est une évidence pour moi. Quitter un endroit pour un autre, c'est pour moi toujours difficile, que ce soit ma maison le matin ou mon cabinet le soir. J'ai un côté moule ou huitre, j'ai besoin d'attaches.

Ce week-end j'en parlais à un bon pote qui vit dans la maison que lui a léguée son père et qui se réjouissait de l'ouverture d'une maison de retraite à deux rues de chez lui ; ça le rassurait de savoir qu'il pourrait mourir à côté de l'endroit où il a toujours vécu. Moi je lui ai répondu que j'étais bien plus aventurier que lui puisque je vivais tout de même à deux-cent mètres de la maison de mon enfance.

Ceci dit, je suis comme lui, le changement c'est pas pour moi. La définition du bonheur pour moi ce sont deux jolis points par lesquels passe une et une seule droite ! Et tant mieux bien sur si cette droite est ascendante. Quand on me demande si ça va ou quoi de neuf, je réponds rien du tout ce qui est pour moi la quintessence du bonheur. Qu'aujourd'hui ressemble à hier et demain à aujourd'hui et me voici heureux !

Autant vous dire que Pierre avec ses histoires de retraite et de vente de son salon n'avait pas trouvé une oreille attentive ou compatissante en m'en parlant. Pour moi, j'étais sur qu'on mourrait à peu près le même jour ce qui m'aurait dispensé de trouver un nouveau coiffeur vu que celui-ci me convenait. Hélas, après quarante-quatre ans de travail, ce fainéant de Pierre a décidé de prendre sa retraite et me voici seul sur le carreau.

Alors, il y a eu la dernière coupe. C'était en juin. Pierre m'a dit que le salon était vendu que le nouveau propriétaire ferait des travaux pour rouvrir en septembre. Ma gorge s'est serrée mais je n'ai rien dit. Lui, il s'en foutait un peu, imaginant déjà sa retraite dorée dans le sud sans se soucier une seule seconde de mon avenir capillaire. Il se voyait déjà aider sa fille installée comme fleuriste et s'occuper de ses petits-enfants. Il était tout à sa joie de cesser son activité. Moi, je faisais bonne figure appuyant chacun de ses dires et feignant de l'envier pour le bon temps qu'il allait prendre. Alors que de vous à moi, la retraite c'est juste l'antichambre de la mort.

Je me suis levé j'ai payé et je suis sorti pour la dernière fois de ce salon. Je me suis retourné et j'ai même fait une photo avec mon Iphone pour immortaliser ce souvenir des jours enfuis, c'est vous dire si je suis crétin parfois. Ce salon, c'était vingt-sept années de ma vie. Pensez que du premier au dernier jour que je l'aurais fréquenté, mon filleul Lapinou aura eu le temps de naître, de passer son bac, de devenir commissaire aux comptes et de se marier. Déjà une belle tranche de vie non ?

Bon fort heureusement, Pierre et moi on se connait suffisamment, vu qu'on s'est fréquentés quarante années durant pour avoir trouvé une solution. Il continuera à me coiffer jusqu'à ce que ses mains soit déformées par l'arthrite. On se démerdera de toute manière, dut-il tenir ses ciseaux entre les dents. Entre nous, c'est à la vie à la mort. La vie m'a suffisamment offert de deuils contre lesquels je ne pouvais rien si ce n'est accepter pour supporter qu'elle m'enlève mon coiffeur.

Alors, je garderai Pierre coute que coute. Voilà c'était ma chronique capillaire. Ça m'a fait du bien de vous parler. La vie n'est pas toujours facile comme vous le savez. Vous le constatez aujourd'hui.


Partir, c'est mourir un peu,
C'est mourir à ce qu'on aime :
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu.
C'est toujours le deuil d'un vœu,
Le dernier vers d'un poème ;
Partir, c'est mourir un peu.
Et l'on part, et c'est un jeu,
Et jusqu'à l'adieu suprême
C'est son âme que l'on sème,
Que l'on sème à chaque adieu...
Partir, c'est mourir un peu.
 
Le Rondel de l'adieu, Seul
Edmond Haraucourt (1856-1941)