Voici bien des années, si quelqu'un m'avait parlé d'astrologie, je l'aurais envoyé chier, sur de moi et convaincu que "tout ça ce n'était que des conneries". Depuis que j'ai vu à l'œuvre Michel, ce type dont je vous ai parlé et aux obsèques de qui j'étais cette année, j'ai été troublé. Ce type rentrait dans n'importe quel rade et découvrait avec une probabilité proche de cent pour cent le signe astrologique de tout le monde.
Et pourtant, Michel était tout sauf un baltringue idiot croire à n'importe quelle supercherie. Déjà, il n'avait pas le genre
gonzesse crédule parce qu'avec environ vingt-huit années de prison cumulées pour vols et braquages à main armée, le gars Michel n'était pas vraiment un pleutre.
C'était aussi un super rationaliste, en mesure de prendre la tête à tout cureton ou pseudo-magicien venu le chatouiller sur ses "croyances". Michel ne croyait pas, il savait et ça c'était autre chose. Comme tous les gens atteints d'une énorme trouble bipolaire et non soigné, il semblait parfois "branché" sur autre chose.
Je l'ai vu dans au cours de crises hypomaniaques dans des états hallucinés proche du chamanisme, percevant le monde par des sens totalement exaltés, comme connecté à des choses que je ne ferais qu'intuiter sans jamais les voir.
J'ai souvent eu ce même sentiment face aux vrais musiciens. Je parle des vrais et pas des trous du cul tout juste capables de gratter trois accords et leurs renversements sur leur guitare en se prenant pour Clapton. Ils me parlent, et je décrypte. Je n'ai pas un pour cent de leur talent mais j'ai suffisamment fait de piano et surtout d'harmonie pour détecter un vrai musicien d'un gros fake. Et les vrais musiciens, et sans doute les vrais artistes, ont tout ce truc en plus : ils sont connectés à autre chose auquel que le commun des mortels n'aura jamais accès. Pour ma part, je pense que j'aurais pu être un assez bon mélodiste parce que c'est facile mais certainement pas un vrai musicien.
Michel avait ce talent, ce don apparemment terrifiant de deviner les gens. Et comme moi, je suis un super rationnel, le pur type "pensée" décrit par Jung, j'observais et je mettais en équation et j'ai compris qu'il n'inventait rien. Là où moi, gros scientiste idiot pétri de savoir universitaire je ne voyais rien, lui qui s'était tant écarté des sentiers battus voyaient d'autres choses, une sorte de méta-univers auquel mes barrières mentales m'interdisaient l'accès.
A cette époque, lui qui avait vingt ans de plus que moi, était totalement libre tandis que j'en étais encore à n'utiliser que ce qui était certifié par les bons professeurs. J'étais un sale petit étatiste qui attendait que l'université valide quelque chose pour m'en servir. Et pourtant de Galilée à Clément Ader en passant par Pasteur, Semmelweiss ou Schou, j'avais en mains toutes les preuves me convaincant que les censeurs étaient rarement les plus brillants et les plus avisés mais simplement des abrutis parvenus à leurs places grâce à leur discipline et à leur acharnement à sanctionner les vrais chercheurs.
Finalement, étonné par les discours de Michel, j'avais décidé d'acheter quelques livres sur l'astrologie. Me défiant des textes trop simples, j'avais choisis des livres plutôt ardus. Les pires côtoyaient les meilleurs. Quelques mois après, j'étais capable de monter un thème sans aucun problème sans pour autant croire aux horoscopes que je n'ai jamais lus.
Ce qui m'était apparu comme presque magique dans la pratique de Michel m'était devenu familier. A force de voir les gens agir, j'avais finalement trouvé le point commun entre tous et j'étais capable de distinguer à peu près tous les signes. Ce n'était finalement qu'un profilage de plus, une autre grille de lecture de la personnalité, pas plus idiote que la psychopathologie qu'on nous enseigne en faculté ou d'autres types de grilles de lectures que proposent les tests ou les systèmes échafaudés par de brillants confrères. On observe, on note les traits saillants et on met en boîte et si l'on fait cela bien, on a peu de risques de se tromper. Quant à savoir, si ce sont les planètes qui influent ou non, je n'en ai pas la preuve et je m'en contrefiche. Le plus utile est de tenter de percevoir les comportements les plus fréquents chez un individu.
L'un des premiers que j'ai ennuyé avec cela fut mon psychanalyste. Un jour que je lui tenais le discours que je tiens dans cet article, ce brave psychiatre m'expliqua que tout ceci était faux et d'ailleurs que le grand
Eysenck lui-même n'y croyait pas. Tout cela ne me toucha pas plus que cela parce que quelques soient les mérites d'Eysenck, j'étais persuadé que ce qu'il disant n'était qu'une opinion et non le fait d'une recherche.
Ce jour là, j'expliquai à mon psychanalyste que je savais par exemple qu'il était né sous le signe du taureau. Il fut surpris et il l'admit et me demande comment je le savais. Je lui répondis que c'était simple. Malgré ses soixante-dix et quelques années, il était toujours coquet, n'hésitant par exemple pas à se teindre les cheveux qu'il aurait du avoir gris ou blancs. Il était toujours assez élégant et on sentait chez lui une forme de sensualité au sens premier du terme. Telle était ma première piste. J'en avais déduit qu'il était ce que l'astrologie nomme un vénusien.
De ce fait, il aurait pu être né sous le signe de la balance ou du taureau. Toutefois, nul n'imagine qu'un jouisseur aussi esthète qu'une balance puisse jamais faire des études aussi longues et exigeantes que médecine. En revanche, un esthète plus matérialiste comme un taureau en aurait été capable.
Dans sa pratique même, il n'y avait pas de finesse, pas de grande imagination mais une connaissance totale et parfaite de la psychopathologie et des écrits de Jung. Tout cela formait un socle roboratif et sérieux mais assez "bourrin" dans la manière dont il s'en servait. J'étais donc persuadé qu'il était né en mai.
Comme il me regardait sans rien dire, je décidais de poursuivre. Je lui dis que de temps en temps, il avait de belles intuitions délétères et que sa vocation était réelle. J'avais aussi noté de nombreux livres sur les voyages dans sa bibliothèque. Cela sentait le "signe d'eau" et sans doute avait-il un ascendant cancer.
Je ne m'étais pas trompé, il était bien natif du signe du taureau, né un onze mai, et ascendant cancer. Ce qui m'amusa, c'est qu'il me parla de statistiques, de coup de chance, etc. Je lui répondis que justement statistiquement il était peu probable que je devine le signe et l'ascendant et que de plus, j'avais étayé mon argumentation, étant moi-même totalement dépourvu de la moindre intuition. La seule chose que je possède, c'est ma faculté d'observation et ma capacité à mettre tout cela en équations.
Lors de cette séance, nous nous quitames bons amis, lui ses positions vacillantes, moi sur les miennes raffermies. Et bien sur dans ma pratique de tous les jours, je n'ai jamais fait état de tout cela car je passerais vite pour un charlatan. De plus, il est bien connu que seule la science officielle est valide et valable.
Et chacun sait qu'elle dit toujours la vérité. Prenez le cas du syndrome de mort subite du nourrisson : après avoir expliqué qu'il fallait les coucher sur le ventre, il faut maintenant les coucher sur le dos à moins que ce ne soit l'inverse jusqu'à ce qu'un type un peu plus malin parvienne à découvrir quelque chose. La science officielle sait tout et ne se trompe jamais. C'est normal il y a l'estampille de l'état.
On sait aussi que juste avant que la
Jamais contente ne batte le record de vitesse mondiale, tous les médecins étaient d'accord : passé cent kilomètres à l'heure, le cerveau serait soumis à une telle pression que le conducteur mourrait ! Pour ma part, j'ai réglé le limitateur de vitesse sur 99 km/h ... on ne sait jamais !