29 novembre, 2010

Les jeunes sont un peu cons ...



... mais il ne faut pas leur en vouloir ! N'allez pas imaginer que je pense sincèrement que les jeunes soient vraiment des cons. Non, en fait ils ne le sont pas vraiment, ils sont juste légèrement handicapés mentaux. Je m'explique !

Parfois en soirée, quand je révèle ma profession, il arrive qu'on me pose des tas de questions, un peu comme si je détenais les secrets de la vie et de la mort. A  plusieurs reprises, on m'a ainsi demandé :si c'était vrai que tout était fixé avant six ans ? Depuis que Freud a sorti cette énormité, la psychologie du développement a beau eu faire des progrès terribles, nul ne s'en soucie, les gens préfèrent toujours s'en tenir à la scolastique psychanalytique. C'est un modèle simpliste, ne tenant aucun compte des différences entre individus, ni surtout des progrès scientifiques considérables, avec lequel tout le monde peut jouer au psychologue en affectant de comprendre absolument tout. Et puis la causalité parentale explique tout ; de toute manière si ce n'est pas psychologique, ce sera génétique.

Évidemment, rien n'est fixé à l'âge de six ans et le cerveau de l'enfant continue à se modeler jusqu'à ce qu'il atteigne la maturité de l'adulte, quand il y parvient.  Grâce aux neurosciences et à l'imagerie médicale, nous sommes surs d'une chose : les adolescents et  les tout jeunes adultes n'ont pas le même cerveau que nous autres, les adultes responsables.

Ainsi, hier lors de cette terrible tempête de neige qui m'a trouvé coincé dans ma vieille 304, le jeune Thomas m'a submergé de SMS auxquels j'ai répondu. Il voulait aller je ne sais où et je lui disais que compte-tenu du temps, ce n'était pas forcément une bonne idée. Il m'a opposé des tas d'arguments idiots auxquels j'ai répondu par un ferme et défintif : "tu es majeur, fais ce que tu veux." L'expérience enseigne en effet qu'il ne faut jamais dialoguer avec un jeune.

J'ai ensuite rajouté qu'après une sortie de route sur le verglas, lorsqu'il serait broyé par les minces tôles de sa Twingo, le froid le tuerait bien plus vite que ses blessures et que les pompiers  ne trouveraient qu'un cadavre rigidifié. D'ailleurs, il parait que mourir de froid est une belle mort : on s'endort et zou. Je lui i juste demandé s'il préférait que l'on mette "Thomas" sur sa couronne ou s'il préférait que l'on fasse écrire "Lapinou", surnom que nous lui donnons.


Le jeune Thomas n'a pas voulu s'en laisser conter et m'a opposé différents arguments et a même laissé entendre que je n'étais qu'une sorte de vieillard peureux. Pourquoi pas ! Je n'ai pas voulu entrer dans un débat stérile aussi lui-ai je simplement dit que je refusais de parler à un post-adolescent dont le cerveau était mal myélinisé ! Que n'avais je pas dit là ! Le jeune inculte m'a renvoyé un SMS dans lequel il m'a juste écrit "koi ?". Je n'ai évidemment pas poursuivi, laissant à ce jeune cuistre le soin d'aller chercher la signification de ce terme un peu technique. Si je veux bien enseigner aux jeunes, j'attends d'eux qu'ils aient tout de même un niveau minimum, une sorte de smic lexical nous permettant des échanges fructueux.

En bref, les progrès dont je parlais plus haut nous ont enseigné deux choses. Les résultats de récentes études IRM d’envergure, portant sur le développement cérébral tout au long de la vie, indiquent que certaines des aires du cerveau impliquées dans la cognition sociale subissent un développement prolongé tout au long de l’adolescence. Dans certaines parties du lobe frontal, du lobe temporal et du lobe pariétal, l’épaisseur de la couche de matière grise à la surface du cerveau évolue selon une courbe en forme de U inversé dont l''apogée intervient à l’adolescence. Dans ces aires sociales du cerveau, l’épaisseur de la matière grise augmente tout au long de l’enfance, atteignant son maximum aux environs de la puberté ou durant le début de l’adolescence. pour subir ensuite un amincissement graduel tout au long des années restantes de l’adolescence. L’une des explications avancée pour l’augmentation locale de l’épaisseur de la matière grise jusqu’à, et aux environs de, la puberté est que le nombre de connexions synaptiques augmente (synaptogenèse). L’amincissement de la matière grise, qui intervient par la suite durant le reste de l’adolescence refléterait, alors l’élimination de certaines de ces synapses – aboutissant à des circuits neuronaux plus finement adaptés, qui répondront de manière optimale à la tâche en cours. En bref, la science nous permet de comprendre qu'un adolescent qui se prend la tête en écoutant Kurt Cobain n'est pas forcément un grand penseur ni surtout et fort heureusement un schizophrène mais sans doute un pauvre gamin dont les circuits neuronaux sont mal spécialisés ce qui aboutit à des pensées diffuses, partiales et un peu bêtes. Il ne faut donc pas s'alarmer de voir des gosses de quinze ans s'enrôler dans les manifestations et surtout ne pas y voir un véritable engagement politique mais plutôt une manifestation de ce que l'on appelait autrefois l'âge bête.

Un autre changement neuroanatomique majeur, observé grâce à l’IRM, est le fait que, tout au long de l’adolescence (et même passé vingt ans), le volume de la « matière blanche » constituant le cœur du cerveau augmente régulièrement. Il y a maintenant des preuves sérieuses indiquant que cette augmentation constante du volume de matière blanche au cours de l’enfance, de l’adolescence et au-delà, reflète la myélinisation. La myéline isole les axones et améliore considérablement la vitesse de circulation des influx nerveux. À partir de la naissance et jusqu’au début de l’âge adulte, la myéline s’enroule progressivement autour des fibres axonales, accélérant la transmission des signaux à l’intérieur du cerveau. Cela semble être particulièrement vrai dans les aires cérébrales « associatives » d’ordre supérieur, qui gèrent les fonctions cognitives complexes, contrairement aux aires de traitement sensoriel primaire qui sont totalement myélinisées relativement tôt dans la vie. Nous avons donc la preuve qu'un cerveau pauvrement myélinisé donnera des cognitions approximatives. 

Si nous associons cela à ce que j'exposais précédemment, nous avons donc compris que le jeune pense non seulement trop (trop de neurones) mais aussi mal (pas assez de myéline). Dès lors les arguments de Thomas que j'aurais pu juger idiots, n'apparaissent que congruents par rapport à l'évolution imparfaite de son jeune cerveau.

Bien entendu, tout ceci n'implique pas qu'il ne faille pas écouter ni soutenir les jeunes mais simplement se souvenir de notre rôle d'adultes et avoir une "juste distance".  Notre rôle est de les structurer et non de faire du jeunisme. Faire voter les jeunes de plus en plus jeunes, les associer trop précocement à des enjeux qu'ils ne mesurent pas, est donc une hérésie.Même si je n'en disconviens pas, certains jeunes sont plus murs que d'autres.

"Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait" dit un proverbe. Peut-être que c'est une bénédiction que les vieux ne puissent pas comme les jeunes. D'ailleurs, des institutions politiques comme le Sénat dont l'origine étymologique vient de senex, le vieillard, étaient là pour contrebalancer la fougue des jeunes. Peut-être que les proverbes viennent du fait que l'on ne sache plus contrebalancer la jeunesse en se contentant de les suivre. Ainsi, tout le monde a en mémoire la prestation grotesque d'un Balavoine (R.I.P.) s'exprimant au nom des jeunes face à un Mitterrand feignant de le comprendre (vidéo ci-dessous).

Les jeunes sont donc souvent un peu cons mais on ne peut pas leur en vouloir. En tout cas, moi qui ai un cerveau totalement myélinisé, je m'interdis de me moquer d'eux et je regarde d'un air amusé leurs lubies et autres engagements. Plus d'explications ici.

26 novembre, 2010

Poésie hivernale !


L'hiver s'abat sur l'Ile de France. Les feuilles achèvent de tomber et la température aussi. C'est ainsi qu'hier, je retrouve mon vieux scooter couvert de givre ! Si j'arrive à dégager à peu près le pare-brise afin d'y voir clair, j'ai beau gratter la selle, rien n'y fait et le givre épais résiste à mes tentatives. Je démarre, laisse chauffer l'engin quelques minutes et m'assied.

Le froid transperce immédiatement mon jean. J'ai beau avoir peu de kilomètres à faire, je sais qu'en fondant sous mon postérieur les cristaux de givre vont fondre, se transformer en eau glacée, rendant mon trajet tout à fait inconfortable. En plus, la faible pellicule de neige à commencer à geler, se transformer en verglas. Le trajet qui prendrait habituellement peu de temps, se transforme en calvaire. J'ai le scrotum et l'anus gelé, la partie que l'on appelle usuellement zone urogénitale baignant dans l'eau glacée imprégnant mon jean.

Imaginez un peu mon désarroi ! En plus, je dois affronter une grande ligne droite balayée par la bise qui a achevé de glacer la neige. Je la vois luire devant moi annonciatrice de glissades et de tas de dangers potentiels. Me voici roulant à dix à l'heure, les pieds de chaque côté à motié sur le sol, tentant de sentir si le verglas est là. Et bien sur, cela ralentit d'autant mon trajet et j'ai de plus en plus froid au cul.

J'arrive enfin chez moi, le fondement complètement anesthésié par le froid. Je crois que j'aurais pu me faire enculer par un éléphant sans rien ressentir !

Tout à l'heure, rebelote ! Notre lave-vaisselle étant naze, ma dispendieuse épouse en a commandé un sur le net que je dois aller chercher dans un entrepôt. Comme je n'ai pas de véhicule adéquat, je m'en fais prêter un. Il s'agit d'une vieille 304 break de 1972, étincelante dans sa livrée vert vomi. Bien sur, le chauffage ne marche pas et la soufflerie anémique m'envoie un filet d'air glacé en plein visage qui n'empêche pas la buée d'envahir l'habitacle étroit. Évidemment, les sièges en skaï orange sont la pire des choses et réveillent en moi des souvenirs de jeunesse oubliés ! Le skaï c'est super, c'est brulant et collant en été et gelé et glissant en plein hiver; Bref, le skaï est une matière merdique qui réagit en dépit du bon sens.

Et moi, encore une fois, parce que c'est de saison, je commence à me geler le cul. Et pour comble de malchance, c'est une vraie tempête de neige qui commence. Comme dirait  Baudelaire, quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, ça fait vraiment chier surtout quand il dégueule de gros flocons et qu'on se trouve au volant d'une antiquité. 

Pour comble de malchance, l'embrayage n'étant pas de toute première jeunesse, il n'est pas facile de conduire sur ce sol glissant. La bagnole part un peu dans tous les sens et je tente de la ramener en douceur dans le bon sens. Et il fait de plus en plus froid, et le skaï est gelé et j'ai encore la zone urogénitale qui s'anesthésie et les mains aussi, collées sur le large volant de bakélite.

Vous me croirez ou non, en arrivant au gourbi pour prendre livraison du lave-vaisselle, j'avais encore le cul gelé mais finalement moins gelé qu'hier ! Je pense que j'aurais senti un éléphant m'enculer mais sans doute qu'un ours aurait pu sans que je ne m'en aperçoive. Il y a du progrès par rapport à hier et on pourra en déduire qu'on a plus froid au cul sur un scooter que dans une vieille Peugeot 304. 

Bon voilà, c'était un peu de poésie hivernale, un peu ma manière de marquer l'entrée dans cette rude saison ! J'aurais pu vous dire : Le nez rouge, la face blême, Sur un pupitre de glaçons, L'Hiver exécute son thème, Dans le quatuor des saisons, mais ce n'est pas trop mon style.

21 novembre, 2010

L'enveloppe des morts ! Brrrrr ...


Bon, alors comment vous raconter l'histoire sans que la personne concernée ne sache que je parle d'elle ! Pas facile ... Allez admettons qu'elle ait trente ans, soit grande et brune. Et hop, je suis sur qu'elle ne s'apercevra de rien du tout. Je peux y aller.

Alors voilà, elle est venue à un diner que nous organisions accompagnée de son mari. Comme je la connais depuis plus de vingt ans, je ne suis plus surpris par ses comportements ... un peu erratiques. Compte-tenu de ma profession, j'ai l'habitude et elle m'amuse plus qu'elle ne me fait peur même si au premier abord, elle pourrait décontenancer quiconque n'ayant pas ma solide expérience clinique.

Samedi soir, elle avait une enveloppe à la main. Soudain, après s'être assise et avoir pris sa coupe de champagne, elle a attendu d'avoir toute l'attention nécessaire et nous a enfin expliqué que la mystérieuse enveloppe qu'elle tenait en main contenait des photos d'un ami décédé depuis peu. Il s'agissait d'un type qu'elle n'avait pas vu depuis trois ans mais qui prenait maintenant de l'intérêt compte tenu de son décès dans des circonstances assez tragiques. Le pauvre gars était en effet décédé d'une grave tumeur au cerveau hélas inopérable du fait de sa forme "en coin" dont seule l'extrémité était apparente, tandis que le gros était enfoncé bien au chaud dans la matière grise : une sorte de "tumeur conique".

Raconté par n'importe qui, l'histoire aurait été assez triste. Mais là, l'aspect tragique était gommé par le fait que nous ne connaissions pas ce type mais aussi par le fait que cette amie ne semblait pas s'être soucié de lui de son vivant puisqu'elle avait appris son décès par hasard.  Et là, comme si la mort devait tout nimber d'une solennité terrible, la voilà qui prenait son air de chien battu et sombrait dans un pathos terrible. Tout cela nous faisait rigoler. Enfin, il faut avouer que parler du décès d'un type qu'on ne connait pas ne risquait pas forcément de nous arracher des larmes. non qu'on soit cruel, mais bon il y a des limites à la sensibilité. Moi ce qui m'a tait rigoler, c'est qu'il y avait une photo de mariage de ce type mort sur laquelle figurait l'amie en question affublée d'un chapeau assez ridicule.

Voyant qu'on ne se souciait pas trop de son ami mort, elle s'est contentée de rester assise en regardant de temps à autre la photo. Quand soudain d'autres amis son arrivés, qui eux, auraient pu connaitre le mort. Leur ayant fait part de la triste nouvelle, l'effet escompté ne s'est pas produit. Parce qu'en effet, s'ils se souvenaient avoir rencontré ce type voici quinze ans environ, ils  en avaient aucun souvenir. Et après avoir dit que c'était fort triste, ils ont parlé d'autres choses avec nous parce qu'eux non plus, n'avaient pas envie de passer la soirée à parler de la mort d'un inconnu ou de la mort tout court d'ailleurs.

Tant et si bien, que l'amie s'est trouvée isolée dans sa peine avec son enveloppe remplie de photos de son "ami" mort. Puis, voyant qu'elle n'aurait aucun intérêt ni compassion d'aucune sorte de notre part, elle est partie s'asseoir à table en boudant toute seule. Ayant ouvert sa fameuse enveloppe, elle a étalé ses photos. Il m'a semblé qu'il y en avait plus. Elle les regardait fixement en marmonnant je ne sais quoi, murée dans son monde.

J'ai été un peu mal à l'aise. J'ai imaginé que dans l'enveloppe il y avait des photos de nous tous, présents à ce diner. Sans savoir pourquoi, je me suis mis à penser à Carrie, cette grande hystérique, dont un film avait été tiré du roman de Stefen King, qui fout le feu dès qu'on l'emmerde un peu. J'imaginais cette amie, ayant face à elle une photo de nous, pointant sur nos visages une épingle et marmonnant pour se venger "pic pic pic, t'as une tumeur conique". 

Depuis cette soirée, on a tous un peu peur d'avoir une photo de nous dans l'enveloppe des morts !

20 novembre, 2010

Aide à blogueur !

Je viens de réaliser que le Gringeot avait rouvert son blog. Même si son article était superbe, j'ai constaté qu'il en était réduit à poser cul nu pour attirer le chaland. Alors connaissant son fond de commerce et ayant le désir de l'aider, je tenais à lui filer l'information suivante, au cas où il voudrait l'exploiter.

Vitalité !


Tout à l'heure, je suis parti apporter mes chèques à la banque. J'avais dit à mon épouse de ne pas s'inquiéter, que je ferais l'aller-retour et que je serais là dans un quart d'heure. Il se trouve que j'ai rencontré un bon pote à la banque qui me dit qu'il en avait pour cinq minutes avec son conseiller. 

Cinq minutes après, nous fumions une clope devant la banque quand l'un de nous, lassé d'avoir froid a dit à l'autre : "si on allait boire un coup ?". Aussitôt dit, aussitôt fait, nous voici dans notre rade favori afin de papoter un peu. Et comme à la longue, on finit par connaitre tout le monde, un troisième larron se joint à nous pour discuter. En fait de quart d'heure, je sais que je serai de retour chez moi dans une petite heure. De toute manière à l'heure du portable, si on a besoin de moi, on m'appelle comme on sifflerait un chien et zou, j'arrive ventre à terre. 


Ce troisième larron, je le connais moins. Je sais juste qu'il avait une boutique, que les affaires se sont mal passées et que manifestement, il aurait commis quelques écarts de gestion. Parce qu'aujourd'hui pour être interdit de gérer durant cinq ans, il faut y aller fort ! Mais au-delà de son aspect un peu filou, le mec est vraiment sympa et positif.

A sa place, la plupart des gens seraient en train de se lamenter, aurait fini par noyer leur chagrin au fond d'une bouteille mais lui, il a rebondi comme il a pu. Il se noyait et paf, il s'est accroché à une planche, une simple planche mais ça l'a sauvé. Il était patron, il se retrouve serveur dans un tout petit restaurant, mais il s'en fout. Il continue à rester sympa, il ne gave personne avec ces problèmes, il est positif, et il arrive même à remonter le moral de mon pote dont les affaires ne vont pas très bien mais qui vit quand même dans une baraque à un million et demi d'euros.

Et puis, on lui demande aussi de ses nouvelles et il nous raconte sa vie en rigolant. Il nous explique que comme il n'a même plus les moyens de se payer une bagnole, ile st obligé de prendre le bus. Et en plus il rigole en nous précisant que de toute manière même avec les moyens, il n'aurait pas de bagnole parce qu'on lui a fait sauter son permis. Et ce dingue en rigole de bon cœur. Moi je me sens un peu coupable en songeant que déjà un simple rhume c'est l'épreuve ultime pour moi et que j'imagine qu'il n'y a pas plus grande souffrance.

Et puis, il nous raconte que le soir quand il finit tard son service après dix heures de boulot, il est obligé d'aller choper un bus en marchant pres de quarante minutes. Et il raconte cela comme si c'était un aléa tout con, une sorte de bonne blague que lui fait la vie. Il nous explique qu'au moins il peut bouffer comme quatre en gardant la forme. Le mec est sympa positif et rigolo.

Je l'écoute et l'observe et me demande quel est son secret. Si j'étais neurochirurgien, je demanderais à mon pote de le tenir là sur la table et je lui trépanerai le crâne pour connaitre son secret, je disséquerais son cerveau pour savoir où se situe la glande de la bonne humeur perpétuelle ou faire tout un tas d'analyse pour savoir si le mec n'est pas né avec une sorte de production de coke intégrée en lui.

Je sais qu'il n'a rien de tout cela. Il est juste né sous le signe du sagittaire. Je n'aime pas trop les sagittaires, ce sont des esthètes jouisseurs mais putain qu'ils sont doués pour prendre la vie du bon côté. C'est Chirac ! Aucun tourments, rien de difficile qui ne trouve de solution, le sagittaire vient au monde sans l'option prise de tête. 

Putain quelle belle vitalité. Mais ce qui me rassure, c'est que je suis bien plus intelligent que lui. Parfois, je me dis qu'être con a aussi du bon : "Soyez comme les petits oiseaux ..." Mon pote Olive qui n'est qu'ascendant sagittaire est comme cela. Hier, je l'ai croisé, il venait chercher un devis pour les pneus de sa Ferrari. On lui a annoncé mille-sept cents euros pour les gommards et cela le faisait rigoler. Mais putain comment font ils ?

Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent ni ne recueillent en des greniers, et votre Père céleste les nourrit ! Ne valez-vous pas plus qu'eux ? 
Matthieu 6-26

"Soyez comme l'oiseau, posé pour un instant sur des rameaux trop frèles, qui sent ployer la branche, mais qui chante pourtant, sachant qu'il a des ailes"
Victor Hugo 

Les histoires d'amour ...


Contrairement à ce que chantaient les Rita Mitsouko, emblématique de mon époque, les histoires d'amour ne finissent pas mal en général. Mais quand elles finissent, cela se passe toujours mal. D'ailleurs, j'ai toujours eu du mal à comprendre les gens qui pouvaient revoir leur ex et déjeuner et rigoler. Il faut soit avoir laissé coulé beaucoup d'eau sous les ponts soit ne pas avoir aimé. Ou alors être fichu de telle manière qu'un "clou chasse l'autre" et que le temps fasse rapidement son oeuvre. Moi, en tout cas, j'ai bien trop de mémoire pour oublier.
C'est une épreuve que de recevoir des patients qui viennent me raconter leurs tourments amoureux. ; j'en ai régulièrement et encore la semaine passée. L'expérience et les connaissances faisant, je me rends très vite compte si une histoire d'amour est morte ou mérite d'être sauvée. Je suis comme le médecin du SAMU arrivant sur les lieux d'un accident de la route qui ne prend même pas la peine de se pencher sur une victime en sachant que le temps qu'il va perdre à tenter de sauver quelqu'un qui est déjà presque mort, sera autant de temps perdu pour tenter de sauver quelqu'un qui peut l'être. 

Mais bon, comme il n'est ni dans mes principes, ni souhaitable de dire à la personne venue consulter que tout est fini, je me montre patient et j'écoute. On tente des choses, on échauffaude des hypothèses et des stratégies qui bien sur ne marcheront pas ou seulement un bref instant comme si on réanimait quelqu'un, qu'on se réjouisse que le coeur reparte et que tout s'arrête dans la seconde d'après. Quand c'est mort, c'est mort, et les histoires d'amour sont comme les personnes, avant de mourir, elles portent en elles tous les stigmates de la fin prochaine et inéluctable.

D'ailleurs les gens qui me consultent, hommes comme femmes, le savent déjà que tout est fini. Ils me consultent comme on viendrait voir une sorte de gourou après que la médecine officielle n'ait rien pu faire, en attendant un miracle. On mise sur la psy, comme si nous avions dans nos boîtes à outils des recettes fantastiques concoctées à base de "prises de conscience", de "compréhension", sans oublier un zeste de "lâcher prise" sans quoi le plat serait raté. 

A force de regarder Confessions intimes sur TF1, les gens en viennent à imaginer que l'on sera comme ces confrères médiatisés, qui n'ont qu'à pointer le bout de leur nez, visionner un bout de séquence vidéo, pour trouver ce qui n'allait pas, en faire prendre conscience aux gens, et repartir ensuite vers d'autres aventures. En vérité je vous le dis (pff je parle comme le Christ mais bon je suis capricorne aussi), en vérité donc je vous le dis, ces émissions sont bidons et scénarisées et je sais que 95% des cas présentés sont soit faux soit se termineront mal devant un JAF pour s'engueuler à propos de garde des enfants et de pensions alimentaires.

Les gens le savent mais préfèrent rêver et je crois que je serais un peu comme eux, parce que c'est plus sympa de sembler de croire au père Noël même quand on sait qu'il n'existe pas. C'est sympa de garder un biais d'inférence positif. C'est génial de regarder sa jambe pourrie par un cancer des os, un vilain ostéosarcome, et de se dire que non, l'amputation peut être évitée malgré la tête dépitée de l'oncologue qui sait lui que vous n'avez plus aucune chance de la garder. On a tous besoin de croire en quelque chose. C'est peut être l'opium du peuple mais l'opium c'est bon sinon personne n'en prendrait.

Et puis les histoires finissent par mourir alors mon seul travail consiste à ramasser les morceaux de la personne qui est en face de moi et à les recoller. Et si je le peux à faire en sorte qu'elle sorte grandie de cette histoire, que cet échec ne soit pas une fin mais un point de recommencement. C'est vraiment la seule prestation que je puisse offrir. 

Vraiment, je déteste ces histoires d'amour qui se meurent, quand on sait que la relation est morte mais que l'on continue à lutter en faisant semblant d'y croire : ce sont vraiment les heures les plus sombres et les plus dures. Comme disent les ricains :" Life is what happens when we have made other plans."

19 novembre, 2010

Léthargie !


A cette période de l'année, les ours se cherchent des grottes pour passer l'hiver en hibernant tandis que Le Gringeot se réveille !

Eh oui, son blog a repris du service et c'est ici. En prime un calendrier avec le Gringeot nu à toutes les pages.

Morale pratique !



Ma profession offre bien des surprises. C'est ainsi que si les pathologies restent globalement les mêmes, je reçois en revanche des gens de toutes conditions et de tous âges. Cette semaine, magistrat, médecin, avocat, journaliste, pharmacien, négociateur immobilier, ingénieur, réalisateur, chômeur, etc. se sont ainsi succédés dans mon antre. A la longue, on finit un peu par s’y habituer et connaitre pas mal de choses sur beaucoup de secteurs d'activités.

Mais voici quelques semaines, j’ai eu quelqu’un qui sortait de l’ordinaire. Envoyée par un médecin, une sorte de   jeune et grande liane blonde plutôt très bien faite de sa personne est apparue dans mon cabinet. La plupart des médecins ne prennent même plus la peine de me faire un mot dans lequel ils m’expliquent pourquoi ils m’envoient un de leur patient. Cette fois ci, j’en avais un très détaillé qui me précisait par le menu tout ce dont souffrait cette charmante demoiselle.

Malgré une apparente froideur, le contact est bien passé entre elle et moi. Toutefois, j’ai constaté qu’elle avait un peu de mal à m’expliquer ce qu'elle faisait dans la vie. Elle avait un travail assez commun et je trouvais que sa tenue n’était pas vraiment en adéquation avec les revenus qu’elle aurait du avoir. Alors, elle m’a expliqué, avec un peu de difficultés, comme si elle avait peur de me choquer.

Elle a tourné autour du pot, a tâté le terrain et a commencé à me dire qu'elle avait des préférences étranges. Aussi léger qu'une plume, je n'ai pas bougé me contentant de l'encourager à me parler. Je m'attendais au pire : relations SM, gang bang, amatrice de chauves en Harley, enfin des trucs extrêmes quoi. Elle m’a sourit et s’est contenter de me répondre par une litote en m’expliquant qu’elle aimait bien l’argent et qu’il ne lui déplaisait pas de faire payer les hommes. Pour détendre l'atmosphère, je lui ai précisé que ce soir malheureusement, c'est elle qui allait m’en donner.

Alors, finalement elle s’est lâchée en m’expliquant qu’elle ne détestait pas tarifer ses prestations lorsqu’elle était avec un homme. Elle me dit ainsi que quitte à coucher avec un type qui ne lui plaisait pas plus que cela, autant le faire payer. Je lui ai répondu benoitement qu'elle pourrait aussi coucher gratuitement avec un type qui lui plaisait avec ce que l’on nomme trivialement des « sentiments ». Et là, la mignonne m’a répondu qu'elle était pour le partage des tâches. Que pour elle, un homme se devait de l'entretenir mais qu'en revanche, elle savait cuisiner et tenir un intérieur. C'est assez amusant quand on songe qu'elle n'a pas encore trente ans. C’est presque réconfortant de constater que les valeurs traditionnelles perdurent chez les jeunes. Puis, elle m'avoue que les sentiments, ce n'est pas son truc et qu'elle n'a jamais été amoureuse.

Afin de clarifier les choses, je lui ai demandé si elle était « prostituée occasionnelle ». Elle m’a aussitôt corrigé en m’expliquant qu’elle n’était qu’une « excort girl », qu’elle faisait de « l’escorting » et rien de plus. C'est la nouvelle tendance pour la prostitution de se dire escort-girl, ça choque moins le badaud et ça permet de baiser en tarifant ses prestations en gardant un peu d'estime pour soi. Durant un temps, certaines ont tenté de s'appeler "travailleuse du sexe" mais ça donnait un côté militant de gauche pas très glamour. Entre aller aux putes ou dire qu'on allait voir une travailleuse du sexe, le choix était vite fait. 

Ma chère patiente après m'avoir dit cela a attendu ma réaction. Je n’ai pas trop su quoi trop quoi dire. D'abord, parce que ce n'est pas la première femme à s'être prostitué que je reçois. D'autre part, parce qu'au moins, elle est claire et directe et puis que je ne suis pas là pour la juger. D'ailleurs, je connais des femmes mariées, dont l'union n'est rien d'autre qu'un putanat matriarcal. Alors pourquoi les excuser elles et blâmer ma chère patiente.

Que faire ? Dois-je lui faire de gros yeux en lui parlant d'estime d'elle-même, lui vanter les mérites de l'amour véritable, lui parler des dangers liés à sa profession ou ne rien dire ?  Lui faire "hmm hmm" comme un psychanalyste d'un air entendu pour lui faire comprendre que j'ai justement tout compris. Je décide de ne rien dire. Et puis, je me retranche derrière mon libéralisme. Si un manœuvre peut vendre sa force de travail et donc de ce fait son corps, pourquoi ne louerait-elle pas le sien ?

C'est marrant, enfin "marrant" n'est pas le terme approprié, j'ai déjà eu par le passé des patientes qui avaient connu la prostitution. Mais c'était toujours dans le cadre dramatique de l'héroïnomanie, pour payer leur dope, jamais de manière aussi directe et avec un tel détachement en en affichant un tel cynisme. Là, j'ai à faire à quelqu'un qui certes n'en est pas au point de considérer sa profession comme le métier le plus normal de la terre mais qui, une fois en confiance, n'hésite pas en parler assez librement.

C'est assez curieux. Dois-je me concentrer sur les problèmes pour lesquels elle est venue me consulter en admettant que ce qu'elle exprime est vrai, et que pour elle, travailler comme escort est aussi anodin que de bosser à la Poste ?

Je pourrais aussi me dire que chez elle tout est lié et que son détachement et son assurance sont trop beaux pour être vrais. Face à une femme simplement "vénale" ayant trouvé le "bon filon" pour arrondir ses fins de mois, je n'aurais rien dit. Simplement parce qu’il est impossible de réaliser une thérapie avec quelqu’un n’ayant aucun sens moral. Mais là, je trouve son discours trop bien rôdé, son indifférence trop belle pour que je puisse y croire.

C'est tout de même marrant de vouloir à tout prix "faire payer les hommes" ? Que lui ont ils fait les hommes? Allez, mon libéralisme cède face à ma morale : je vais tout de même considérer qu'exercer ce métier à son âge  n'est pas la chose la plus normale qui soit et qu’il doit y avoir quelque chose à « gratter » là-dessous.

Pour m'amuser, je commence à lui expliquer que compte tenu de la manière dont elle exerce son métier d'escort, ce n'est ni plus ni moins que de la prostitution. Elle se défend en me disant que non, parce que la relation sexuelle n'est pas obligatoire. Je souris et lui dis que je comprends qu'elle veuille garder une bonne image d'elle-même mais que son argumentation ne tient pas la route et qu'elle le sait. Je lui précise cependant qu’un procureur ou que la brigade des mœurs seraient moins convaincus de sa sincérité.

Sa belle assurance commence un peu à s'effriter. D'accord pour être escort mais le terme de prostituée lui plait moins. A certains moments, en fonction des mots que j'emploie, la belle escort laisse la place à une pauvre gamine en souffrance et bien peu sure d'elle. C’est finalement assez rassurant.

14 novembre, 2010

Cerveau malade !


J'ai des lecteurs de gauche et d'autres qui ne sont pas politisés. C'est sans doute pour cela que tous ne lisent pas l'excellent blog de mon confrère H16. Certains de mes lecteurs auront donc raté que ce que mon estimable et honoré confrère expliquait dans son billet intitulé : Fais la fête et pète un clown.

Il nous explique que face au marasme que connait la nuit parisienne, Paris étant devenue la capitale la plus ennuyeuse d'Europe, le maire de Paris aurait réuni une sorte de task force dont la mission est de remédier à cet état de fait et de retransformer Paris en ville lumière. C'est en lisant cet article que j'ai d'ailleurs appris qu'il existait la profession de "psychosociologue spécialiste des mobilités nocturnes". 

Le gros problème des nuits parisiennes semblent être du à deux facteurs qui sont les prix toujours plus élevés et le bruit dont se plaignent les riverains des lieux nocturnes. Pour les prix, il n'y a sans doute pas grand chose à faire puisque ceux-ci étant libres, c'est aux professionnels de la nuit d'agir en conséquence. Et il est certain que compte-tenu des prix pratiqués, beaucoup de jeunes sortent moins. Gageons que parmi eux, s'en trouvera un plus malin qui devinera que que cesser de se foutre de la gueule des gens et que proposer des consommations à des tarifs plus adaptés aux bourses des étudiants est une idée intelligente.

Quant au bruit, nul ne le conteste. Manifestement, on a pu constater que les plaintes contre le bruit coïncidaient avec l'interdiction de fumer dans les établissements recevant du public.  D'ailleurs cette interdiction de fumer n'empêche pas le tabagisme de progresser comme le montre les statistiques récentes. La cigarette est aussi une réponse au stress.

N'importe quel élu un peu plus malin aussi aurait pu décréter que cette interdiction ne prévaudrait pas la nuit ou pour certains types d'établissements. C'est ce qu'a fait la ville de Las Vegas où l'interdiction de fumer n'existe que dans les restaurants mais ni dans les bars et les casinos. Parce qu'ils sont sans doute plus malins que les nôtres, les casinotiers du Nevada ont vite compris qu'interdire de fumer dans un lieux ou s'exerce une activité reposant sur la compulsion et l'addiction serait suicidaire.D'ailleurs le shérif du comté de Clark avait déclaré peu ou prou que dans une ville baptisée Sin City qui vit principalement du jeux et du sexe, il serait hors de question d'envoyer ses hommes pour régler des problèmes liés au tabac?

A Paris, les élus sont plus intelligents. Ainsi afin de faire cesser les troubles nocturnes de voisinage, ils ont proposé :
"Autre dispositif annoncé par Bertrand Delanoë, qui sera testé à partir du printemps : le recours à des mimes et des clowns pour exhorter les fêtards à baisser d’un ton aux abords des établissements de nuit."

Vous avez bien lu. Si vous êtes jeune, un peu éméché et que vous êtes devant un bar avec vos copains en train de boire un verre, un mime ou un clown appointé par la mairie de Paris viendra vous "exhorter  à baisser d'un ton". Comme le souligne mon confrère H16, je n'ose songer à ce que certains clowns vont prendre dans les gencives lorsqu'ils viendront expliquer à une bande d'amis qu'il faut faire moins de bruit. Cela pourrait même devenir une sorte d'attraction nocturne : "eh les mecs, si ce soit on allait vider quelques verres au X et qu'on se latte un clown ou un mime ?".


Mais au-delà de l'aspect comique de cette proposition, je vous avoue que je m'interroge sur la santé mentale des personnes ayant pu la proposer. L'affaire est pourtant simple et le constat sans appel : on sort moins à Paris qui devient une ville ennuyeuse. Une rapide enquête permet de comprendre que ce qui est en cause, ce sont les tarifs et les nuisances sonores aux abords des établissements de nuit. Les solutions sauteraient aux yeux de n'importe qui : agir sur les prix et remettre en cause l'interdiction de fumer dans les établissements de nuit. Mais non, là on propose des clowns et des mimes.

Il doit sans doute s'agir d'une recette de "prévention" qu'affectionne particulièrement les progressistes, une sorte de recette novatrice et coûteuse en fonds publics qui ne peut germer que dans un cerveau malade.

Nous sommes en pleine aliénation culturelle, dans laquelle des "élites" coupées d'autrui par le manque de médiation que constituerait l'appréhension du réel, tournent en roue libre comme le ferait une grand  schizophrène happé par ses délires. 

12 novembre, 2010

Rationalité limitée (suite et fin)


Suite à mon article "Rationalité limitée", V. dont la qualité des commentaires et la finesse d'analyse ne se démentent jamais, écrit ceci :

"Mais alors quelle est la cause de l'ultra sollicitation de ces petits neurorécepteurs ?
Si tout n'est qu'une question de chimie...

Par exemple, j'ai déjà été amoureuse et il suffisait que je découvre que mon objet d'amour était porté sur la boisson pour qu'immédiatement toute le désordre chimique de l'état dit amoureux, cesse.
Dans ce cas, quid des seules phéromones ?"

Effectivement, si l'on peut admettre que l'amour, en tant qu'attirance physique, est une question de chimie, on peut se demander pourquoi il suffit parfois d'un simple petit détail pour que tout s'écroule. Si la chimie était si forte et prédominait, nul obstacle intellectuel ne pourrait mettre à mal cette alchimie. Or, nous connaissons tous des personnes qui, une fois averties d'un défaut parfois minime, cesse totalement d'aimer l'être qu'elle chérissait voici peu. 

Il faut donc croire que si la biologie est forte, l'esprit peut l'être encore plus chez certaines personnes que l'on pourrait qualifier de "cérébrales". Ainsi, si je prends ma propre expérience, je pense que j'aurais pu tomber follement amoureux d'une femme mais reprendre totalement mes esprits si j'avais appris  par la suite qu'elle était sportive, idiote ou votait à gauche. Car rien n'est plus antiérotique qu'une militante socialiste, une sportive ou une idiote. Mais, pétri d'espoir comme je le suis, je sais que l'on peut cesser le sport, devenir libéral et tenter d'être moins idiot alors j'aurais peut-être tenté une forme de rééducation.

Parmi les mécanismes liés à l'esprit, on peut aussi faire des projections sur un être, et se souvenir que celles-ci peuvent soudain cesser à la faveur d'un changement de vie amenant une prise de conscience: la princesse de ses rêves redevient la caissière qu'elle n'avait jamais cessé d'être mais que l'on ne voyait pas. La projection désigne en psychanalyse l'opération mentale (généralement inconsciente) par laquelle une personne place sur quelqu'un d'autre ses propres sentiments. Ainsi, le jeune homme qui va mal pourra s'amouracher d'une "paumée" qu'il cherchera à sauver alors qu'inconsciemment, c'est lui qu'il cherche à sauver.

Sans doute que cette capacité à faire cesser les projections, à reprendre le contrôle de sa biologie au moyen de l'esprit n'est pas l'apanage de tous. Ainsi, si la culture doit transcender la nature, nous connaissons tous des êtres qui continuent coûte que coûte à aimer quelqu'un en dépit de défauts ou de tares flagrants. C'est sans doute pour ces personnes, que la locution "avoir quelqu'un dans la peau" a été inventée. Ces personnes sont-elles plus physiques ? Peut-être peut-on se poser la question. Bien entendu, je n'emploie pas le terme "physique" par rapport à la simple activité sexuelle mais bien plus par rapport à l'attirance qu'un individu peut avoir pour quelqu'un, quels que soient les défauts constatés de la personne qui attire.

J'ai ainsi eu voici quelques années une patiente très intelligente mais amoureuse d'un vrai sale type, celui que la psychopathologie appelle un sociopathe. Ce type lui avait tout fait et même souvent le pire. Vivant à ses crochets, jouant, buvant, allant même jusqu'à faire piquer son chien une semaine qu'il en avait la garde parce que cela l'ennuyait. Elle avait conscience de tout cela et était totalement d'accord avec le diagnostic de "personnalité antisociale" porté sur son conjoint. Elle savait qu'il y avait peu d'espoir que cela change et ne projetait aucun mécanisme inconscient sur la personne de son conjoint. Elle l'avais simplement "dans la peau". 

Sans doute que la perception de cette jeune femme, basée sur des mécanismes biologiques, état fort différente de celle qu'aurait pu avoir une autre jeune femme plus "cérébrale". Dans son cas, on ne pouvait invoquer ni le manque d'intelligence, ni le défaut des renseignements, ni même la projection ou encore une enfance difficile, voire une faible estime d'elle-même. Non, elle l'avait "dans la peau", il le savait et en jouait de manière ignoble. Sans doute que la vie avec lui, quelles que soient les souffrances qu'elle endurait était préférable à la vie sans lui. 

Et moi, je n'ai rien pu faire pour elle parce que parfois, aller  mieux c'est accepter ses limites et avoir la sérénité d'accepter ce que l'on ne peut changer.

11 novembre, 2010

11 novembre !


Depuis quatre ans que j'ai ce blog je ne déroge jamais à la règle d'écrire un petit article en ce jour de commémoration de l'armistice du onze novembre mille-neuf-cent-dix-huit ! 

Il se trouve que j'adore la première guerre mondiale. N'y voyez aucun élan criminel de ma part mais un simple intérêt historique. Et puis, cette grande guerre marque le début de l'entrée dans la modernité de la France. Finis les robes à crinoline, les moustaches cirées et les guêtres à boutons, la France sortira de ce conflit totalement différente.

Et puisque je suis en train d'écrire, j'ai une pensée pour les mânes de ces soldats morts pour la République. Les culottes de peau de l'époque, qui entrainèrent à la mort des dizaines de milliers de jeunes, sont les dignes ancêtres de nos technocrates modernes pour qui le réel se limitera toujours à ce qu'ils ont lu.

Comme me le disait un de mes chers patients qui avait été heurté par la bêtise crasse, l'arrogance et la goujaterie d'un jeune IEP Paris très caricatural se présentant au concours de l'ENA : "j'ai compris que ce type avait suivi des études au cours desquelles on lui avait appris à avoir raison plutôt qu'à vraiment réfléchir. Et moi qui à l'époque était enseignant, j'ai été affligé de constater que pour l'éducation nationale, mon employeur, ce jeune type était le représentant le plus abouti d'une longue sélection"

Que ce jour soit pour nous le moment de nous souvenir que tout ce qui brille n'est pas d'or et que les étoiles figurant sur des pattes d'épaulettes ne sont pas plus un gage d'intelligence que ne le serait le fait de sortir dans la botte de l'ENA. On méprise bien trop l'intelligence pratique en France et pourtant comme le disait Maurice Biraud dans Taxi pour Tobrouk : "un con qui marche ira toujours plus loin que deux intellectuels assis". Parfois, on peut être fier de n'être qu'un con.

J'avais prévu pour cet article de forts jolies citations de Gabriel Chevallier, issues de son livre "La peur" édité en 1930, un fort bel ouvrage. Mais cette chère Laurence ne me l'ayant pas rendu, je ne pourrais pas citer ce que j'avais souligné.


« On enseignait dans ma jeunesse — lorsque nous étions au front — que la guerre était moralisatrice, purificatrice et rédemptrice. On a vu quels prolongements ont eu ces turlutaines : mercantis, trafiquants, marché noir, délations, trahisons, fusillades, tortures; et famine, tuberculose, typhus, terreur, sadisme. De l'héroïsme, d'accord. Mais la petite, l'exceptionnelle proportion d'héroïsme ne rachète pas l'immensité du mal. D'ailleurs peu d'êtres sont taillés pour le véritable héroïsme. Ayons la loyauté d'en convenir, nous qui sommes revenus. »

Gabriel Chevallier, La peur (1930)

Rationnalité limitée !


Hier, j'ai travaillé comme un chien, restant de neuf heures du matin à neuf et demie du soir dans mon cabinet. Afin de souffler un peu, j'avais juste prévu une heure de pause. Je serais allé me restaurer chez Fleur de Lotus puis prendre un café en terrasse afin de lire le Parisien, la bible des intellectuels !

Las, il devait être onze heures passées lorsqu'une de mes patientes me téléphone afin de demander un rendez-vous en urgence. A n'importe qui, j'aurais dit non mais s'agissant d'une capricorne, la solidarité astrologique a joué et je lui ai dit de passer à quatorze heures. Je n'ai donc pas eu de pause et si je voulais paraphraser monsieur Guerlain, je dirais que "j'en ai chié comme un russe" en espérant que les russes voudront bien me pardonner l'emploi de cet idiotisme toponymique français.

Je reçois donc la demoiselle qui me raconte son histoire. Il se trouve qu'elle se sent perdue parce qu'elle pense avoir perdu toute rationnalité ce qui m'amuse beaucoup lorsque l'on connait la formation plus qu'aboutie de la demoiselle. 

Dans les faits, la belle suit des séances de kiné et elle trouve le praticien à son goût. Son problème est que le jeune homme étant marié et ravi de sa vie, elle n'a aucune chance de le conquérir. Se fiant à son intelligence et sa fameuse "rationalité", elle en vient donc à vouloir ne plus le plus désirer. Et quand, elle s'aperçoit que c'est impossible, elle s'effraie en se disant qu'elle devient carrément nymphomane ou quelque chose de ce genre.

Comme je la connais bien, je lui explique juste qu'elle devrait simplement reposer ses équations dans la mesure ou elle a commis l'erreur de songer que la rationnalité était limitée à ce que la pensée était capable de circonscrire. Pourtant, l'activité limbique gérant nos émotions est tout aussi rationnelle que le serait la pensée construite. Lorsque l'on boit parce que l'on a soif, cela reste rationnel et il serait au contraire irrationnel de se dire que par la seule volonté agissante, on va pouvoir se passer de boire.

C'est d'ailleurs une des limites rencontrées dans le traitement des addictions lorsque l'on veut faire appel à la seule volonté. La volonté est nécessairement limitée et finit toujours par rencontrer les limites imposées par la biologie. La biologie n'est pas irrationnelle mais possède simplement une autre rationalité que la raison. C'est ainsi que prendre des traitements médicamenteux en même temps que l'on poursuit la psychothérapie représente la meilleure combinaison, la plus rationnelle puisqu'elle prend en compte deux types de rationalités : la prise de conscience amenant à se débarrasser d'une addiction mais aussi le fait que l'addiction c'est souvent plus fort que nous à cause de petits neurorécepteurs ultra-sollicités.

C'est d'ailleurs ce qui faisait dire à Koestler dans Le cheval dans la locomotive que s'allonger sur un divan lors d'une psychanalyse revient à faire parler d'une même voix un être humain (néo-cortex), un cheval (cerveau mammifère) et un crocodile (cerveau reptilien). De fait, lorsque l'on constate l'étrangeté qu'ont les gens ayant suivi vingt ans d'analyse, on ne peut que remarquer qu'ils semblent avoir tué toutes émotions en eux. A force de vouloir expliquer par la raison, au prix de modèles psychanalytiques complexes et parfois tordus, tout ce qui se passait en eux, au détriment de la simple réalité biologique, ils se sont déconnectés de leurs émotions en atteignant une rationalité toute-puissante et de fait totalement irrationnelle.

Avant eux, les religieux avaient tenté la même chose avec d'autres moyens. A force de jeûnes, de prières, de macération et autres expédients, certains individus ont acquis une autre forme d'existence totalement dépassionnée. C'était alors le bon temps des grandes crises d'hystérie présentées par Charcot à la Salpêtrière. Parce que le refus de s'incarner est sans doute la pire des choses qui soient.

C'était un peu le choix de ma chère patiente ! Je lui ai donc demandé soit de consulter un confrère  psychanalyste qui saurait sans doute lui trouver des tas de raisons rationnelles et inconscientes à ses élants amoureux, soit de voir un prêtre à l'ancienne mode qui lui recommanderai le port d'un cilice pour sa pénitence, soit de se souvenir de son doctorat de biologie en la priant de se souvenir que tout ce qui se passe en elle n'est pas du simple ressort de la raison et de la volonté.

En ce sens, si consulter ce beau kiné heureux en ménage lui procure une grande souffrance, soit elle l'endure, soit elle se trouve un autre kiné. Parce qu'il m'apparait que la voie consistant à se rééduquer mentalement afin de ne plus aimer quelqu'un est plutôt aléatoire et ... totalement irrationnelle.

Des expériences scientifiques ont évidemment mis en avant le rôle des phéromones dans l'attraction pouvant s'exercer entre individu. De fait, la possession d'un beau néo-cortex nous permettant d'inventer plein de jolies choses, ne nous met pas à l'abri d'un certain état de nature. Avoir quelqu'un dans la peau est une belle image traduisant une réalité qui échappe à notre raison.

"Le cœur a ses raisons que la raison ne connait point"

Blaise Pascal

Culture, sport et rééducation neurologique !


Je suis très jaloux en amitié. Autant, je me fous qu'on ait rencontré des gens avant de me connaitre, autant je suis toujours surpris qu'on veuille rencontrer d'autres personnes après que l'on m'ait connu. Je trouve l'idée totalement incompréhensible et loufoque : comment peut-on avoir besoin de quelqu'un d'autre que moi ?

Ainsi voici quelques mois que cette chère Laurence s'est remise au sport et qu'elle a rencontré des  gens dans le club qu'elle fréquente. Je trouve déjà l'idée de rencontrer d'autres personnes que moi totalement folle mais encore plus lorsque l'on imagine qu'il s'agit de sportifs, c'est à dire de gens qui vont passer une partie de leur samedi après-midi à se rouler sur des tapis de gymnastique douteux dans un gymnase de sous-préfecture alors qu'il est si agréable de le passer à ne rien faire, en lisant, en fumant des clopes et en buvant du café ! L'espérance de vie n'est certes pas augmentée, tout le monde le sait, mais cela évite déjà de finir avec un Alzheimer dans un hospice.
Mon sens de la mesure et ma probité légendaires m'ont évidemment conduits à lui expliquer que depuis qu'elle fréquentait ces gens là, je trouvais que son QI avait considérablement baissé. N'importe qui m'aurait déjà dit d'aller me faire foutre mais Laurence me connait trop bien pour l'avoir fait, ce dont je la remercie.

Cependant, j'avoue que jadis musicienne chevronnée et cultivée, c'est avec horreur que je l'ai entendue me parler de flaps et de saltos, qui sont ces choses ridicules que les gymnastes font par plaisir au risque de finir au pire blessés et au mieux reclus dans l'Oklahoma comme Nadia Comaneci. Elle que j'avais connue commandant aux huit-mille tuyaux d'un grand orgue, en était réduite à faire des roulades au sol ! Je savais que de temps à autre elle pratiquait le VTT. Mais tant que la pratique était discrète et presque honteuse et uniquement effectuée le dimanche en fin d'après midi, je ne m'étais pas vraiment alarmé. Le sport ne devient vraiment dangereux pour l'intelligence que quand il est assumé et pratiqué en club.
Afin de la reconnecter avec la culture et l'intelligence, je l'ai conviée vendredi à une soirée que nous organisions chez moi. La pauvrette s'est trouvée un peu perdue puisque pas l'un d'entre nous n'aurait été capable de lui parler de gymnastique acrobatique. En revanche, la haute teneur des propos échangés ce soir là, lui aura permis de rebooter son cerveau. Je manque évidemment de place pour rapporter  l'ensemble des conversations pointues qui se sont tenues ce soir là. Toutefois, qu'il me soit permis d'en rapporter une seule que je cite de mémoire :

- N'est-ce pas une exquise chaconne de Buxtehude que tu nous passes là, me demande Le Gringeot, qui bat la mesure de son index les yeux mi-clos.
- Effectivement, c'est la ciacona BuxWV 159 ! Tu as de l'oreille dis moi lui-ai je répondu  immédiatement, un peu surpris qu'il ait reconnu cette pièce !
- Oh tu sais, j'adore le baroque et je trouve que cette construction sur sur une basse qui est un tétracorde descendant est vraiment très aboutie.
- Tu dois aussi apprécier les passacailles me suis je empressé de répondre au Gringeot !
- c'est drôle que tu fasses la différence entre une chaconne et une passacaille parce que moi qui adore écouter Couperin, j'ai noté que l'oncle et le neveu ne faisaient pas vraiment la différence entre ces deux formes me répond le Gringeot qui semble toujours ravi de contentement.
- Tu as raison, c'est vrai que Françosi Couperin intitule Chaconne ou Passacaille sa première suite pour viole. Toutefois, il me semble que Mattheson explique que la chaconne est plus lente que la passacaille non ?
- C'est vrai je l'ai mais je te rappelle que d'Alembert dit exactement le contraire. Alors, je t'avoue que parfois je m'y perds. Mais bon, je ne suis pas non plus un expert de musique contrapuntique, m'avoue Le Gringeot en souriant.  

Tandis que le Gringeot est en train de me parler du canon à cancrizans, Laurence nous regarde avec des yeux ronds cherchant dans son cerveau les bribes éparses d'un savoir presque disparu. Son front se plisse tandis que je l'observe à la dérobée. Je me dis que cette rééducation neurologique adroite et discrète commence à porter ses fruits. Que dans une minute à peine, comme si elle sortait d'un cauchemar, sa mémoire va expulser ses connaissances sportives récentes comme un organisme sain combattrait une attaque microbienne.

J'ai bon espoir, je me dis que d'ici quelques secondes, elle va nous éblouir avec ses connaissances nous parlant de cornet à bouquins et de viole de gambe. Je lui souris doucement, l'encourageant du regard. Mon radar tournant à pleine vitesse capte sans mal le combat qu'elle mène pour retrouver toutes ses capacités intellectuelles, pour réactiver des circuits neuronaux non utilisés depuis quelques temps.

La voici qui ouvre la bouche, je m'attends à une phrase pleine d'intelligence. Et la voici qui me dit :" dites les gars, vu que vous êtes forts, vous ne pourriez pas déplacer la table que je vous montre comment on fait une belle roulade. Parce que la vraie roulade, ce n'est pas si simple ! Il ne faut pas que le dos touche le sol. Parce qu'en gym, tout est dans les bras".

La rééducation neurologique est une des pires disciplines qui existe mais je m'accrocherai ! D'ailleurs afin de lui réapprendre le goût de la lecture, je lui ai envoyé une bande dessinée, quelque chose de simple avec peu de mots qui ne la fatiguera pas trop.

09 novembre, 2010

Félicitations !


Je tenais à féliciter publiquement le jeune T. (prénom habilement dissimulé pour des raisons de confidentialité) qui vient de réussir un examen d'entrée dans son ESC qui lui permettra d'intégrer une section lui donnant l'équivalence pour la majorité des UV du DSCG.  J'ai toujours pensé qu'il aurait fait un excellent avocat mais une nature pusillanime et un goût immodéré pour les dossiers et la paperasserie le pousse à embrasser la noble carrière d'expert-comptable.

Après tout chacun fait ce qu'il veut dans la vie et  l'important est que le petit T. soit heureux. Toutefois ce choix curieux nous déconcerte un peu , mon épouse et moi, car s'il s'était décidé à devenir avocat, nous aurions été ravi de l'accompagner chez Bosc, vénérable maison qui habille depuis 1845 tous les magistrats et avocats soucieux de leur présentation, que pourrions-nous offrir à un futur expert-comptable ?

Après avoir murement réfléchi, je vous avoue hésiter encore entre une sacoche à rabats en croute de cuir ou une paire de Méphisto avec semelles de crêpe. Et je n'arrive pas à me décider pour savoir ce qui lui ferait le plus plaisir ! Mon épouse me demandait si les manches en lustrine étaient toujours à l'honneur dans cette noble profession parce qu'elle aurait pu lui en coudre une paire. afin de lui épargner ses poignets de chemises et les manches de son costume. Bien que n'étant pas expert, j'ai cru devoir lui dire que les manches de lustrine avaient disparu en même temps que le rond de cuir.

En tout cas, félicitations !


05 novembre, 2010

Fist fucking et skins parties !


Entre quinze heures et dix-sept heures, n'ayant pas de rendez-vous et le temps étant si doux, j'ai prix un café avec l'un de mes plus vieux ex-patients que j'ai du connaitre voici onze ou douze ans. Lui et moi parlions des excès la jeunesse.

Lui, homo de cinquante ans ayant roulé sa bosse, me disait qu'il avait presque l'impression de passer pour une oie blanche tellement les pratiques jadis réputées extrêmes s'étaient banalisées. Le fist fucking semblait être le dernier truc à la mode pratiqué par tous et le fait de simplement utiliser ce que l'on a entre les jambe semblait passer pour une ringardise absolue. Lui-même pourtant vieux routier de la chose, ayant tout de même quelques mâles à son palmarès, semblait horrifié par la tournure prise par les événements, l'excès devenant la norme.

Je lui comptais alors que les hétéros n'étaient pas en reste et qu'il m'était arrivé de plus en plus souvent de recevoir de très jeunes femmes dont les pratiques sexuelles auraient fait rougir les tapineuses les plus endurcies. Je lui parlais aussi de ce curieux phénomène des skins parties que l'on voyait fleurir un peu partout et dans lesquels des ados s'envoient en l'air et en groupe en ayant ingéré auparavant bon nombre de substances prohibées. Ces pratiques auparavant circonscrites à quelques milieux un peu torves semblaient se banaliser. 

Nous étions ainsi en train de deviser comme deux vieux cons ne comprenant pas la jeunesse : deux vieux potes de régiment revenus de Verdun qui se seraient étonnés des mœurs des années folles. Étions-nous déjà dépassés pas une jeunesse répétant à sa manière les excès que nous mêmes avions commis en horrifiant nos parents, ou assistions-nous vraiment à la fin d'un monde ?

Je ne saurai pas répondre à cette question. La seule chose que je sache c'est que tôt ou tard, on trouve toujours ses limites. Tandis que certains se verront contraints de se désintoxiquer d'autres connaitront le dégoût de soi-même. E que si certains s'en sortirons sans mal, d'autres resterons à jamais marqués par ces pratiques extrêmes, trouvant le monde "normal" trop banal pour y trouver du plaisir.

C'est ainsi ce que m'ont toujours déclaré mes chers patients toxicomanes. Après avoir trouvé leurs limites et arrêté l'héroïne depuis parfois plus de dix ans, aucun n'a pu oublier l'incomparable plaisir donné par le produit. Je me souviens ainsi d'une jeune femme qui m'avoua que même faire l'amour avec le plus bel homme du monde ne vaudrait jamais un bon fix. De la même manière qu'un autre sevré totalement depuis plusieurs années, m'expliquait que si on lui annonçait sa mort prochaine, après un moment d'abattement, il n'aurait de cesse de positiver en songeant qu'il pourrait enfin se mettre de la dope pleine le nez sans aucun risque durant le peu de temps qu'il lui restait à vivre. Bref, le monde et ses plaisirs simples semblent bien ternes à ceux qui en ont repoussé les limites de la perception.

Je ne sais pas quoi penser du phénomène. La seule chose que je sache c'est que l'adolescent a pour coutume de toujours transgresser les interdits et de braver les limites. Et cette règle a pour corollaire que plus on recule les limites, plus celles-ci reculent effectivement du fait de la transgression.

Les skins parties n'ont rien inventé et la fin des années soixante a été fructueuses en expériences de tous les genres. A cette différence près, que si la plupart des ados pouvaient écouter les albums de Led Zeppelin, le recours à la came et à l'amour libre étaient encore des expériences rares. Ce qui est récent, c'est que des phénomènes jadis réservés à des milieux très typés soient aujourd'hui d'une banalité effroyable et suivent en cela l'addiction à la cocaïne qui jadis réservée à une "élite" du fait de son prix est devenue aujourd'hui d'une consternante banalité.

Ce qui est aussi récent, c'est que des expériences jadis revêtues d'un caractère expérimental comme en créèrent les beatniks ou ensuite les hippies soient devenues des actes banaux d'une bestialité effroyable comme si les pratiques les plus extrêmes n'avaient plus besoin d'oripeaux intellectuels pour tenter de se légitimer. Avant, on cherchait de nouvelles expériences pour recréer un autre monde tandis qu'aujourd'hui, on a ce que l'argent achète et ce que la dilution de la morale commune autorise.

Mais, je suis peut être un vieux con qui n'a rien compris. L'avenir me le dira. Dans tous les cas, je maudis cette putain de société qui m'interdit de fumer dans les rades mais semblent trouver normal de baiser en groupe dès l'âge de quinze ans.

Je suis un clodo !


Hier, arrivé au cabinet, j'ouvre ma boîte aux lettres et j'y trouve une enveloppe grand format que je m'empresse d'ouvrir. C'est une invitation à un colloque traitant de psychiatrie. Je dois donc être dans les listings de la société organisatrice. L'enveloppe est ornée d'un très joli logo et d'un nom ronflant qui confère à la société organisatrice un semblant de sérieux impressionnant.
Le programme semble intéressant bien qu'il me concerne peu. Il traite de sujets aussi divers que les grands schizophrènes ou les criminels sexuels, types mêmes de patients que je ne risque pas de recevoir dans mon cabinet. Mais au-delà de l'aspect purement pratique lié à mon activité professionnelle, je trouve les autres sujets intéressants. Bien sur, ayant l'habitude de ce genre de pince-fesses, je sais que si j'y assistais, j'aurais le droit en tout et pour tout à un obscur psychiatre ânonnant un texte qu'il lirait au travers de ses lunettes à double foyer. Que voulez-vous, si les orateurs qui maitrisent leur sujet sont légions, ceux qui parviennent à me tenir éveillé sont beaucoup plus rares. Je m'imagine aussitôt dans quelque salon cossu, le cul vissé sur une chaise de location, la tête dodelinant, prêt à tomber par terre de sommeil.

Poursuivant ma lecture, j'avise ensuite les tarifs proposés par ladite société pour participer à ce "congrès". Et là, je suis très surprise puisque si on réclame 350€ aux psychiatres, il n'est exigé que 175€ des psychologues. La frontière est donc très nettement tracée entre les riches  médecins et les autres, les obscurs, les sans grades, les laissés pour compte. J'apprends ainsi que pour l'organisateur, je ne suis qu'un clodo à qui l'on consent une ristourne importante eu égard à la modestie de son chiffre d'affaires. Si on avait daigné les convier à ce raout, je suis sur que les IDE n'auraient payé que 15€ et  que les aides -soignantes auraient été conviées gratuitement bien que priées de rester debout au fond du salon, les chaises étant réservé à la clientèle payante. 

Le monde médical est toujours assez amusant puisque les grades y comptent autant que dans l'armée. Je me souviens ainsi d'un généraliste qui fulminait parce qu'il venait de recevoir un courrier incendiaire de la part d'un cardiologue qui ne le traitait pas franchement de con mais n'en était pas loin tout de même. Lorsque je lui avais dit que dans sa peine il pouvait se rassurer en songeant que moi non seulement les spécialistes pouvaient me prendre pour un con mais aussi les généralistes, il m'avait souri un peu rasséréné par le fait de penser qu'il y avait pire que lui. Le fait est que cela m'est rarement arrivé, la plupart des gens étant courtois. 

J'aurais pu me réjouir d'être convié à un aussi beau congrès pour deux fois moins cher que mes confrères psychiatres. De fait, le natif du capricorne que je suis aurait du être ravi de la substantielle économie ainsi réalisée, puisque si nous ne sommes pas pingres, nous n'en sommes pas moins des dépensiers avisés ne sachant pas de quoi l'avenir sera fait et peu enclins à jeter l'argent par la fenêtre.

De fait, j'ai décidé d'envoyer se faire foutre les organisateurs au motif que si j'accepte de bon coeur de payer deux fois moins cher ma place, je n'en estime pas moins que le fait d'être pris pour un clodo  de manière aussi évidente ne m'est pas agréable.

Toutefois la luxueuse plaquette envoyée par cette société m'a donné quelques idées. Tant et si bien qu'intéressé par certains sujets développés lors de cette manifestation, je me suis jeté sur Amazon afin d'acquérir quelques ouvrages qui au total ne m'auront coûté que 120€. De toute manière je suis plus performant en lecture qu'en écoute. Et mes souvenirs de faculté sont encore trop présents pour qu'à l'âge qui est le mien, j'aie encore la velléité de croire que je pourrais écouter quelqu'un parler à un pupitre sans me mettre immédiatement à penser à autre chose ou à somnoler.

Au total j'aurai donc dépensé 120€ soit 55€ de moins que la participation à ce "congrès". Et j'aurais en plus la satisfaction de constater que si j'ai pu coûter quelque chose à l'entreprise organisatrice (plaquette, enveloppe, envoi en nombre), je ne lui aurai rien rapporté en retour.

J'adore l'idée qu'on me fasse une ristourne mais je n'aime pas être pris pour un clodo pour autant. Là, réside toute ma complexité : d'accord pour économiser mais en gardant la tête haute tout de même !

04 novembre, 2010

Moi et le sport !


J'ai discuté cet après-midi avec une amie qui s'est mise récemment au sport. J'ai été étonné de mes réactions. Je lui parlais comme si ce qu'elle avait entrepris était la chose la plus curieuse voire la plus  honteuse qui puisse exister. A mes yeux, elle devenait une sportive, le truc le plus monstrueux et le moins sexy qui puisse exister, la quintessence de la médiocrité. Je me suis presque emballé au risque d'être désagréable (et j'ai du l'être et lui en demande pardon) tout cela parce qu'elle pratique un sport. Je me suis fait peur ! Et puisque j'écris anonymement ici et que je puis vous confier mes plus honteuses pensées, je crois que je ne supporte pas le sport ni les sportifs. ( A l'heure du mangibougisme dites vous que je prends des risques en disant cela, je pourrais être collé d'office en cure de rééducation par le sport affublé d'un maillot avec la tête de Xavier Bertrand.)

Au mieux, je ne comprends pas ce qui peut plaire dans le sport et au pire, dans mes jours les plus funestes, quand Saturne mon vieux maître planétaire distille son venin, je trouve que le sport est carrément un truc abominable auquel ne peuvent s'intéresser que les pires crétins. Et on me rétorquerait que l'on connait des gens brillants qui font du sport que je m'en foutrais et que je répondrais que cela ne veut rien dire. 

Je demanderais d'ailleurs des précisions parce que je suis sur que ce ne sont pas des gens brillants mais tout au plus des gens intelligentes et bardés de diplômes. On ne peut être brillant et sportif, c'est impossible et je suis qu'un jour la neurobiologie en apportera une preuve éclatante. Isaac Newton et Louis Pasteur ne se sont pas illustrés dans le sport d'ailleurs et comme moi, ils étaient capricorne. Nous sommes donc faits pour la recherche et non pour taper dans des ballons ou aller nous rouler sur des tapis dans des gymnases. Nous avons notre dignité. Bon, les mauvaises langues diront que Cassius Clay et Michael Schumacher étaient aussi capricornes. Certes mais à ce stade, ce sont des artistes plus que de vrais sportifs. Et puis la boxe est surnommée le "noble art" tandis que la formule 1 est une discipline ultra technique.

Et pourtant, puisque j'en suis à me confier, j'ai tenté de faire du sport. Je l'ai fait pour m'intégrer, pour être comme tout le monde, pour cesser d'être une sorte d'ovni au milieu de mes amis moins doués que moi. Je devais avoir huit ou neuf ans lorsque j'ai décidé d'aller jouer au foot avec mes copains de l'époque. Ma mère m'avait offert une paire de chaussures, je m'en souviens encore, des Patrick noires avec des bandes vertes et de jolis crampons. Je ne sais même pas si la marque existe encore !

Je me suis retrouvé sur le terrain comme un gland, il n'y a pas d'autres mots. J'ai couru dans un sens puis dans l'autre. J'ai très vite chopé l'algorithme simpliste qui gouverne ce sport crétin. Alors j'ai tenté d'être chef. En fait, je me serais bien vu sur le bord du terrain en train d'engueuler mes copains en leur prodiguant des conseils, vous savez le mec en costume qu'on voit dans tous les matches qui se fait plein de thunes en ne mouillant pas le maillot. Et au bout d'une heure, comme l'enjeu consistant à faire pénétrer un ballon dans une cage de but ne m'apparaissait pas très malin et ni très amusant, j'ai renoncé et je suis rentré lire chez moi. J'en ai déduit que j'étais trop intelligent pour ce sport. A ce propos, si quelqu'un est intéressé, j'offre mes chaussures de foot qui sont comme neuves puisque je ne les ai portées qu'une fois.

Plus tard au collège, j'ai fait du judo, comme ça par hasard pour faire un peu comme les autres. Et puis mes parents ne cessaient de me dire que j'étais un ingrat de ne pas profiter de ces merveilleux équipements sportifs qu'ils contribuaient à entretenir via les frais d'inscription. Je n'ai jamais été très assidu mais j'y suis resté un peu.

Encore plus tard, à l'époque du lycée, sans doute culpabilisés par nos parents qui ne nous voyaient que fumer et sortir, mon pote Olive, son frère et moi, nous sommes inscrits au Ju-Jitsu dans la commune où je vis. C'était un peu nul mais mieux que le judo.  Disons que je me disais que cela pouvait être utile. J'ai du rester un an de plus que les deux frères mais encore une fois, je ne suis pas devenu adepte du sport. Le prof était un vieux barbon qui se prenait pour un japonais. Le seul truc distrayant, c'est qu'au cours il y avait une vraie tête à claques, le vrai mec sérieux, celui qui en veut, qui est là pour progresser, ce que l'on nomme le "péchu" à l'armée, alors nous ne nous sommes pas privés pour lui en coller des coups. D'ailleurs grâce au Jiujitsu j'ai réussi à casser le pouce d'un type. Vous voyez le sport a failli faire de moi un type violent et instable et si j'avais persisté je serais peut-être en centrale condamné à perpète !

Voici dix ans j'ai pris un abonnement pour aller nager parce que j'aime bien l'eau. Et j'ai fait des longueurs. Je faisais deux kilomètres, je m'y astreignais et Dieu que je m'ennuyais. Nager dans un sens puis dans l'autre en ne cessant jamais de réfléchir et en me disant "putain plus que huit longueurs et je me casse". D'ailleurs je sortais de là tellement déprimer que j'allais diner juste après consommant plus de calories que je n'en avais dépensé.

Et là, s'est arrêté pour moi toute véllétité de faire du sport. Il faut dire que j'avais beaucoup muri et que personne n'est plus jamais parvenu à me culpabiliser parce que je ne me dépensais pas physiquement. Je trouvais que le sport était une activité stupide et dangereuse et j'ai mis mes actes en conformité avec mes pensées. Aujourd'hui, je suis fier de dire que le dernier qui m'a vu faire du sport a une longue barbe blanche. De toute manière pour faire du sport, il faut avoir un vieux fond "contrôlant" ce qui n'est pas mon cas. J'aurais d'ailleurs fait un aussi piètre militaire qu'un mauvais sportif. D'ailleurs vous aurez noté que tous les régimes militaire et dictatoriaux exaltent le sport dans la réalisation de l'homme nouveau. Putain, jamais je ne marcherai au pas ou si je veux seulement ! Ne pas faire de sport m'aura donc préservé de la prison mais aussi de l'extrémisme.

Je peux donc continuer à fumer mes clopes en buvant du café tranquillement. Et si le cancer du poumon me guette sans doute, je sais au moins qu'à mon âge je n'ai jamais eu à déplorer ni fractures, ni entorses ni pathologies d'aucune sorte due au sport. Je vous pose la question et elle est de taille : mieux vaut-il vivre seulement soixante ans en pleine forme ou quinze de plus avec les articulations en ruine ? Vous avouerez que la portée philosophique de cette question est de taille !

Pourtant, comme je suis aussi un garçon responsable, je sais qu'une activité physique minimale a du bon. Alors je marche tout de même. Et puis, comme j'aime bien les trucs utiles, je trouve qu'aussi stupide que ce soit, fendre du bois, tondre ma pelouse et ramasser les feuilles sont des activités qui sont à la fois sportives  et utiles. Et moi, je déteste ce qui est inutile comme le sport.

Une fois encore les gens mal intentionnés pourraient me dire que je suis intolérant que j'ai le droit de trouver le sport débile comme les sportifs pourraient considérer que tenir un blog est totalement stérile. Et on me dirait "chacun trouve son plaisir où il le veut". C'est vrai et j'y ai déjà pensé. Sauf qu'à chacun de ces petits articles que je vous ponds, il faut vous imaginer que c'est mon imagination que je mets en branle et que zou, d'une traite j'écris toutes des lignes. 

Et ça c'est quelque chose qu'un sportif ne peut comprendre puisqu'il a besoin de règles écrites sans jamais rien créer. Voilà, c'est donc un combat entre d'un côté les gens moyens (les sportifs) et de l'autre les créatifs et autres artistes (moi). D'ailleurs, les sportifs ont toujours besoin de nous puisque je sache sans Myron, le discobole aurait été perdu dans les poubelles de l'histoire.

Mais comme en plus d'être un garçon sérieux, je suis aussi un psy consciencieux, je ne pourrais vous laisser imaginer que je prône ma vie sédentaire comme modèle. Je vous encourage donc à faire du sport. Il est d'ailleurs prouvé que la pratique hebdomadaire d'un sport à raison de trois fois seulement une demie-heure est aussi efficace que la prise d'antidépresseur du type ISRS. J'aurais pu vous fournir l'étude qui l'a démontré mais j'ai la flemme de rechercher les références aussi vous laisserai-je trouver tout seuls.

Ainsi, si vous aimez cela faites du sport et dites vous que nul n'est parfait et acceptez enfin de ne pas être créatif comme j'accepte de ne pas être sportif malgré les encouragements de l'état. Si vous êtes déprimé ou anxieux, faites aussi un peu de sport  même si vous n'aimez pas cela car cela vous permettra d'évacuer vos tensions en les canalisant, c'est très bénéfique. De la même manière si du fait de vos conditions d'existence, le sport a été votre seul exutoire et le seul moyen de  vous réaliser, je le comprends aussi parce que l'on se construit parfois comme on peut même si ce n'est pas une raison pour ne pas faire travailler votre tête.

Et si vous êtes comme moi, ni déprimé ni sportif, remerciez Dieu de vous avoir donné sante mentale, intelligence et créativité en vous offrant ainsi une dispense permanente de sport !

"On dit ils sont cons les sportifs, c'est vrai, mais c'est vite dit, parce que le temps qu'ils passent à courir,
ils le passent pas à se demander pourquoi ils courent. Alors après on s'étonne qu'ils soient aussi cons à l'arrivée qu'au départ."
Coluche "J'ai pas dit ça ..."