En parcourant la presse !
Mais comme disait Ayn Rand : "Potentiellement, un Etat est la plus grande menace qui pèse sur les Droits de l'homme : il possède en général le monopole légal de l'usage de la force physique contre des victimes légalement désarmées. Quand son pouvoir n'est ni limité ni restreint par les Droits individuels, l'Etat est le plus mortel ennemi des hommes."
Méprisant l'article 544 du Code civil, qui stipule que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements", l'état tout puissant impose son hygiénisme triomphant. Acculés par une europe tatillonne aux conceptions de vie très anglosaxonnes, les pays latins se doivent dorénavant de marcher au pas et d'adopter une stricte prohibition. Finie la bonne déconnade catholique avec les bienfaits du pardon, la prédestination protestante étend ses ailes sombres sur le continent.
Mais puisque l'on ne cesse de me dire que même l'Italie s'est faite à cette loi et que les italiens sont contents, que pourrais-je objecter ? Si même les italiens sont heureux de vivre comme des suédois, alors c'est que le monde a changé. Moi qui me souviens d'un temps béni ou sur les belles nationales à trois voies, on pouvait faire la course, je n'en reviens pas. Lassée de vivre dans une comédie douce amère de Dino Risi, même l'Italie préfère dorénavant s'emmerder dans un film de Bergman. Effectivement quand on s'emmerde, c'est prouvé, le temps semble plus long, on a au moins l'impression de vivre plus.
Par hasard, j'ai parcouru la presse nationale ainsi que quelques grands titres régionaux. Pas un ne s'oppose à cette loi, ou ne réclame son assouplissement. Comme un seul homme, nos journaux subventionnés font allégeance à l'état. Aucun plumitif n'est là pour s'opposer à ce décret liberticide. Non, tous font état dudit décret sans donner leur avis, en arguant juste des problèmes que cela posera au début.
Je me suis aussi amusé à lire les commentaires des lecteurs sur ces journaux. Ce n'est que haine anti-fumeur, révolte des partisans de l'air pur contre ceux qui les ont empuantis. Pourquoi pas ? La savane connait bien ce genre de scène, où le fier lion à terre et blessé, se voit dépecé par les petits prédateurs. Rien de nouveau sous le soleil, « même un âne peut donner un coup de pied à un lion mort », dit le proverbe persan. . C'est drôle, moi qui comme tout le monde, ait déjà eu envie d'arrêter de fumer, ce décret ne m'y incite pas du tout, bien au contraire. Juste pour ne jamais ressembler à ces moralisateurs à la petite semaine, à ces gueules de raie, à ces faux dévôts ; que Dieu m'en préserve.
Crever d'un cancer est-il mieux que de vivre des décennies dans la défroque d'un de ces odieux petits pasteurs ? Je ne sais pas encore. Sénèque disait qu'il faut vivre ce que l'on doit et non ce que l'on peut et il était sage, lui qui décidé de s'ouvrir les veines en tout conscience. Le dandy qui vit en moi, préfèrerait certainement le cancer, mais l'homme que je suis a peur de souffrir ! Non de la mort, car à mon âge, ayant tout vu et connu, il ne reste plus guère que la mort qui offre encre de l'inconnu, juste peur de la souffrance physique.
Ainsi, parcourant les sites des quotidiens, j'ai aussi apprécié certains commentaires expliquant que les gens vont pouvoir retourner en famille au café. J'ai particulièrement aimé quelques commentaires de mères de famille expliquant, que dorénavant, elles pourraient emmener leurs enfants boire une orangeade dans un établissement enfin non fumeur.
Le petit bar que j'aimais, avec cette odeur de tabac froid et de bière éventée, va devenir un jardin d'enfants, où des mères de famille triomphantes viendront avec leur progéniture. Pourquoi pas après tout, ne pas remplacer l'odeur de la clope par les pleurs des bambins. L'enfant est de toute manière devenu roi.
Voici deux jours, mon cher filleul, devenu jeune père, m'expliquait, que bien que fumeur, il se précipitait dorénavant sur le balcon afin de fumer. Voyant mon regard étonné, il s'est empressé de dire, qu'en cas de soirée organisée, cette loi serait bien sur amendée. Car il est certain que nul ne me contraindra à fumer sur un balcon comme un pestiféré. Ou alors, je préfère rester chez moi car je ne force personne à m'inviter.
N'ayant pas d'attirance particulière pour les enfants - je parle des moins de dix ans - j'ai toujours du mal à comprendre ces précautions. Que doit-on finalement aux enfants ? Penser que ces petits salauds nous foutront dans la tombe, et qu'ils continueront sans nous, me choque toujours un peu et ne me donne pas envie d'être agréable avec eux. Ainsi, tant que je suis en vie, j'ai décidé de me moquer des enfants que je fréquente de toute manière assez peu. Jusqu'à présent, les enfants et moi pouvions cohabiter dans la mesure où il n'y avait guère d'endroit où je puisse les côtoyer. Aujourd'hui, ils me chassent même de mon rade favori.
Alors que faire, sinon se résigner ? J'aurais bien demandé des établissements fumeurs et strictement interdits aux enfants, mais les gens ne comprendraient pas. Je suis bien trop vieux pour mon siècle. Je n'aime ni le sport, ni les enfants, ni les plaisirs sains. C'est vous dire ! Finalement, je suis plutôt légaliste, j'aime juste qu'on me foute la paix. Comme j'avais coutume de le dire, un café, un livre et une clope et me voici heureux. Cette triade m'a toujours permis de vivre en parfait autiste au milieu des autres.
C'est sans doute pour cela, que chaque fois que des gens, vantant mes succès thérapeutiques, m'expliquaient comment devenir plus connu et donc plus riche, je n'ai jamais suivi leurs conseils. Mon plaisir me coutait si peu, que je n'avais pas besoin de me défoncer au travail. Maintenant, enfin dans deux jours, mon plaisir simple ne sera plus. Peut-être que je travaillerai moins puisque je vais faire des économies de café ?
Comme il ne sert à rien de se battre contre des idées bien ancrées, j'ai décidé pour ma part, de ne fréquenter ces établissements non fumeurs que lorsque j'y serai contraint et forcé. Encore aurai-je toute latitude pour n'y consommer qu'un plat unique et peu cher, accompagné d'une carafe d'eau. Après tout, si un café ou un restaurant est une annexe du ministère de la santé, il faut au moins y prendre autant soin de mon coeur et de mon foie, que de mes poumons. Et puis il restera les terrasses aux beaux jours, quand les non fumeurs seront coincés dans les salles.
L'activité de cafetier deviendra peut-être saisonnière ? Dans tous les cas, dussè-je être le seul à manifester sa résistance de cette manière, ce sera toujours un plaisir. Une manière de dire à ces cafetiers qui après m'avoir pompé mon fric de fumeur, ne se sont pas battus pour la liberté, qu'ils peuvent aller se faire foutre. Si leur trip est de venir des Starbucks, grand bien leur fasse.
Dorénavant, si par hasard, je me risquais encore dans un café, desquels je suis maintenant tricard en tant que fumeur, je pourrai cependant croiser le regard soit-disant innocent d'un bambin, car rien n'est moins innocent qu'un enfant tout pétri d'instincts méchants. Peut-être que finalement, j'y prendrai du plaisir : le plaisir de celui qui sait. Il me suffira de le fixer droit dans les yeux en songeant : "Rigoles petit con, profites-en, tu rigoleras moins quand personne ne te financera ta retraite".
C'est finalement l'avantage d'être nés avant eux. On sait que tous les rêves s'effondrent et qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. On les dit innocents et plein de candeur alors qu'ils manquent juste de sagesse.