31 octobre, 2010

Rendez-vous amoureux !


La scène se déroule dans la cuisine d'un pavillon d'une ville de la banlieue parisienne. L'homme que l'on voit de dos s'affaire aux fourneaux. En fait de fourneaux, ils 'agit d'une antique cuisinière Faure, qui comme le dit le propriétaire marche très bien malgré ses trente ans d'âge. Sa fille aînée, une jolie brune de vingt-cinq ans, a bien tenté de le faire investir dans du matériel moderne. Mais comme il le dit, l'induction, la pryrolise et tous ces trucs, pas de ça chez lui. Sa "quatre gaz" marche très bien et il ne voit pas pourquoi il en changerait. Surtout qu'à l'époque où il l'a achetée en 1978, c'était le top du top : une quatre feux en acier avec peinture beige flammé et un "mijoteur" pour mettre le faitout. Il en a cuisiné de bonnes daubes et des ragouts avec cette option là !

C'est comme sa télé à tube cathodique qu'on voudrait lui faire troquer pur un écran plat. Et pourquoi d'abord ?", s'énerve-t-il parfois. "Est-ce que j'y verrai mieux sur un écran plat ? Moi la télé je la regarde de face et pas de coté alors je m'en fous qu'elle soit plate ou épaisse" a-t-il coutume de dire à ces impudents qui osent vouloir lui apprendre ce qui serait bien ou pas. Et la télécommande, il s'en moque, il a l'habitude de dire qu'il n'est pas fainéant et qu'il peut se lever pour changer de chaine. Et quand il est malade ou trop fatigué, il a un bâton pour appuyer sur les boutons des chaines. Il a l'esprit pratique.

Vous l'avez compris à ces réflexions gabinesques, l'homme est doté d'un solide bon sens et celui qui lui fera dépenser ses sous n'est pas encore né. Il n'y a que pour la moto qu'il consent à dépenser et encore, que dans du durable comme il dit parce : je veux bien que ce soye beau parce que ça compte une belle moto mais faut que ce soye solide aussi !

Large d'épaule et doté d'une nuque de taureau, l'hercule porte un tablier ceint à la taille. Si on s'approchait, on l'entendrait siffloter des airs de son époque.  Approchons-nous pour mieux l'écouter. Les moins de quarante-cinq ans ne reconnaitront jamais cet air qu'il fredonne puisqu'il s'agit d'une vieille chanson d'Alain barrière dénommée Elle était si jolie

Notre homme a tous les disques d'Alain Barrière qu'il adore et qu'il respecte profondément à cause des problèmes qu'il a eu avec les impôts. Pour notre homme, Alain Barrière en plus d'être le meilleur chanteur du monde avec Elsvis Presley et peut-être aussi Daniel Guichard est aussi un héros. Et quand il a le coeur en fête, il aime fredonner cette chanson.

Là encore, il en a entendu d'autres chanteurs dans son poste de radio sur RTL en grandes ondes mais il avoue qu'il ne les aime pas ces nouveaux. Parce que pour lui Alain Barrière, ses chansons elles veulent dire quelque chose, c'est de la poésie, alors que celles des jeunes, c'est que du bruit et des trucs qui ne veulent rien dire. 

Il s'affaire toujours car notre homme est précis. Aujourd'hui il s'attelle à la préparation d'un plat parce que c'est une grande occasion. Il hésitait entre une saucisse aux choux et un petit salé aux lentilles et il n'arrivait pas à se décider. Alors hier il a appelé un de ses amis qui a un blog et il lui a demandé : 
- Au fait tu sais j'invite une des filles qui te laissent des commentaires à déjeuner et je me demandais quoi faire entre une bonne morteau au choux et un petit salé aux lentilles ?
- Invite là à déjeuner au restaurant, ce sera peut-être mieux non ? C'est neutre et elle aura le choix, lui a répondu cet ami qui décidément ne doute de rien.
- C'est ça oui, on n'est pas encore marié que tu veux que j'aille dépenser des sous au restaurant pour elle ? Tu es fou toi ! On fera ça chez moi. Alors d'après toi, je fais quoi ?
- Euh je t'avoue que je ne sais pas. Tu pourrais peut-être tenter quelque chose de plus délicat non ? Tu sais c'est une parisienne éduquée, elle n'a peut-être pas envie de plats aussi lourds.
- Ben d'abord ce sont des plats d'hiver et puis faudrait pas qu'elle commence à faire sa mijaurée celle-là. Bon t'as pas d'idée ? Alors je vais rester sur ma première intuition, je vais prendre deux belles saucisses de Morteau et les faire cuire au bouillon. Ça plait toujours. Salut à plus.
- Au revoir Gringeot.

Derrière lui, la table est mise dans la cuisine. Son fils lui a dit qu'il aurait peut-être pu déjeuner dans le salon mais il n'a pas voulu en démordre. La cuisine c'est très bien mais après, il proposera le café au salon et il sortira même les belles tasses en porcelaine qu'il tient de sa grand-mère. 

Mais le déjeuner aura lieu dans la cuisine sur la belle toile cirée toute neuve. Il a juste sorti des verres à pied pour que ce soit plus joli et puis des couverts un peu plus jolis en inox parce qu'il sait que pour séduire une femme il faut un peu faire "le précieux". Lui habituellement, il s'en moque bien de tous ce tralala comme il dit. Il s'est mis son rond de serviette parce qu'il l'aime bien, que c'est un souvenir de Bretagne, comme son bol qu'il utilise au petit déjeuner. Les deux sont marqués Manu et il les a achetés le même jour, même que le vendeur lui avait fait un prix parce qu'en plus il avait pris une boîte en fer de palets bretons qu'il a gardée et qui lui sert maintenant de boîte à sucre.

Il est onze heures et le minutage précis est respecté. Il attend la dulcinée à midi pile et il aime bien qu'on soit à l'heure. Il a sorti une bouteille de vin cuit pas entamée et il a disposé des cacahuètes dans un bol. Ça leur fera l'apéritif a jugé notre homme qui pense que ça ne sert à rien de se goinfrer si après on n'a plus faim pour la saucisse au chou.  Non qu'il qu'il gâcherait parce qu'il pense que la saucisse au chou, c'est encore meilleur réchauffé. D'ailleurs dans un élan romantique, il se dit que si la fille lui plait, il lui donnera un reste de saucisse au chou à emporter qu'elle pourra se faire le soir même. Il lui mettra dans un emballage en plastique en espérant qu'elle lui ramène parce que c'est pas gratuit non plus les tupperwares.

Pour le vin, il est allé chez Nicolas. Il a été un peu effrayé par les prix parce qu'après tout comme il dit, c'est jamais rien que du jus de raisin. Alors sur les conseils avisés du caviste, il a opté pour un bordeaux supérieur qui lui a tout de même coûté près de cinq euros. Quand il fait le calcul en francs, ça le rend malade ! Rendez-vous compte, plus de trente francs dans une seule bouteille alors que pour le même prix, il aurait pu en avoir six de Cellier des dauphins, un côte du Rhône tout à fait correct qu'il trouve souvent en promotion en tête de gondole chez Carrefour.

Pour le fromage, il a pris un camembert au lait cru et un morceau de roquefort et il s'est dit que c'était cher. Il aurait bien mis un fromage marque distributeur. Parce qu'il a fait l'expérience avec La Vache qui rit. Il en acheté des Leader Price et il les a trouvées aussi bonnes que les autres mais moins chères. Le seul truc qui change, c'est qu'il n'y a pas la tête de la vache sur les portions. Mais lui, ce qui compte c'est ce qu'il y a dans l'emballage alors la tête de la vache sur le paquet, il s'en moque. du fromage fondu, ça reste du fromage fondu, qu'il dit toujours et ça sort des mêmes usines.

Il chantonne maintenant un vieil air de Michelle Torr, "emmène-moi danser ce soir", parce qu'elle aussi il l'aime bien même s'il l'aime moins qu'Alain Barrière. Il ouvre la porte de son réfrigérateur pour voir si le dessert est prêt. C'est bon, il y a quatre paturettes au chocolat, qui sont aussi bonnes que les vraies danettes mais aussi quatre yaourts au fruits. Il se dit que de toute manière, après les cacahuètes et la saucisse au chou, la belle n'aura plus faim et qu'il aura ses desserts pour la semaine !


Il rigole en pensant qu'avec le café il pourra aussi proposer la goutte. La goutte lui il la supporte parce qu'il y est habitué mais les femmes, ça les rend "toutes choses". Il se dit qu'il la recevra comme un prince mais qu'il est aussi sacrément machiavélique. Parfois il s'étonne d'être aussi madré et retors. Mais il est comme ça lui, on ne la lui fait pas !

Il est déjà onze heure-et-demie. Il a juste le temps de monter dans sa chambre, de changer de chemise et de se mettre un peu de sent-bon.


30 octobre, 2010

Statistiques !


Putain,  je viens de mater mes statistiques et je m'aperçois que le mois de novembre n'a pas encore commencé, que je suis déjà à plus onze pour cent par rapport à mes connections de l'an passé. Et encore, durant un certain laps de temps, j'ai beaucoup moins écrit que par le passé.

Si ce blog était un fond de commerce, je le vendrais et je me ferais des couilles en or. Et le mec qui me l'achèterait aurait perdu tout son fric parce qu'il ne serait pas moi et qu'il ne pourrait pas écrire comme moi. Et comme je suis un malin, je rouvrirais un autre blog que j'amènerais aussi loin que celui-ci et je renouvellerais l'opération en le vendant encore plus cher que le premier. Et ainsi de suite !

Je finirais par rouler dans une Porsche Cayenne blanc nacré avec des sièges en cuir couleur framboise et j'aurais ma table au Fouquet's et chez Sénéquier ! Je porterais des costumes brillants et des chaussures sur mesure pointues. Je ne mépriserais pas les pauvres, je ne les verrais carrément plus ou alors uniquement sous la forme de gens à mon service et je les confondrais avec leur fonction.

Pourquoi ce stupide droit ne suit-il pas l'évolution numérique en conférant aux blogs la qualité de "fond de commerce", lequel est comme chacun le sait un "immeuble immatériel". Gros nuls de législateurs toujours en retard de deux guerres, je hais les élus.

Savoir s'affirmer quand on n'en a pas besoin.

 Shoemaker story, une série pleine de rebondissements bientôt sur vos écrans !
Episode 1 : Steve cordonnier à Los Angeles est bien embête car il n'a plus de colle. Réussira-il à mettre des semelles sous les chaussures de John l'acteur célèbre ?

C'est sans doute la demande la plus courante que je puisse avoir : "je ne me fais pas confiance, j'aimerais m'affirmer mieux". Cela veut tout et ne rien dire. Le patient veut-il réellement savoir s'affirmer parce qu'il manque cruellement de confiance en lui ? Ou bien est-il simplement un individu normal qui se trouve fragilisé par les incessantes comparaisons qu'il effectue avec d'autres qu'il juge plus performants socialement que lui-même.

S'agissant du second type de patients, la thérapie sera simple puisqu'elle consistera à expliquer que ni la réserve, ni l'introversion ne sont des traits pathologiques. Sans doute que l'occident - et notamment de nos jours où une expression à la limite de l'histrionnisme est favorisée - valorise plus l'extraversion que l'introversion. Pourtant, il n'est pas plus pathologique d'être l'un ou l'autre ; ce ne sont que deux versants de la normalité qui s'expriment chez les individus pour en marquer leurs différences. 

C'est souvent le plus difficile à faire admettre aux gens, comprendre que lorsque l'un est sur scène, une production s'agite backstage et que l'un ne peut fonctionner sans l'autre. Le problème est que tout le monde voudrait être sur scène. Et c'est encore pire depuis que la morale s'est diluée et que l'on n'apprend plus aux enfants que "bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée". Ce n'est pas de l'affirmation de soi que ces personnes viennent chercher mais de l'estime et c'est différent.
Le problème n'est donc pas d'être ce que l'on est mais de l'accepter en sachant s'adapter en connaissant ses limites et en les acceptant. Et reconnaissons que c'est parfois très dur parce que si on fait des séries sur les médecins, les pilotes de chasse, les flics ou les avocats, il n'en existe aucune sur les expert-comptables ou les ingénieurs ! Alors, il est certain que dans une société où l'image compte tellement, il est devenu difficile de s'accepter lorsque l'on n'a pas "la chance" d'appartenir à une catégorie médiatiquement mise en valeur. 

C'est ainsi que les émissions de téléréalité sont pleines de ces gens qui ne s'acceptent pas et refusent de devenir de belles personnes en voulant à tout prix devenir des personnes reconnues et admirées. Chez ces individus qui n'ont pas vraiment de problème d'affirmation se stricto sensu mais plutôt un problème d'acceptation, la dépendance au regard d'autrui est le problème central. Se voir, se contempler même, dans le regard des autres est leur occupation favorite comme si autrui était capable de leur donner l'estime qu'il leur manque.

On admet que l'identité sociale est au point de conjonction entre ce que l'on pense de soi et l'image que les autres nous renvoient de nous. Mais pour en avoir une, il faut déjà savoir ce que l'on pense de soi. Le problème de ces individus est qu'ils ne pensent pas réellement à ce qu'ils sont mais sont perpétuellement axés sur un modèle auquel ils voudraient ressembler. Dès lors, quelle que soit l'image qu'on leur renvoie, l'identité sociale ne peut fonctionner, puisque dans leur cas, elle consisterait à confronter l'image qu'ils voudraient avoir et ce que les autres leurs disent qu'ils sont réellement.

Rien de plus terribles que ces gens qui se construisent ainsi en se bricolant une image et une personnalité bancales. Cela donne à terme des comédiens qui se révèlent sinistres dès qu'ils ne sont plus sur scène. Un producteur de "comiques" m'expliquait ainsi que la plupart des professionnels qu'il avait rencontré se révélaient insupportables et à la limite de la dépression une fois descendus de scène. Il s'agit effectivement de personnes qui ne tiennent debout que pourvu que l'image qu'ils rêvent d'avoir correspond à celle que leur renvoie le public : de pauvres histrions et pathétiques. 


Il n'est pas toujours facile de traiter de telles personnes parce que dans les faits, si les petits garçons ont pu rêver d'être un jour flic, pompier ou pilote, aucun d'eux n'a jamais rêvé de devenir expert-comptable ou ingénieur système. Il y a donc une part de vrai dans leur désarroi dans la mesure où certanes professions ou état sont plus valorisés socialement que d'autres et qu'il est difficile de se construire hors des codes sociaux.

L'important est donc de les valoriser sincèrement. De leur rappeler que quand un valeureux guerrier se couvre de gloire au combat, il a fallu que bien des personnes concourent à l'épopée. Parce que si le valeureux guerrier, souvent de type promouvant, avait compté sur ses seules ressources, il est fort à parier que l'essence, les vivres et les munitions seraient venues à manquer. Jouer le "beau" n'est pas tout dans la vie, encore faut il ne jamais oublier ceux qui nous en donnent les moyens. Vous savez comme ces comédiens qui leur Oscar entre les mains, n'oublient jamais de remercier a production, les techniciens, etc., "sans qui ils n'auraient jamais pu recevoir une telle récompense".

J'interpelle donc aujourd'hui les scénaristes d'Hollywood, en les sommant d'écrire enfin des séries, dans lesquelles les héros cesseront d'exercer des professions trop valorisées pour enfin donner leur chance aux humbles afin qu'eux aussi aient leur heure de gloire ! La vie des experts-comptables, des coiffeurs, des cordonniers, des secrétaires, peut se révéler palpitante mise en scène intelligemment ! Alors messieurs, soyez enfin créatifs et lâchez-nous avec vos héros trop convenus. 

Marre des pilotes de de chasse, des chirurgiens et des flics, donnez nous des gens vrais !!! Aidez les humbles à se supporter ! Aujourd'hui, les brocanteurs relèvent la tête car ils ont Louis, faites en sorte que demain les poissonniers aient Jean-Paul et les coiffeuses Jennifer !

29 octobre, 2010

Troubles somatoformes (3)


Les troubles somatoformes sont présents chez les hommes comme chez les femmes, et dans toutes les cultures. Toutefois, on a pu mesurer plus d'hypocondrie chez les hommes tandis que les femmes seraient plus sujettes aux douleurs chroniques. Dans cette série d'articles, j'ai particulièrement insisté sur ces douleurs chroniques.

Une étude montre que le fait d'être une femme de bas niveau social, avec une consommation de toxiques, des troubles de l'humeur et de l'anxiété ainsi qu'un passé d'abus sexuels ou physiques semblent favoriser l'apparition de troubles somatoformes. On rapporte aussi une grande influence des facteurs environnementaux puisque les patients présentant, à l'âge adulte, un trouble somatoforme auraient eu des parents renforçant l'expression somatique chez eux au détriment de l'expression des émotions. Les parents de ces patients auraient eu, eux-mêmes, souvent des comportements de somatisation. Ce sont donc souvent des personnes issues de milieux durs dans lesquels la plainte ne s'exprime pas et où règne la loi du "marche ou crève".

On a pu retrouver des personnalités pathologiques associées mais de tous types ce qui rend impossible la possibilité de lier les troubles somatoformes à une personnalité définie. On notera toutefois une prévalence des troubles obsessionnels-compulsifs et des traits histrionniques.  En revanche, l'alexithymie est nettement observée chez la plupart des patients présentant des troubles somatoformes.

L'alexithymie [du grec «alpha» (privatif), «lexis» (mot) et «thymos» (humeur)] désigne les difficultés dans l’expression verbale des émotions communément observées parmi les patients présentant des symptômes psychosomatiques. Ces patients ont en commun une difficulté marquée à décrire leurs sentiments, une absence ou une réduction de la vie fantasmatique, et la manifestation de la pensée opératoire.

A cette description,  se sont ajoutés d'autres éléments descriptifs plus discutables, comme : personne ennuyeuse, terne, morne, au fort conformisme social, voire incapable d’éprouver quelque sentiment que ce soit. Ces éléments restent toutefois fondés sur un jugement trop subjectif . En effet, comment définir précisément ce qu’est une personne ennuyeuse ?


En bref, les critères cliniques de l’alexithymie sont ainsi présentés :
  • Description inlassable des symptômes physiques ;
  • Difficulté pour communiquer verbalement les émotions ;
  • Discours répétitif ;
  • Production fantasmatique et onirique pauvre ;
  • Relations interpersonnelles marquées par une forte dépendance, généralement manifestée par une mise à distance.
Cela pourrait montrer comment des perturbations de l’expression des émotions ont un effet sur l’adaptation de l’individu à son milieu. En bref, l’alexithymie semble plus fréquente chez les individus plus âgés ainsi que chez ceux issus de milieux sociaux moins favorisés. En revanche, elle semble indépendante du niveau d’instruction. L’alexithymie est aussi corrélée négativement avec les scores de désidérabilité sociale et de personnalité narcissique.

Tout semble donc indiquer un lien entre le sexe féminin, le milieu social peu favorisé et l'apparence de ces troubles somatoformes d type "douleurs chroniques". L'absence de valeur donnée à l'expression émotionnelle, laquelle est même fortement découragée, amène alors certains patients à parler au travers de symptômes exprimés par leur corps, seul champ d'expression laissé libre par leur milieu.

La notion de milieu social peu favorisé n'est pas corrélé aux moyens financiers dont disposeraient ces milieux mais bien plus à l'aspect culturel. Dans certains milieux plus "frustres" marqués par des valeurs plus "rudes", tout ce qui a trait aux émotions semble relégué au rand de luxe ou de perte de temps. Dès lors, s'exprimer autrement que pour réclamer des attentions basiques (nourriture, soins médicaux ordinaires) relève de l'impossibilité. Qu'une personne dotée d'une grande sensibilité se trouve dans un tex contexte l'amènera à somatiser à défaut de pouvoir s'exprimer. La prise en charge psychologique se révélera aussi très difficile puisque dans ce type de milieux, la psychothérapie est assimilée à un luxe inutile réservé aux oisifs ou aux "fous". 


Ces troubles somatoformes confrontent le médecin à une impasse logique. Tandis que le patient oppose au médecin son vécu subjectif de symptomatologie physique sans jamais aborder sa vie intime, le médecin confronte le patient aux résultats concrets et mesurables des examens complémentaires. qu'il a prescrits Cette confrontation inévitable mais stérile renvoie chacun des deux partenaires dos à dos, égaux dans leur vécu d'impuissance, d'incompréhension, et d'irritation mutuelle. Le patient ne se sent pas "pris au sérieux" ou au mieux se sent "nomadisé" dans différents diagnostics tandis que le médecin doute de la validité des symptômes énoncés par le patient (avec le risque que cela comporte de passer du simple «elle exagère» au plus soupçonneux «il simule»).

Toutefois, il ne s'agit pas de sombrer dans le "psys" pour chaque douleur ou symptôme inexpliqué. Dans un article précédent, j'avais traité du cas d'une patiente dont la jambe avait été sauvée in extremis parce qu'un second médecin consulté par hasard avait su lire une radio présentant une tumeur tandis que le premier était persuadé qu'elle était victime d'un trouble somatoforme. et souhaitait la psychiatriser.

L'importance est donc de ne jamais sombrer dans la trop rapide explication psychosomatique bien commode et permettant au médecin de ne pas chercher trop loin. Les troubles somatoformes existent et sont passionnants à traiter pourvu qu'ils aient été correctement diagnostiqués.


Pour des plus amples renseignements sur ces troubles somatiformes, référez vous aux liens suivants :
Wikipedia
Bibliothèque psy
Revue Medhyg.ch
Pathol08

    28 octobre, 2010

    Troubles somatoformes (2)


    La prise en charge psychologique est donc multiforme, l'important étant de soutenir toute tentative vivant à soutenir l'aspect social de la vie de la personne. 

    J'ai ainsi connu une patiente souffrant d'un grave trouble somatoforme ayant dégradé sa vie professionnelle, pour laquelle un diagnostic de spondylarthrite ankylosante, dont les symptômes ont régressé lorsqu'elle s'est mise à pratiquer un sport pourtant exigeant physiquement le week-end. Les résultats étaient spectaculaires. Tandis qu'elle passait des semaines percluse de douleurs terribles, celles-ci s'envolaient comme par miracle durant les week-ends sportifs pour être remplacés par une saine fatigue et des courbatures classiques. Il s'agisait d'un trouble somatoforme indifférencie qui se caractérise par des plaintes somatiques multiples, variables, persistantes mais ne répondait pas au tableau complet d'une somatisation. Il y avait également absence de trouble organique pouvant expliquer les symptômes même si une mauvaise alimentation (carence en collagène) aurait été un bon début de piste pour comprendre cela.
    Il y a sans nul doute des traits hystériques chez cette personne mais pas au sens ou on l'entend habituellement. Il y a certes une volonté d'attirer l'attention mais cette démarche ne prendra pas l'allure d'un comportement sexuel mais sera orienté autour de la prise en charge d'une douleur morale que l'on n'arrive pas à communiquer et qui se transforme donc en symptômes de conversion. En ce sens, l'hystérie est encore plus difficile à diagnostiquer que d'habitude puisque l'on a face à soi quelqu'un de sérieux et souvent plutôt introverti là où l'on s'attend habituellement à une forme d'hystérie plus classique centrée sur la provocation sexuelle et la labilité émotionnelle. Chez les patients atteints de troubles somatoformes, le corps parle bien plus qu'ils ne le font eux-mêmes.


    Mais, comme dans l'hystérie plus classique, ils semblent vouloir à tout prix éviter de parler d'eux et se contentent d'évoquer rapidement leur vie intime. Certes, ils peuvent se plaindre de leur vie mais le contrôle reprend vite sa place et sa fonction en leur évitant ce qu'ils redoutent : décompenser et déprimer. Pour eux, tout ne va pas si bien mais tout pourrait tellement aller plus mal que ce n'est pas si grave. On note d'ailleurs chez bon nombre de ces patients une vraie prolixité lorsqu'il s'agit de parler de leurs corps, mais une sorte de "belle indifférence" lorsqu'il s'agit d'exprimer les maux de l'âme qui sont toujours tenus à distance ou minimisés.


    Dès lors, ils se contentent souvent de résultats rapides et spectaculaires. Ainsi, pour cette patiente,  le sport peut être un excellent catalyseur dans le sens où cette pratique permet de s'engager dans un processus d'apprentissage apportant de la confiance mais aussi de multiplier les rapports sociaux. Les bénéfices immédiats sont si satisfaisants qu'elle s'en contentait. Le reste de sa vie, les douleurs qui reprenaient les jours de semaine passaient à la trappe dans la mesure où les weekends permettaient une embellie passagère. Comme elle me l'expliqua, le sport lui avait permis de développer plus d'assurance, de confiance en elle-même, de maturité et elle rajouta qu'elle se sentait "moins rêveuse et plus lucide".


    Personnellement, j'étais loin de partager ces prises de conscience. Car si un changement s'était opéré, je ne le trouvais pas forcément très harmonieux. Ma patiente avait troqué une protection contre une autre : la malade chronique était devenue la sportive compulsive mais le fond du problème n'était pour autant jamais abordé. En ce sens, et bien que je ne lui aie pas dit, j'ai toujours pensé que sa pratique sportive était devenue un peu addictive et inconsciente. Pour ma part, je reste toujours suspect face à des engouements aussi massifs et un tel investissement. Lorsque le trop remplace le trop peu, rien n'est vraiment réglé. Et lorsque la sensibilité se masque derrière une dureté de façade, on ne peut pas dire que la psyché soit en meilleur état. Mais on doit sans doute mieux vivre.


    Mais lorsque je tentais d'aborder le fond du problème, la solitude affective, la difficulté à faire part de ses émotions, je n'eus le droit qu'à un sourire de façade bienveillant comme si en tant que psy, je ne pouvais m'empêcher de "jouer le psy" en étant incapable de réellement comprendre. Je retrouvais cette "belle indifférence" et ces symptômes hystériques qui m'avaient échappés lors de nos premières rencontres. On me claquait gentiment la porte au nez en me priant de ne pas insister et en me signifiant qu'on n'avait plus besoin de moi, que toute intervention de ma part serait superflue et mal vécue. Je sentais qu'elle me signifiait que j'étais gentil, qu'elle le savait mais qu'elle n'avait besoin de rien.  A la limite, c'est elle qui aurait voulu m'aider de me faire du souci pour elle. Je n'ai donc pas insisté.


    De fait, malgré une bonne entente réelle, l'alliance thérapeutique n'était sans doute pas suffisamment forte pour que la thérapie porte plus de fruits. Comme bien souvent avec les personnes ayant des traits hystériques, la bonne entente (même si elle peut être excellente) est de façade mais sur le fond, des choses nous échappent, un secret persiste et résiste. C'est un de ces nombreux cas où l'on pourrait aller plus loin mais où l'on se contente de se dire que "c'est déjà bien" en renonçant à la fameuse "toute puissance" même si c'est difficile. C'est assez frustrant mais il ne nous est pas possible de violer psychiquement nos patients même lorsqu'on les sait dissimulateurs. Imaginer que les symptômes physiques aient pour source un conflit psychique leur déplait. Ce sont souvent par leur histoire des gens habitués à la logique : marche ou crève.

    Dans ce même type de cas, j'ai aussi eu le même genre de patiente qui avait cru se "guérir" en tombant amoureuse. Mais son engagement massif, son engouement soudain, son amour immodéré a très vite fait peur à l'élu de son cœur qui a préféré la quitter. En ce sens, comme pour le sport chez la patiente précédente, l'amour n'était pour celle-ci qu'un remède plutôt que quelque chose de vraiment construit et de sain.


    En ce sens, les pratiques visant à augmenter la qualité des rapports sociaux sont des aides précieuses mais ne sauraient remplacer de réelles prises de conscience aussi douloureuses soient-elles. Et même si l'on peut admettre qu'un patient peut se contenter de certains résultats, il serait intéressant qu'il ait conscience qu'il aurait pu aller plus loin même s'il n'y est pas obligé.

    (à suivre)

    Troubles somatoformes (1)


    Pour une médecin, rien de pire que de constater que toute sa science ne sert à rien. Souvent, plutôt que de s'avouer vaincu, il multipliera les examens à l'envi ou pire psychiatrisera le patient soudainement comme on jetterait un rebut dans une poubelle. Dès lors, la psychiatrie n'est plus une aide efficace mais simplement une voie de garage que l'on propose au patient, lequel sera médicalisé sous une autre forme et abandonné à son triste sort. De malade incurable, il devient cas pathologique, son état se détériore jusqu'à son complet dysfonctionnement.

    Évidemment, tous les médecins ne sont pas ainsi, et il en existe d'excellents qui savent rendre la main intelligemment en estimant qu'ils sont allés au bout de leurs compétences et que d'autres peuvent aider leur patient. Leur problème est alors de savoir substituer pour ces patients difficiles une autre forme de traitement sans tomber dans la charlatanerie.

    C'est ainsi que j'hérite parfois de cas agaçants les médecins avec qui je collabore. Ainsi, cette année j'ai eu le droit à une curieuse personne. Il s'agit d'une jeune femme âgée d'une trentaine d'années dont le médecin se plaint. Elle consulte depuis six mois pour des douleurs. Tout d'abord c'est une fibromyalgie qui l'amène à consulter. Le genre de pathologie dont on sait qu'elle existe mais dont on a du mal à savoir pourquoi et comment elle survient. La prise en charge comprendra des piqures de calcium tous les jours. 

    Puis, après que cela soit traité, ce sont des douleurs terribles qui réveillent cette patiente au petit matin. Compte-tenu de la localisation de cette douleur aux hanches, le diagnostic de spondylarthrite ankylosante (SPD) est posé et le traitement mis en place. Comme le mal persiste, des examens sont mis en place et notamment une scintigraphie qui ne révèle aucune trace d'inflammation. Des antidouleurs sont toutefois maintenus. En revanche, devant l'irruption de ces symptômes sans cause, rien n'est proposé au plan psychologique. 

    Le médecin qui me l'envoie se doute que quelque chose ne va pas mais me propose cette patiente comme si il me disait "allez vas-y moi je n'y comprends rien". Pourtant, le diagnostic aurait du être clair et posé assez précisément. Cependant, à force d'en rester au somatique sans s'intéresser au plan psychologique, le médecin connait tout du corps de sa patiente sans rien savoir de sa vie.  Or, même si le concept de maladie psychosomatique doit être manié avec doigté pour ne pas sombrer dans l'explication fourre-tout, il ne faut pas l'obérer. 

    Mais pour ce médecin, par ailleurs excellent praticien, le fait de ne pas trouver est pour lui la preuve que sa patiente n'a rien et qu'elle simule. Et c'est bien là que se pose le problème, à ce carrefour dans lequel on est forcé de se demander si en raison de l'absence de lésions vérifiables, on est en face d'une simulatrice ou d'un autre cas. Le schéma ci-dessous illustre fort bien le chemin à suivre.



    D'un côté le patient est conscient que c'est un processus psychologique qui l'amène à produire ses symptômes et sait qu'il "trompe" le médecin. Et on est face à des simulateurs classiques (demande d'arrêt de travail, etc.) soit pire encore face à des troubles factices que l'on connait mais dont l'origine est inconnue (Munchausen, syndrome de Lasthénie de Ferjol, etc.) et qui seront difficiles à traiter.

    De l'autre coté, la sincérité du patient n'est pas à mettre en doute. Les douleurs sont réelles et il ne peut en expliquer l'origine. Et il n'a aucune conscience qu'il pourrait produire lui-même ses symptômes. Il se trompe de bonne foi et sa détresse est réelle. Il n'a pas conscience de vouloir être pris en charge et  de tenter d'intéresser son entourage par la production de symptômes parce que ces symptômes  existent et il ne les invente pas.

    En ce cas, on est face à un trouble somatoforme qui est une maladie psychosomatique dans laquelle, le corps "parle" à la place du patient. La caractéristique essentielle est l’apparition de symptômes physiques associés à une quête médicale insistante, persistant en dépit de bilans négatifs répétés et de déclarations faites par les médecins selon lesquelles les symptômes n’ont aucune base organique- S’il existe un trouble physique authentique, ce dernier ne permet de rendre compte ni de la nature ou de la gravité des symptômes, ni de la détresse ou des préoccupations du sujet-

    Selon la classification internationale des maladies (CIM-10), les troubles somatoformes sont «caractérisés par des symptômes physiques associés à des demandes d'investigation médicale, persistant malgré des bilans négatifs répétés. La présence avérée d'un trouble physique authentique ne permet pas de rendre compte de la nature ni de la gravité des symptômes du patient. Le patient s'oppose à toute hypothèse psychologique pouvant expliquer ses troubles, même quand le contexte l'évoque ou qu'il existe des symptômes dépressifs ou anxieux manifestes». La CIM-10 spécifie, par ailleurs, «que ces patients présentent souvent un comportement histrionique et essayent d'attirer l'attention d'autrui, notamment quand ils ne réussissent pas à convaincre leur médecin de la nature essentiellement physique de leur maladie et de la nécessité de poursuivre les investigations et les examens complémentaires».

    Les deux grandes classifications utilisées en psychiatrie, à savoir la CIM-10 et le DSM-IV, sont globalement superposables en la matière, hormis en ce qui concerne les troubles de conversion qui sont considérés comme troubles dissociatifs selon la CIM-10 (survenant en relation temporelle étroite avec des événements traumatiques, problèmes insolubles ou insupportables ou relations interpersonnelles difficiles). Selon le DSM-IV, ils sont classés dans les troubles somatoformes. Le critère de troubles histrionnique est donc à prendre avec du recul car si on peut imaginer que la prise en charge par les médecins intéresse la personne, ce n'est pas non plus le seul motif de consultation.
     
    Sont donc communément admis comme étant des troubles somatoformes : la somatisation, le trouble hypocondriaque (incluant la dysmorphophobie), le trouble somatoforme indifférencié, le dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme, le syndrome douloureux somatoforme persistant, et selon les classifications, les troubles de conversion. En bref tous ces maux que l'on ne peut pas nier parce qu'ils existent mais dont on ne connait pas l'origine par des examens médicaux poussés.

    On retrouve dans les troubles somatoformes les troubles somatisation, les troubles de conversion, les troubles douloureux, l'hypocondrie et la peur d'une dysmorphie corporelle (ou dysmorphophobie).
    • Le trouble somatisation : antécédents de plaintes somatiques débutant vers l'âge de 30 ans. Les symptômes surviennent à n'importe quel moment et ne sont jamais produits intentionnellement. Il y a des symptômes douloureux (tête, dos, articulations, extrémités, poitrine, rapports sexuels...), symptômes gastro-intestinaux, symptômes sexuels autre que la douleur et des symptômes pseudoneurologiques.
    • Les troubles de conversion: un ou plusieurs symptômes ou déficits touchant la motricité volontaire ou des fonctions sensitives ou sensorielles suggérant une affection neurologique ou médicale générale. Il y a des facteurs psychologiques associés aux symptômes ou aux déficits (conflits ou autres facteurs de stress). Ils ne sont pas produits intentionnellement.
    • Les troubles douloureux: douleur dans une ou plusieurs localisations anatomiques, d'intensité suffisante pour justifier un examen clinique. Non intentionnels.
    • l'hypocondrie : Crainte d'être atteint d'une maladie grave fondée sur l'interprétation erronée par le sujet de symptômes physiques. C'est une préoccupation persistante non délirante et ce malgré un bilan médical rassurant.
    • La dysmorphophobie : préoccupation concernant un défaut imaginaire de l'apparence ou préoccupation manifestement démesurée d'un léger défaut.
    Tous ces troubles peuvent être à l'origine d'une grande souffrance et entraîner un nomadisme médical pouvant aller jusqu'à l'intervention chirurgicale.


    Dans tous ces cas, lorsqu'aucune piste physiologique n'a été déocuverte, une prise en charge psychologique est nécessaire. Ces troubles seront alors spectaculairement diminué par une thérapie quelle soit sa forme.  Il peut s'agir parfois simplement de retrouver du soutien social. On notera toutefois que quelle soit la forme suivie de thérapie suivie par ce type de patient, l'importance pour eux de s'engager dans un processus au cours duquel elles investissent le thérapeute qui pourra être n'importe quelle personne qu'elles revêtent de cette qualité.

    Il semble que pour ces personnes, l'important soit de s'engager dans un processus, de persévérer et d'y trouver de la reconnaissance. Ainsi, à côté des formes classiques de thérapie comme celle que je pratique, certains patients souffrant de troubles somatoformes trouveront leur équilibre dans la pratique d'une activité associative, d'un sport ou en se mettant en couple.

    L'important, c'est de se souvenir que dans les troubles somatoformes, c'est le corps qui parle à la place du patient et que dès lors, tous les moyens sont bons à envisager pour favoriser l'expression du patient. L'amour, le sport, les activités associatives, par l'engagement qu'ils requièrent sont d'autres formes de thérapies ou plutôt des soutiens à ne pas négliger.

    25 octobre, 2010

    Adresse mail.


    Dans les commentaires récents, on m'a demandé où m'écrire. Je rappelle qu'on peut le faire à pa6712@yahoo.fr. Je précise évidemment que j'oublie la plupart du temps de lire mes mails et qu'une fois lus, j'oublie aussi parfois d'y répondre. Je crois me souvenir que je finis toujours par y répondre. Enfin, il me semble. Je suis évidemment désolé pour les contretemps que ma fainéantise naturelle et mon aversion pour l'organisation provoqueraient.

    En ce qui concerne l'illustration, c'est un marcassin qui court voire qui saute carrément. N'y voyez aucun lien direct avec l'article. Il se trouve que j'adore mettre des illustrations dans mes articles. Mais là, je séchais un peu. J'aurais pu mettre une boite aux lettres, un gif animé représentant une lettre que l'on glisse, etc., en bref une image illustrant parfaitement a notion de courrier puisque je donne une adresse mail à laquelle m'écrire.
    Mais j'ai trouvé cela facile et assez laid. Alors j'ai choisi une voie plus créative et moins convenue : j'ai mis un marcassin. Voilà, vous savez tout. Merci de m'avoir lu.

    Jeanne est malheureuse !


    Hier, j'ai fait ce que je ne fais jamais : j'ai regardé 7 à 8 ! Un des reportages portait sur les grévistes empêchant l'accès aux raffineries. Je savais déjà que cela allait m'énerver de voir ces abrutis nous prendre en otage pour la conservation de leurs acquis sociaux mais tant pis, j'ai été super courageux, j'ai affronté le réel et j'ai regardé tout le reportage.

    Déjà, j'ai été très étonné. Là, où je m'attendais à voir des salariés de Total en grève, on ne m'a montré que des cheminots et des postiers. J'ai trouvé cela étrange. Qu'un cheminot ne conduise pas son train et qu'un postier ne distribue pas de courriers, je comprends. Mais que ces mêmes personnes aillent mettre le bordel dans une raffinerie, j'ai trouvé cela étonnant ce qui prouve qu'en matière de "mouvements sociaux" comme on dit aujourd'hui, je suis vraiment un puceau. Je n'y connais rien. En bref, moi qui suis psy, si un jour une loi m'ennuie, je peux aller faire un piquet de grève devant une raffinerie pour faire chier tout le monde : je m'en souviendrai.

    J'ai aussi noté la réponse molle de l'étant face à ce type de comportements qui rappelons le sont illégaux. Et j'ai compris que l'état jouait les fiers à bras face à moi, pauvre petit automobiliste, mais était plus circonspects face à des syndicalistes dument encartés. Si on diagnostiquait l'état, on pourrait dire qu'il n'a que de la gueule et on poserait de suite le diagnostic de personnalité narcissique : fort avec les faibles et faible avec les forts. Là, j'ai vu des gendarmes parlementer gentiment puis débloquer le barrage et des manifestants se remettre deux cents mètres plus loin. Pourtant pour les déloger, nul besoin de matraque, un véhicule équipé d'une lance à eau aurait suffit. Parce que quand vous vous retrouvé trempé en pleine nuit par une température de deux degrés, vous rentrez vite chez vous vous mettre au chaud pour ne pas attraper la crève. 

    Parmi les grévistes il y avait Jeanne la postière, habillée avec son joli blouson bleu et jaune. Et elle vitupérait la Jeanne, elle en avait gros sur le cœur et elle avait à  en raconter des choses sur sa vie et ses misères ! Et finalement, alors que j'aurais volontiers baffé Jeanne, je l'ai trouvée plutôt touchante avec ses problèmes.
    Elle nous disait qu'elle gagnait le smic. Je suppose que compte tenu de son ancienneté dans la Poste, elle devait faire un peu plus mais bon ... Et puis qu'elle élevait seule ses trois enfants. Et on la voyait entrer chez elle, une petit pavillon plutôt propret et cosy. Tout ce que l'on voyait à l'écran démentait  un peu toutes les souffrances dont elle faisait état.

    A l'entendre, il n'y avait pas plus malheureuse qu'elle. Mais, même  si  je veux bien l'admettre, elle ne roulait pas sur l'or, on ne peut pas dire que son niveau de vie était comparable à ce que l'on pourrait observer dans les slums de Calcutta. Jeanne avait un travail garanti, une voiture et une petite maison. Certains n'ont pas tout cela et ne revendiquent pourtant pas comme Jeanne le faisait. Jeanne aurait certes pu avoir bien plus mais aussi posséder bien moins. J'ai trouvé que sur ce coup là, Jeanne manquait de sagesse. Mais est-on sage quand on est malheureuse ?!

    Parce que j'ai compris qu'en fait Jeanne était malheureuse. Je ne connais rien de sa vie mais je l'ai imaginée. Jeanne ne manquait ni de caractère ni d'intelligence et pourtant elle n'était que factrice, c'est à dire cadre C dans une administration sans âme. Jeanne, quels qu'en soient les motifs, n'avait donc pas un travail correspondant à ses qualités. Pour x ou y raisons, Jeanne avait été mal orientée. Parce que croyez-moi, je connais des femmes comme Jeanne, qui indépendamment de leur niveau scolaire ont fait de sacrées réussites. Les mauvaises langues voudraient ne voir en Jeanne qu'une feignasse mais c'est faux : Jeanne quand elle fait le piquet de grève, elle y va et elle assure, elle ne manque  pas de courage dans sa lutte. Je suis sur qu'elle est bien plus courageuse que moi, je l'affirme même. Mais moi, je suis heureux !

    Jeanne, sans être un canon, n'était ni belle ni moche mais élevait ses trois enfants seule. Alors j'ai imaginé un divorce pénible. Et l'expérience prouve que souvent de telles femmes épousent des types mous et  dépourvus de caractère dont elles divorcent par la suite. Jeanne devait en avoir gros sur la patate, seule et abandonnée au milieu de le quarantaine.  Est-ce qu'un travail stable et garanti à la Poste compense une vie sans amour ?Est-ce que le plaisir de se retrouver dans une administration vénérable comme la Poste suffit à faire oublier qu'on est seule dans son lit le soir ? Non, bien sur !

    En bref, Jeanne avait des problèmes dont elle n'osait pas parler par pudeur. Elle était malheureuse sans vraiment se l'avouer et plutôt que d'affronter ses douleurs inconscientes, elle préférait les projeter sur un combat social moins exigeant en termes psychiques. Parce que vous l'imaginez bien, il est plus facile de dire qu'on fait grève parce qu'on est mal payé et qu'on ne veut pas partir en retraite deux ans après, que de clamer son mal-être et de réclamer : aimez moi ! Si Jeanne avait vécu à Paris, elle aurait sans doute faire une thérapie. Mais loin là-bas en Normandie, dans des contrées où l'on imagine que la thérapie est un truc pour bobos riches et oisifs, c'est marche ou crève. Alors pour ne pas crever, et faute de mieux, on manifeste. On projète ses problèmes personnels sur la société.

    Jeanne est malheureuse et je la comprends. A mon sens, Jeanne n'utilise pas le meilleur moyen d'aller mieux mais je la comprends aussi. Mais Jeanne m'a remis en tête ce que l'on étudiait en psychopathologie du travail à l'INETOP. En effet, des études ont prouvé que quand on fait grève pour des revendications salariales, c'est que tous les processus de reconnaissance ont échoué.

    Mais il est plus facile de hurler "des sous" que d'implorer "aimez-moi, prouvez-moi que j'existe".

    Message personnel pour aider un ami !


    Hier soir j'ai vu le Gringeot au cours d'un diner. Il m'a pressé de questions sur une des femmes venant régulièrement poster des commentaires sur mon modeste blog. Il voulait savoir si je la connaissais, si je l'avais déjà rencontrée, ce que j'en pensais, etc. Il était comme un jeune chien fou. 

    Je n'ai hélas pas pu le renseigner puisque je ne connais pas la personne qui l'intéresse particulièrement et il était tout dépité. Bien entendu, par discrétion, je ne puis révéler ici même qui est l'élue de son coeur.

    Révéler le nom de l'heureuse élue serait ôter tout espoir aux autres et je ne m'en sens pas le courage car je sais que bon nombre de femmes viennent ici dans le secret espoir de rencontrer le Gringeot !

    Il faut dire que le Gringeot est un beau parti. Fort, doté d'un patrimoine intéressant, né sous le signe du taureau, travailleur, diplômé de l'enseignement supérieur, parlant bien l'anglais l'espagnol et l'allemand (si si), mais aussi nanti d'une vraie sensibilité (mais il ne faut pas lui en parler sinon il vous pète la gueule) c'est un peu un modèle comme en sortaient les chaines de la General Motors dans les années 50 !

    Le Gringeot c'est le mec des années cinquante ! D'ailleurs il est né en 1959 ! Offrez-lui des nourritures riches et saines (saucisse au chou, bourguignon, etc.), des loisirs simples (mécanique, beuverie, baise, etc.) et c'est l'assurance de garder votre Gringeot en bon état durant encore quelques dizaines d'années. Le Gringeot est solide pourvu qu'on respecte scrupuleusement l'usage pour lequel il est fait. Vous éviterez donc d'emmener votre Gringeot à une exposition d'art contemporain, à la Techno-parade ou de tenter un débat à partir d'un article paru dans Télérama. En revanche, je le soupçonne d'être encore capable de rire en écoutant un sketch de Fernand Raynaud. Et n'oublions pas l'aspect pratique puisqu'un simple coup de gant de toilette suffit pour le recoiffer le matin !

    Alors pour lui faire plaisir, je lui ai promis que je passerais ici même un message dans lequel je communiquerais son mail personnel afin que vous puissiez le contacter. Son mail est donc :

    Ecalvo@lavache.com

    Bien, ne vous emballez pas et ne vous jetez pas sur les pages blanches car ce mail n'est pas son vrai nom. Je le soupçonne d'utiliser ce mail anonyme pour de bien vilaines raisons : drague sur les messageries, compte anonyme sur youporn, etc. Mais, je ne dirai rien ! Voilà c'est fait, j'ai rempli mes obligations et j'ai été un ami parfait.

    Ceux et celles qui s'étonneraient de l'illustration de l'article manquent cruellement d'imagination. N'y voyez pas une quelconque réclame pour une foire à la saucisse mais une lourde symbolique que je vous laisse découvrir. Je n'en dirai pas plus car ma pruderie victorienne m'en empêche.

     Plymouth Fury 1959, de l'acier et du chrome, pas de matériaux composites à la con ou de plastoques pourris. 
    Rien que du vrai, du beau, du réel, comme le Gringeot !

    24 octobre, 2010

    Patientes en colère !


    Lundi dernier, une patiente m'a rappelé pour prendre rv alors qu'elle était partie fachée de mon cabinet. Agacée serait peut-être le terme plus adéquat. Elle a un travail qualifié, possède un appartement dans Paris, une famille mais elle est seule. La solitude faisait partie du tableau clinique, un problème parmi d'autres. Je crois que si la thérapie a plutôt bien fonctionné et a porté ses fruits, concernant sa solitude c'est un échec. 

    Parce que sur ce sujet, je me déclare inconpétent. Elle n'est ni mieux ni pire qu'une autre. Elle est intelligente, sympa et sincèrement je ne vois pas ce qu'il l'empêche de rencontrer quelqu'un si ce n'est le fait d'avoir tardé sans doute. Habituellement, on rencontre durant ses études et sur son lieux de travail. A quarante-trois ans, ses études sont loin, et ne reste que le le lieu de travail. Mais qu'y puis-je moi ? Je ne tiens pas une agence matrimoniale. 

    Alors comme elle était partie frustrée et ulcérée de ne pas avoir encore trouvé l'amour, elle a repris un rendez-vous pour discuter de tout cela. On a fait le point. Elle admet que le travail que nous avons fait ensemble a porté ses fruits. Elle est plsu apaisée, ne prend plus d'antidépresseurs, prend mieux soin d'elle et a progressé professionnellement. Elle m'avoue qu'elle est toujours seule.

    Je lui réponds que je le déplore mais que je n'y peux rien. D'un point de vue clinique, il n'y a rien chez elle qui fasse qu'elle ne puisse pas rencontrer un homme. C'est juste un concours de circonstances, le résultat de choix, peut-être l'endroit où elle vit et les gens qu'elle fréquente habituellement. Mais je lui précise que le fait d'être célibataire ne constitue pas en soi une pathologie. Cela arrive à plein de gens. Je précise aussi que l'on pourrait peut-être explorer d'autres pistes si elle le veut mais qu'elle n'a jamais voulu m'écouter. Alors, nous en restons là. Je suppose qu'elle reviendra.

    Voici un mois environ, j'ai eu une autre patient qui est partie du cabinet pour les mêmes motifs. Alors que je lui demandais si elle voulait reprendre rendez-vous, elle m'a dit "non" et est partie fâchée, les larmes aux yeux. Pourtant, elle était déprimée et elle ne l'est plus. Elle vivait sous la terreur d'un ex totalement pathologique (personnalité narcissique) et elle ne le craint plus. Moi, je trouve cela plutôt positif. Mais elle est seule et aura quarante ans dans quelques mois. Qu'y puis-je encore une fois ? Rien. A elle aussi, j'ai proposé des pistes. 

    Curieusement, c'est une femme brillante et très sympathique qui aime les mecs plutôt virils dans le genre motards ou bucherons. Mais comme elle travaille à la télévision, elle s'obstine à fréquenter les soirées de ce milieu. Et c'est bien connu qu'on ne rencontre pas le genre de mecs qu'elle apprécie et qui sauraient l'apprécier dans ce genre de soirée, elle reste seule. En plus, comme dans ces soirées, elle ne représente pas la femme à laquelle les hommes présents s'intéressaient, elle perd de plus en plus confiance en elle. Moi je n'y peux rien. Quand on persiste à vouloir commander une pizza dans un restaurant chinois, on risque de crever de faim encore longtemps. 

    Mais je suis sur, qu'elle aussi reviendra. C'est certain parce que l'on s'entendait très bien. Elle m'en veut juste de ne pas avoir su distordre le réel pour l'adapter à son cas. Elle rêve d'un mec un vrai, tout en ne se sentant pas capable de renoncer à son milieu bobo à paillettes qui la flatte sans qu'elle se l'avoue. Pourtant le réel étant ce qu'il est, les mecs qui lui plairaient et à qui elle pourrait plaire ne seront jamais présents dans ces soirées. Mais bon, je m'en fous, je sais qu'elle reprendra rendez-vous. Sa colère et sa frustration font partie de  la thérapie.

    Au début quand les gens partaient comme cela dépités de mon cabinet, je m'en voulais, m'accusant de ne peut-être pas avoir fait mon boulot correctement. J'étais sans doute dans la toute puissance, collant mes attentes envers moi-même à celles totalement délirantes dont certains de mes patients faisaient preuve.

    J'ai appris que je n'étais pas magicien et que l'équilibre mental ne dépendait pas de ce que l'on avait pas et dont on rêvait et que parfois il fallait se faire une raison : l'espoir fait vivre même s'il n'est jamais récompensé. Je me suis appliqué ma recette à moi-même. Avant, je me sentais frustré de savoir que je pouvais avoir cent idées de livres dans ma tête et de me sentir incapable d'en écrire un seul. Aujourd'hui que je m'accepte en tant que gros branleur, plus apte à rêver qu'à réaliser, tout va mieux. Il y a d'autres sources de satisfaction qu'un livre rédigé.

    "Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles, mais uniquement par manque d'émerveillement.
    G.K. Chesterton

    21 octobre, 2010

    Aider autrui !


    Une de mes amies s'est entichée par hasard d'une fille un peu paumée  rencontrée chez des amis et s'est donné pour mission de la sauver. L'histoire est assez banale de ces personnes extrêmement sensibles qui se laissent contaminer par la fragilité apparente d'autrui. Et si aider un ami dans la peine est sans doute quelque chose de très appréciable, faut-il encore que l'on sache où l'ont met les pieds.
    La bonne volonté ne suffit jamais. Deviner et ressentir le mal être d'autrui ne sont jamais des garanties de succès mais juste la base du métier : l'empathie. Et si l'intuition, la sensibilité et généralement les qualités humaines font les bons psys, il serait dangereux de vouloir pratiquer sans avoir aucune notion de psychopathologie. Parce que tel être que l'on voit dans la douleur peut receler des choses inattendues. Pour ces motifs j'ai d'ailleurs dissuadé cette amie d'aller plus loin dans la relation d'aide mais de se limiter à inciter son amie à consulter un médecin qui ferait le nécessaire. Hélas, il va sans dire que la paumée dont elle s'occupe ne veut pas entendre parler de médecin. Peut-être a-t-elle de mauvais souvenirs, ou encore peut-être est-elle si mal qu'elle n'a pas vraiment d'espoir de s'en sortir.

    Si être présente et rassurante peut être utile à quelqu'un qui va mal, il me semblait dangereux d'aller plus loin dans une relation qui deviendrait thérapeutique. Je déteste me poser en spécialiste et ce d'autant plus que je suis libertarien et que je pense que les gens doivent pouvoir agir comme ils l'entendent. Toutefois, l'étude de la psychopathologie m'aura toujours été utile, non seulement pour diagnostiquer mais aussi et peut-être surtout pour savoir dans quoi j'allais m'engager et connaitre à l'avance les limites que me poserait un "cas". Et encore, je ne suis jamais à l'abri des erreurs du moins, j'aime me le rappeler.

    Je ne connais pas personnellement la personne dont veut s'occuper mon amie. Manifestement, d'après les renseignements que j'ai pu avoir, il pourrait s'agir d'un cas de personnalité limite appelée aussi borderline. Le soir où elle m'en a parlé, cela m'a semblé évident avec le peu de renseignements dont je disposais. Et je n'ai eu qu'à poser des questions ciblées pour que ce diagnostic se précise: tous les critères diagnostics du DSM étaient présents. Mais encore une fois, n'ayant pas vu la personne mais simplement obtenu des renseignements d'un tiers, je ne saurais l'affirmer.

    Le traitement des troubles de la personnalité se révèle extrêmement périlleux. Ce sont d'ailleurs des gens qui consultent peu. S'agissant des personnalités limites, on a à faire à des personnes extrêmement complexes aux comportements impulsifs et souvent déroutantes. Il m'est arrivé d'en suivre et j'ai parfois eu l'impression d'avoir une grenade dégoupillée assise sur le fauteuil en face de moi, ne sachant pas quand elle allait exploser.

    Je ne refuse jamais de les traiter mais je reste extrêmement prudent sur les chances de succès. Je crois pouvoir améliorer les choses mais je mentirais si je me disais capable de les "soigner". Autant, je peux toujours partir gagnant dans des cas d'anxiété ou de dépression classiques,  voire de toxicomanie, autant face à un trouble borderline j'avoue mes limites. Ces patients (souvent des femmes) sont complexes et quand on croit avoir obtenu une victoire, on doit parfois faire face à une défaire qui nous ramène des mois en arrière. 

    En plus ce sont souvent des personnes très touchantes, les émotions à fleur de peau, on a vraiment envie de les aider. Mais ce n'est pas une raison pour songer que ma bonne volonté suffira. Face à ce type de pathologie, je mets toujours un médecin dans l'affaire et c'est encore mieux si c'est un psychiatre parce qu'il est illusoire de penser qu'on y arrivera seul par la parole, la bienveillance ou la gentillesse.

    Les personnalités limites sont très touchantes dans le sens ou leurs attachement sont souvent excessifs et très idéalisés et c'est toujours agréable d'être le sauveur. Il faut aussi savoir qu'à ces attachements massifs succèdent toujours des phases de rejets inattendues souvent accompagnées d'un sentiment chronique de vide, au cours duquel rien n'est possible. Il faut alors être capable d'endurer cela, adoré un jour et détesté et insulté la semaine suivante, en gardant toujours son calme en réfrénant sa propre affectivité pour tenter encore et toujours de comprendre. 

    Et que dire des mensonges répétés et quasi compulsifs qui donnent envie de mettre des claques  au patient limite alors que l'on sait que le mensonge fait partie intégrale de la pathologie et ne peut être considéré comme une faute morale qui nécessiterait un jugement. C'est une autre épreuve à endurer que d'entendre quelqu'un faire comme si tout allait bien, vous raconter des bêtises tout en sachant qu'elle vous ment éhontément.

    Et même lorsque l'on croit que la relation de confiance s'est installée, à la faveur d'un événement quelconque, une parole malheureuse et mal interprétée, une rencontre, ou que sais je encore, le patient peut disparaitre sans jamais revenir ou seulement quelques mois après. Et alors, tout est à recommencer sans vraiment savoir si le succès sera au rendez-vous même si l'on applique les modèles connus comme celui excellent et unanimement reconnu de Young.

    Il y a eu beaucoup de recherches sur cette pathologie. Elle est largement sous-diagnostiquée et on la confond encore souvent avec une simple dépression, des troubles caractériels ou encore un trouble bipolaire. Le diagnostic n'est pas simple à poser. La recherche en neurobiologie a fait des pas immenses en montrant qu'il existait chez ceux qui en sont atteint une lésion du cerveau. Des tests et des examens plus approfondis vont dans ce sens. Dans tous les cas, cela indique que l'on quitte la psychologie pour entrer dans des disciplines bien plus complexes. Et sans doute que d'ici quelques années, un nouveau neuroleptique viendra remplacer avantageusement des thérapies erratiques aux succès incertains même si j'en suis persuadé, une thérapie bien conduite peut vraiment aider pourvu que l'on vise une amélioration notable sans pour autant rêver d'une "guérison". De toutes manière, pourvu que l'on puisse gommer les excès de la pathologie, certaines caractéristiques des borderlines peuvent s'employer : créativité, conscience sociale, passion, authenticité, etc. Il ne s'agit pas de normaliser les gens.

    Tous les apprentis psys ont connu cette phase d'enthousiasme durant laquelle ils se persuadent qu'ils réussiront là où leurs vieux confrères n'ont pas réussi, qu'ils sont meilleurs parce qu'ils ont un œil neuf, des connaissances récentes et cette envie de bien faire. Cette bouffée d'amour pour autrui qui fait que l'on veut pour lui et à sa place, qu'on veut le sauver alors que lui même n'a pas vraiment cette volonté. Nous sommes tous partis un jour comme en 14 la fleur au fusil en songeant qu'on serait de retour à Noël et nous avons tous connus notre Verdun thérapeutique, le cas qui nous laisse exsangue, déçu, dépité, qui nous fait douter de nous même et qui nous fait même songer à raccrocher les gants.

    C'est le prix à payer pour devenir un bon professionnel et l'usage veut que l'on appelle cela renoncer au sentiment de "toute puissance". Mais quoiqu'il en soit, connaissant les troubles limites, tout en ne me posant pas en spécialiste, il ne me viendrait pas à l'idée de traiter un cas pareil sans aucun bagage technique. Parce que là, ce ne sera plus Verdun mais Waterloo.

    Mais, je n'ai jamais voulu décourager les psys en herbe parce que je suis libertarien et aussi parce que je pense qu'on ne pèche jamais par excès d'amour mais simplement par manque.

    20 octobre, 2010

    Scène de vie !

    Ennemi public numero 1 !

    Je revenais de déjeuner vers 14h00, ayant rendez-vous avec le plombier qui devait me refaire la salle de bains du cabinet. Tout à coup, je m'aperçois qu'il n'y a aucune voiture sur la grande avenue. J'avise un groupe d'une dizaine de jeunes. Allez soyons aussi large que les syndicats lorsqu'ils comptent les manifestants, et admettons qu'ils étaient vingt, peut-être vingt-cinq selon Sud.

    Je les ai observés. A vue de nez, pas un ne semblait majeur, c'était juste une brochette de petits branleurs adolescents sortis faire du bazar et rien d'autre. Des fils de grand bourgeois allant au lycée dans un quartier où l'immobilier caracole à 12 000€ le mètre carré, le genre de petits mecs que l'on voit affalés en terrasse dès le premiers beaux jours, un Iphone dans une main et un Blackberry dans l'autre. Ils formaient un petit groupe au milieu de la rue. Jusque là, rien de très grave, quelles que soient nos idées politiques ou nos idéaux, personne n'a oublié que l'on peut être jeune et un peu con. Pour d'autres raisons, moi aussi j'ai joué mon branleur quand j'avais seize ans même si un capricorne est toujours moins branleur que les autres. Dans n'importe quel pays du monde, on aurait envoyé un car de flics pour régler le problème posé par ces jeunes.

    On les aurait rudoyés gentiment et on leur aurait intimé l'ordre de foutre le camp en leur expliquant tout cela était une affaire de grands. Le leader, ou les récalcitrants auraient simplement été conduits au poste où leurs parents seraient venus les chercher en fin de journée. Une manière simple de régler un problème assez simple consistant à fixer des limites aux adolescents en leurs faisant notamment comprendre que l'occupation de l'espace public obéit à des règles strictes et que le droit s'impose à tous. Et de faire comprendre que la "liberté d'aller et venir" est une liberté publique constitutionnelle.

    Mais, comme je vis dans un pays de cons dans lequel la règle de droit ne veut plus dire grand chose depuis longtemps, ce n'est pas ce qui s'est passé. Face à ce groupe d'ados boutonneux, se tenait une jeune commissaire âgée d'une toute petite trentaine d'années, et reconnaissable aux feuilles de chênes qui ornaient son blouson d'uniforme. Le sourire aux lèvres et la voix douce, elle parlementait gentiment avec les jeunes, leur demandant bien poliment de bien vouloir dégager la route.

    Juste derrière elle, un mec en civil aussi discret qu'un clown à un enterrement, se baladait l'air de rien en prenant des photos à la dérobée : ce devait être un petit gars des RG essayant de se fondre dans la foule, le genre de mec habillé comme un jeune mais avec vingt ans de plus et avec un air de conspirateur tel que tout le désigne comme LE flic en civil. Lui, il était super rigolo à voir ! Je l'aurais bien pris en photo avec mon Iphone pour illustrer un article sur le camouflage raté. Il me rappelait furieusement Pierre Richard dans Les compères, quand il tente de dialoguer avec les jeunes en se faisant passer pour un jeune et qu'il entre dans le bar en claquant des doigts et en de disant : "ouah cool la rythmique" (désolé pour mes références cinématographiques merdiques).

    J'écoutais le dialogue entre le leader des jeunes, un petit blond dégingandé à belle gueule et j'ai trouvé qu'il s'exprimait bien. Mais compte-tenu du quartier où j'étais, je ne doutais pas que cette poignée de révolutionnaires imberbes soient tous issus d'excellents milieux et qu'il se retrouvent dans quelques années dans une grande prépa où ils rigoleraient des leurs conneries d'ados. A côté du bellâtre, un comparse assez laid avec une vilaine peau à tendance acnéique tentait vainement d'avoir sa part de gloire alors que je pense qu'il aurait mieux fait d'aller voir un dermato plutôt que de perdre son temps à tenter de voler la vedette à son beau copain qui de toute manière se fera toujours plus de gonzesses que lui.

    En attendant que ces jeunes gens obtempèrent, une centaines de mètres plus loin, quelque flics emmenés eux aussi par un jeune commissaire, un homme cette fois-ci, faisait la circulation déviant cette grande artère vers une totue petite rue adjacente où se formait un monstrueux bouchon.Un taxi klaxonnait pour passer tandis qu'un livreur a envoyé un sonore "j'en ai marre de ce pays de merde" à l'adresse des policiers chargés de faire la circulation. Bien sur l'un d'eux est venu menaçant vers le livreur en lui intimant l'ordre de se calmer. Et comme le mec n'était pas un gosse de riche, qu'il avait un boulot et qu'il n'avait ni envie de se prendre une prune et encore moins de se faire emmener au poste, il a fermé sa gueule.

    Mon plombier après avoir fait la queue durant trente minutes pour avoir du gas-oil m'avait averti que les rues étant bouchées, il ne serait pas à l'heure, on a annulé le rendez-vous. Alors comme j'avais du temps à perdre, je me suis assis en terrasse où j'ai bu un café en contemplant cette scène : des voitures bloquées, un embouteillage monstre et des gens stressés. Je me disais en regardant le livreur qui me semblait plutôt du genre balèze, qu'il aurait suffit de l'envoyer lui tout seul dialoguer avec les jeunes et qu'il se serait montré persuasif avec eux.

    Mais non, pour régler tout cela, il y avait deux commissaires, une poignée de flics en tenue et bien sur ... du dialogue car il est convenu qu'avec un jeune il faut dialoguer. Je me demandais si ces mêmes fonctionnaires de police seraient autant adeptes du dialogue si ils me prenaient en train de conduire en téléphonant ou avec 0,6g d'alcool dans le sang. Je suppose que non.

    Je me suis dit que pour qu'on me foute la paix, j'allais m'acheter un jean slim que je porterais en montrant le haut de mon caleçon, que j'allais avec un feutre rouge me faire de faux boutons d'acné, porter une perruque à cheveux longs et que la prochaine fois qu'un de ces zélés fonctionnaires m'arrêterait, d'une voix de fausset qu'ont souvent les préados en train de muer, je leurs dirais : putain, je suis un jeune en colère et vous zêtes que des fachisses.

    Peut-être seront-ils tentés de dialoguer et de me laisser partir ?

    17 octobre, 2010

    Je ne suis pas mort !


    Non, je ne suis pas mort. D'ailleurs comme les plus malins d'entre vous l'auront constaté, je publiais tous les commentaires. Il se trouve que la semaine dernière, les grèves m'ont contraint à bosser comme un forcené afin de faire mon quota de rendez-vous. Et comme ma chère ligne B, repaire de fainénants de chez Sud ne fonctionnait plus, il a fallu que j'y aille en voiture.

    Or aller aujourd'hui de banlieue à Paris, alors même que je n'ai que huit kilomètres à parcourir, relève aujourd'hui du parcours du combattant grâce à Monsieur Delanoë et ses sbires qui se sont ingénié à rendre l'accès à la capitale extrêmement difficile. C'est ainsi qu'à la porte d'Orléans, trois voies se transforment une seule voie. Je pense que si j'avais été maire de Montrouge, et donc élu de droite, j'aurais rendu la politesse au maire de Paris en rendant extrêmement difficile la sortie de Paris par ma commune.  Et parce que je suis très joueur, j'aurais appelé tous mes petits amis des nombreuses communes UMP bordant Paris à faire de même. Parce que chacun le sait : pour jouer au con, c'est toujours mieux à plusieurs ! 

    Tant et si bien que pour avoir une chance d'arriver à l'heure à mes rendez-vous sans passer des heures dans ma voiture, il fallait que je parte de chez moi à 6h20 le matin. Comme j'ai de plus en plus de rendez-vous, je me suis tapé des journées non-stop 9h00-22h00. Et le soir venu, je m'endormais comme un bébé. Ce d'autant plus qu'étant couche-tard, mes quatre heures de sommeil quotidienne ne m'ont pas vraiment reposé. En bref, les grèves ne m'auront pas vraiment dérangé. Et puis, c'est assez plaisant de se retrouver à 7h30, une fois la voiture garée, dans mon quartier bobo, seul ou presque à une terrasse de café ; et tout aussi plaisant de repartir le soir vers 22h30 en voyant les cafés et les restaurant presque vides. La ruine menace, le chaos s'annonce mais ils font comme si tout allait bien.

    Alors vendredi, mon jour de relâche, j'ai décidé de ne rien faire et de ne pas écrire.  J'ai juste fait le plein de mes voitures sachant que les "événements dégénéreraient" du côté des raffineries. Bien m'en a pris d'être prévoyant puisque je croise des queues stupéfiantes aux stations-services.

    Et ce week-end, comme l'hiver arrive, j'ai fendu du bois. C'est une activité que je n'avais jamais pratiquée. Je m'en faisais une montagne alors que c'est très simple. Je me disais que ce serait un travail de romain alors qu'en fait, avec une bonne masse et des coins très affutés, n'importe quelle bille de bois se fend en quelques coups. Je crois que de moi-même, je n'aurais même pas eu le courage de le faire, estimant la tâche au-delà de mes capacités. Je me serais contenté de regarder la montagne de bois en me disant "putain, je n'y arriverai pas fais chier, allez zou je file écrire sur mon blog !".

    Et puis, vendredi après-midi, un ami est venu et m'a montré. Il a chopé une bille, l'a mise en place, a pris la masse et positionné le coin, et crac en trois coups, le monstre a été fendu. En gros, il suffisait de s'y mettre, ce que je savais déjà. Cet article sans grand intérêt sera donc l'occasion de méditer sur cette phrase de Sénèque :

    "Celui qui doit déplacer une montagne doit commencer par les petites pierres"

    11 octobre, 2010

    Quel pensum !


    Pfff, cela faisait longtemps que je n'étais pas allé sur Facebook. Quel pensum ce truc, quelle plaie, quel truc nul, pourquoi y ai-je ouvert un profil. Ah si, je m'en souviens, parce que je ne sais plus qui avait insisté pour que j'y vienne. Pour y faire quoi, je n'en sais rien. Parce qu'après avoir écrit mon prénom, mon nom, mon statut marital et mon boulot et y avoir inséré une photo assez naze, je n'ai pas su quoi y faire.

    J'ai reçu des demandes auxquelles j'ai toujours répondu positivement. Même quand je connais à peine les gens ou que je n'en ai pas grand chose à faire, je ne me vois pas refuser une demande d'amitié. C'est mon côté "trop gentil" ça ! C'est vachement dur de dire à quelqu'un qui vous tend la main d'aller se faire foutre, sauf le matin dans le RER quand celui qui vous tend la main vient de massacrer La vie en rose sur un violon désaccordé. Là, je ne donne rien. Mais sur Facebook, vous imaginez ? Un pauvre gars, ou une pauvre fille, qui dans sa nuit solitaire, fait une recherche, tombe sur votre profil et vous envoie un "Veux-tu être mon ami ?". Comment lui refuser d'illuminer sa triste vie par votre simple présence ?

    Et le niveau des échanges ! Là, j'ai accepté en amie une demoiselle que je n'avais pas croisée depuis 1994, et qui ne me manquait pas vraiment. Elle a du avoir une promotion et pouvoir enfin s'offrir un ordinateur et une connexion internet ! Et hop, elle se colle sur Facebook et inévitablement me propose d'être son ami, ce que je n'ose pas lui refuser.

    Un autre jour que j'avais débarqué sur Facebook et que j'avais vu qu'une amie venait d'écrire quelque chose, j'avais cliqué et étais tombé sur ce que l'on appelle son "mur", c'est à dire l'endroit où elle se répandait avec ses ami(e)s. J'avais été atterré par l'extrême médiocrité des échanges. Ce n'était que blagues foireuses et mièvrerie dignes d'une classe de CPPN dans un collège de sous-préfecture d'une lointaine province que le TGV ne desservirait pas encore. J'avais trouvé tous ses amis que je ne connaissais pas, très laids et complètement idiots. J'avais presque l'impression de regarder par le trou de la serrure pour regarder ce que je n'aurais jamais du voir, de surprendre un moment d'intimité un peu triste et sordide, comme en montre l'émission Confessions intimes sur TF1.

    Quand j'apprécie les gens, je crois que je pense plus de bien d'eux-mêmes qu'il n'en pensent eux-mêmes vis à vis d'eux. Et Facebook, en les montrant dans leur triste réalité me les fait paraitre  vraiment moins bien que je n'imaginais. J'ai un côté "metteur en scène" terrible. Autant dans ma vie professionnelle, j'y fais très attention en ne tombant jamais dans le piège de la fameuse "toute puissance". Autant dans ma vie privée, il m'arrive de ne pas y faire attention en exigeant souvent des gens qu'ils correspondent aux rêves que j'ai pour eux. J'ai conscience d'être très pénible avec cela.
    Il faut soit que je cesse d'être idéaliste soit que je ferme mon profil Facebook. La seconde solution me semble plus facile à mettre en œuvre.

    10 octobre, 2010

    Une chose à la fois !



    Aujourd'hui, j'ai tronçonné du bois pour l'hiver. J'avais la Mc Culloch et je sciais des billes de bois énormes. Si vous m'aviez vu, vous auriez cru voir Charles Bronson dans un de ces nanars où il fend du bois en faisant admirer ses muscles, sauf que je suis plus grand que lui et que comme moi j'ai un un taf, je peux m'offrir une tronçonneuse au lieu d'en chier avec une masse et des coins. Je pense d'ailleurs que s'il était passé dans les parages, il n'aurait pas joué le malin, il aurait vite compris qu'il y avait une vraie brute et que c'était moi. Grand seigneur, je lui aurais sans doute donné un billet de cinq euros pour qu'il passe le balai sur le trottoir : ça il peut le faire.

    Si je vous parle de ça, c'est qu'en fait je déteste toutes ces activités super viriles. Je dois avoir un côté fille parce que tous ces trucs que les mecs sont sensés aimer moi, ça m'emmerde. Et puis, plus que ça, pour me remuer c'est plus difficile que si on voulait déménager la Tour Eiffel. Pff, pour me décoller le cul du canapé et me faire cesser de lire, il faut au moins deux heures. Mais bon, après on ne m'arrête plus.

    En revanche, je suis mono-tâche. Là, je m'occupe du bois et je ne passerai à autre chose que quand le bois sera débité, découpé et rangé pour l'hiver. Après seulement, je passerai à autre chose. Et ça, les gens super réactifs ne comprennent pas. Ainsi, on me propose de co-animer une formation que je devrais rédiger. Bon, à la base, le travail n'est pas difficile. Je sens qu'en une journée à peine, je suis capable de rendre un travail impeccable qui nous vaudra plein d'argent et même les honneurs.

    Mais bon, la personne qui attend cela de moi ne comprend pas que pour déplacer un vaisseau de lourd tonnage, il faut du temps. Une fois en pleine mer, les machines à fond, j'aurai un bon rendement. Mais en attendant, il faut qu'on me tire, qu'on me décolle du quai, sinon pff, que dalle ! Et ça énerve la personne qui souhaite faire cette formation avec moi et qui voudrait qu'un vieux capricorne comme moi soit par exemple, aussi réactif qu'un gémeaux. Pff, moi je suis doué pour écrire des traités qui font autorité pas pour faire du journalisme. C'est pas pareil ! Moi, je vais au bout du truc, je ne survole pas ! Et puis, je ne suis pas du genre à trop aimer la nouveauté. Je ne suis pas non plus le mec le plus adaptable du monde.

    Sinon, j'ai aussi un autre projet avec une autre personne. Mais là, à priori ça semble mieux parti parce qu'elle semble fonctionner comme moi. Elle me comprendra un peu mieux. Il faut dire que c'est une capricorne aussi. Et puis le projet me tient à cœur, parce que si on le mène à bout, en plus de nous rapporter plein d'argent, il y aura de la gloire à la clé. Quoique, je n'en sais rien. Parce que si le truc marchait, en fait il faudrait se faire interviewer par des journalistes et que je les déteste. J'ai assisté une fois à une conférence de presse pour une chaine de télé. Quand je suis intervenu, j'ai été docte et froid et pas du tout sympa. Ça allait contre le but recherché qui était d'être un peu putassier avec les journaleuses plutôt connes qui ne maitrisaient pas le sujet. La directrice des programmes me regardaient avec des yeux ronds et n priant sans doute pour que je ferme ma gueule.

    Et puis sinon, j'ai aussi un super projet de livre que je fais tout seul dans mon coin qui pourrait être une vraie tuerie. Un truc super bien pensé pour profiler n'importe quel quidam. et ensuite le manipuler tranquillement. J'ai fait le plan, je le trouve super. En plus c'est super novateur. Je n'ai plus qu'à m'y mettre mais là, c'est le plus dur. Ce n'est pas que je manque de temps ou que je n'aime pas faire ça. J'écris assez facilement et cela ne me coûte guère. Mais bon, faut que je m'y mette et ça c'est dur.

    Et puis avant de penser à tout cela, faut que j'ai fini de ranger le bois pour l'hiver. Chaque chose en son temps et une chose à la fois !

    07 octobre, 2010

    Bienvenue en France !


    L'autre soir, une salariée d'origine anglo-saxonne qui me consulte depuis quelques temps se plaint de son directeur général. Elle travaille dans une sorte de "machin" para-étatique co-financé par je ne sais quel ministère et autre instance de l'ONU. Mais, elle y croit et elle est bosseuse. Son rêve, c'était de venir chez nous parce qu'on lui a vendu notre pays comme étant la patrie des arts et de l'intelligence. Malheureusement, ses références historiques datent un peu et pour elle l'histoire de France s'arrête dans les années cinquante. Elle n'a pas vraiment saisi la suite des événements.

    Je l'écoute se plaindre de son directeur. Ainsi, elle est outrée qu'il lui fasse rédiger l'éditorial mensuel qui sera publié dans leur journal et qu'il se contente de signer en lisant à peine ce qu'elle a écrit. Elle m'explique que non seulement ce n'est pas sérieux mais qu'en plus c'est illégal, elle semble tout bonnement shocking par cette pratique abusive. Elle se plaint aussi du manque de travail chronique de ce dirigeant qui passe sa vie en mission, c'est à dire qu'il se balade dans le monde entier aux frais de la princesse, selon l'expression consacrée.

    Son courroux me faire sourire. On croirait une petite fille qui découvre le monde. Mais bon, c'est simplement une anglo-saxonne qui découvre la réalité française. Elle est un peu comme ces touristes occidentaux en visite dans la défunte URSS lorsqu'ils voulaient déjeuner, entraient dans des restaurants vides et qu'ils se voyaient répondre : "désolé, nous sommes complets". C'est vrai que la pratique était choquante pour un occidental mais vu du côté moscovite, quand on sait que quelque soit son travail, on sera payé très médiocrement, pourquoi bosser ? D'ailleurs, je crois qu'à l'époque, ces salariés disaient : "ils font semblant de nous payer et on fait semblant de travailler". Travailler en France pour qui vient d'un pays anglo-saxon c'est donc faire un bond culturel et maîtriser des spécificités bien de chez nous.

    Je prends tout d'abord mon DSM, petit manuel dans lequel figurent toutes les pathologies mentales. Je lui donne lecture des traits diagnostiques de la personnalité narcissique que vous retrouverez ici. Son directeur les a presque tous puisqu'elle le reconnait dans huit des neufs critères utilisés pour diagnostiquer cette personnalité. Je lui explique alors comment fonctionnent ces personnes afin de lui faire perdre tout espoir de nouer un jour des relations fructueuses et honnêtes avec son directeur. Demander à un narcissique d'être empathique relève de l'impossible. On compose avec ces "malades" mais bon ne peut guère espérer échanger loyalement avec eux.

    Et puis, comme je suis français et que je vis en France depuis quarante-trois ans, j'ai aussi ma petite idée sur ce fameux personnage dont elle se plaint. Un type qui fait semblant de bosser dans un machin para-étatique où il sera grassement payé à se baguenauder dans le monde entier aux frais du contribuable et qui se paierait en plus le luxe d'être arrogant, cela vous dit quelque chose ? Alors, je demande fielleusement à ma patiente : "dites moi votre directeur, ne serait-il pas énarque en plus d'être narcissique ?".

    Elle sourit et me répond qu'effectivement c'est un énarque et qu'elle a déjà entendu parler en mal de notre grande école nationale d'administration. Je lui explique alors fielleusement qu'elle est mal tombée. Que si son poste l'intéresse, elle a intérêt à y passer encore une année, le temps de parfaire son cv puis de se barrer sous d'autres horizons plus cléments. Que la France en plus d'être le pays des vins et des fromages, est aussi celui des énarques.
    Bienvenue en France !