GCM est un malin qui sait faire de bonnes affaires. Alors, il a acheté un salon pour le prix modique de 40 € sur Ebay. Sauf que lesdits meubles étaient en vente au fin fond de la Moselle, près de l'Alsace et de la frontière allemande. Très exactement à
Arzviller, un joli patelin situé dans le trou du cul du monde.
Cette grosse pince ayant considéré que la location d'une camionnette nuirait au coût de revient de l'excellente affaire qu'il avait faite, il nous a mis à contribution. Et comme nous sommes des petits gars bien, Le Gringeot et moi, l'avons accompagné. Le Gringeot a prêté sa camionnette et moi, j'ai suivi parce que je suis friand de road-movie et que je pensais qu'on pourrait bien rigoler en se baladant dans la France profonde.
Nous sommes partis le samedi matin à neuf heures, avec une heure de retard parce que GCM ne s'était pas réveillé. Nous pensions revenir sur le coup de dix-neuf heures mais, nous ne sommes rentrés qu'à cinq heures du matin.
Comme nous avions donné rendez-vous à Laurence à treize heures à l'entrée de Foug, il a fallu rouler vite, ce qui veut dire cent dix kilomètres à l'heure avec l'épave du Gringeot. On a juste fait une pause à Vitry-le-François dans la Marne, une ville pas terrible mais pas trop moche tout de même vu qu'ayant été bombardée durant la seconde guerre mondiale, ils ont fait ce qu'ils ont pu pour lui conserver une apparence honorable.
Ensuite on s'est magné sur la N4 ! Après Saint-Dizier, on quitte la Champagne pour entrer en Lorraine et la N4 est toute pourrie, bordée d'éoliennes laides et bourrée de nids de poule sur lesquels notre camionnette pourrie sans amortisseurs rebondissait dangereusement. Mais bon, nous étions à l'heure dite à Foug, même que c'est Laurence qui était en retard. Il faut dire que GCM et moi, avions l'œil rivé sur le GPS et que nous engueulions le Gringeot dès qu'il faisait mine de ralentir. L'heure c'est l'heure ! Les lorrains, c'est pas des sudistes, c'est précis, faut pas déconner avec eux !
Ce qui est marrant c'est comme l'autoradio ne marchait pas dans le camion, le Gringeot nous a chanté plein de trucs de sa grosse voix grave. Le plus rigolo reste tout de même son répertoire parce que c'est marrant de voir cette brute chanter "Adieu jolie Candy" ! Ensuite, il nous a fait du C Jérôme, du France Gall et même des tas d'autres trucs. GCM et moi, on était sûr qu'il avait des cassettes audio planquées dans la boîte à gant. Vous savez ces cassettes qu'on trouve en vente dans les stations service ! Mais on n'a pas osé fouiller !
Je suis monté dans la bagnole de Laurence et elle nous a fait faire le tour de Foug et de ses curiosités : la maison brûlée avec les arbres qui poussent dedans, les rues qui finissent en pleine forêt et les boutiques fermées le long de la rue commerçante qui porte le joli nom de rue François Mitterrand vu que Foug c'est une ville de rouges ! Moi, je leur aurais bien montré le maison du mec qui a mis un distributeur de boissons à la place du portillon de son jardin, mais on n'avait pas trop le temps vu qu'on devait aller bouffer à Toul.
Arrivés à Toul, il a fallu garer le camion qui est très grand. On a trouvé une super place et nous sommes sortis, pas rasés et habillés en dégueulasses vu qu'on était venus pour jouer les déménageurs et non pour jouer les joli-coeurs dans les restaus huppés de Toul. On s'est alors baladé comme une bande de gros dégueulasses dans le centre ville pour trouver un restau correct. Mais bon, on s'en foutait d'être sales comme des peignes vu qu'on est parisiens et qu'on sera toujours mieux que les péquenots locaux. Ça c'est le défaut des parisiens, on se prend pas pour de la merde. Et on a raison. Parce que le business, hein ? Il est où ?
D'ailleurs, les touloises semblaient nous trouver beaux gosses vu comment elles nous mataient. A moins que ce ne soit parce qu'on était crades. Ou alors peut-être que Toul c'est si petit et que tout le monde se connait, et qu'on avait déjà été repérés comme étant des étrangers ?
A un moment, on est passé devant un rade,
L'espace gourmand, et à l'intérieur il y avait quelques tables de gonzesses. Et même que quand on est passé devant, elles avaient leur regard rivé sur nous. GCM tout excité à l'idée de trousser de la provinciale, voulait à tout prix aller y bouffer. Et le Gringeot, fin observateur, grand connaisseur des femmes et ethnologue patenté, en a vite déduit que les "touloises devaient aimer la bite". Ce qui n'est pas gentil du tout, notamment parce que Laurence qui était avec nous est justement née à Toul et que ces détails intimes ne nous regarde pas vraiment.
Mais le Gringeot qui a des goûts de luxe n'a rien voulu savoir et n'a pas voulu bouffer dans ce rade. Il nous a trainé dans un restau un plus chicos que les autres : Le bouchon lyonnais, dont je vous parlerai plus tard. Moi, je trouvais ça un peu con d'être en Lorraine pour aller bouffer dans un restau lyonnais, un peu comme aller manger une choucroute sur le vieux port à Marseille. Mais comme le Gringeot est très fort et qu'en plus il était propriétaire de la camionnette, on a trouvé son idée super, et on l'a suivi. Et puis, on s'en foutait vu que c'était GCM qui réglait la note. Le restau était plus joli et très cher et on trouvait ça sympa de bouffer comme des chancres et de boire comme des trous à ses frais.
Bien mal nous en a pris, parce que GCM et moi, nous avons pris une simple entrecôte qui n'avait rien de lyonnaise. On nous a amené une assiette immense avec un drôle de morceau de barbaque tout moche accompagné de patates à l'eau ornée d'un bouquet de persil. Moi, j'aime pas trop le persil alors je l'ai lourdé dans l'assiette du Gringeot qui était assis à côté de moi. Lui, il avait commandé des rognons et semblait satisfait et mangeait comme un goret, sa serviette accrochée autour du cou. Mais bon comme il vit comme un vieux célibataire, dès qu'on lui sert un plat mitonné, il est content parce que ça le change de ses boîtes de saucisses-lentilles de chez ED !
GCM et moi, qui aimons la viande, on tirait la gueule devant nos entrecôtes. Déjà, elles n'étaient pas saignantes mais nazes. Et puis, elle avait pas de goût cette entrecôte ! On aurait dit de la viande bouillie. A un moment j'ai songé à tout faire renvoyer en cuisine mais je ne l'ai pas fait parce que le Gringeot ne cessait pas de mater la patronne et que je me suis dit que j'allais lui casser son coup si il avait une ouverture.
Alors on a bouffé notre viande merdique. Ça devait être du bœuf ukrainien élevé du côté de Tchernobyl, une race spéciale à trois pattes et deux têtes dopée à l'isotope radioactif. Le genre de merde qui doit filer la leucémie ou un truc grave et fait péter les compteurs Geiger dès qu'on en a bouffé dix grammes. Putain que c'était mauvais ! Et les patates à l'eau ne rattrapaient rien. Je ne connais pas la recette mais si la taulière cherche un nom, qu'elle les appelle "pommes de terre stalag" parce que c'est ce qu'on devait servir dans là-bas !
En revanche, le "Côte de Toul" rouge était très gouleyant. Si dans le coin, ils étaient plus dynamiques, ils en vendraient ailleurs qu'en Lorraine. Ça a un goût de petit Bourgogne tout en étant aussi léger qu'un vin de Loire. Enfin, c'est ce que j'ai trouvé mais je ne suis pas œnologue, je bois ce qu'on me sert. On serait bien restés tranquilles à tiser comme des gorets mais il fallait reprendre la route. Alors, on est parti. Le Gringeot était triste parce qu'il ne savait toujours pas si la patronne était célibataire ou pas ! Lui, il se voyait déjà passer la nuit là au dessus du restau et pourquoi, pas s'établir en bourgeois à Toul comme propriétaire d'un restaurant lyonnais.
Le cou de cygne du Gringeot ! Comme on est assez traine-culs, on a décidé d'aller prendre un dessert au Café des Sports sur la place des Trois Évêchés, le centre névralgique de la mégalopole qu'est Toul. Putain, il a fallu attendre une plombe ! Comme je me demandais où était passé le petit personnel, Laurence m'a dit que la serveuse était derrière nous, tranquillement assise sur les genoux de son mec en train de fumer sa clope et de lui faire des mamours. Le Gringeot, en fin observateur, en a déduit que décidément la touloise devait aimer la bite pour préférer rouler des pelles en public plutôt que de bosser. Laurence n'a rien dit, alors on ne saura jamais vraiment !
On nous a proposé soit des pâtisseries industrielles soit un café gourmand. Vu qu'on est super délicats, on a opté pour le café gourmand, parce qu'on s'imaginait que ce serait bon et qu'on se lécherait ensuite les doigts comme de vieilles chattes. En fait, c'était pas terrible. Y'avait juste un morceau de gâteau au chocolat d'une densité extraordinaire, le genre de truc qui pèse sur l'estomac toute la journée et un petit bol de glace au yaourt un peu aigre. Moi, après mon entrecôte Tchernobyl et ses pommes de terre stalag, je n'ai rien dit parce que je trouvais que c'était dans la note. Mais le Gringeot qui avait bouffé ses rognons tirait la gueule.
Je ne sais pas si les mecs de Toul sont tous au turbin pendant que leurs femmes ou leurs copines sont au café, en tout cas la terrasse était bondée de gonzesses : certaines seules, d'autres avec des enfants. Comme on est des salauds de parisiens et qu'on aime se moquer des péquenots, on imaginait qu'elles étaient toutes fille-mères. Ça donnait un petit côté lumpen-prolétariat assez sympa un peu comme si on avait visité Liverpool ou Manchester ! En plus elles avaient des fringues bizarres à la mode touloise et des coupes de cheveux étranges ! Ça doit être les ravages de la tektonik. Je ne sais pas, je ne suis plus assez jeune pour connaitre toutes ces modes. En tout cas le Gringeot leur trouvait des airs salaces et n'en a pas démordu : il est resté persuadé que la touloise aimait la bite !
Comme on ne pouvait pas non plus passer notre journée à mater les gonzesses et qu'on devait aller chercher les meubles de GCM, on a levé le camp. On s'est barrés sous une pluie battante. On a traversé Nancy, puis des tas d'endroits dont je ne me souviens pas et nous sommes arrivés à Arzviller ! L'endroit était propret et les gens accueillants. On se serait cru dans la Clinique de la forêt noire, une super série médicale low cost qui passait quand j'étais jeune, tellement ça ressemblait à l'Allemagne. Sauf que les gens parlaient français mais avec un accent allemand !
On a été bien reçus mais ces rats ne nous ont même pas offert un café ! Bande d'enculés ! Laurence qui connait la Lorraine m'a dit que ça c'était typique des gens de Moselle qui étaient des ploucs attardés tandis qu'en Meurthe-et-Moselle, où elle vit, les gens sont courtois. Putain de rivalité entre Nancy et Metz ! Moi je veux bien la croire, ceci dit je connais peu la Lorraine. Je connais des trucs historiques parce que je suis cultivé et je sais qu'à certains endroits, les femmes aiment beaucoup la bite parce que mon ami ethnologue le Gringeot me l'a dit. Pour le reste, je ne peux pas me prononcer.
Mais bon, faut être de sacrés rats pour ne pas offrir un café à des gens qui ont fait quatre-cent-cinquante bornes pour acheter des meubles de merde. On s'en fout, GCM se vengera de ces sales vieux en leur mettant une évaluation pourrie sur Ebay ! Ca leur apprendra à ces deux pinces ! Et puis, pas un rat dans le bled, pas âme qui vive, tout était fermé ! Ca nous changeait de Toul et des femmes accortes ! A Arzviller, le Gringeot n'a pas pu dire si les femmes aimaient la bite vu qu'on n'en a pas vues ! Y'avait juste la mémère qui vendait ses meubles à GCM. Mais bon, elle n'entrait pas dans les critères du Gringeot qui aime les quadragénaires à gros seins plutôt que les octogénaires à l'accent guttural. Ça se discute pas !
Ensuite, Laurence qui est sympa nous a accueilli chez elle où nous avons bien baffré et bien bu. Quelques bouteilles de champagne et de Gris de Toul plus tard (consommées avec modération), comme on des gars polis et qu'on n'habite pas à côté tout de même, on a pris congé.
On a repris la N4 direction Paris. Il pleuvait à verse et on n'y voyait rien. C'était un peu inquiétant parce que la camionnette était vraiment pourrie, sans freins et sans amortisseurs, et qu'en plus elle prenait l'eau ce qui fait qu'on avait quelques problèmes électriques. Mais bon, on peut toujours rouler sans jauge d'essence ni compteur de vitesse. On s'en fout on avait un GPS. Et puis, y'avait aussi le Gringeot qui est myope et qui avait pas mal tisé mais qui tenait tout de même à conduire parce qu'il nous dit toujours que "un iveco turbodaily, c'est comme une femme, ça ne se prête pas".
Le Gringeot était tout content et il n'arrêtait pas de chanter à tue-tête des trucs idiots comme à l'aller. On en a encore eu droit à "Adieu jolie Candy", qu'il semble apprécier. Le Gringeot semblait super content, et même tout ravi, sa grosse trogne de tueur éclairée d'un bon sourire. Avec GCM on s'est dit qu'il allait sans doute retourner faire du tourisme sexuel à Toul vu que les touloises semblaient bien lui plaire à cause de leur goût prononcé pour un certain appendice. Après tout, c'est moins loin que la Thaïlande. Mais bon GCM et moi, on n'a rien dit parce qu'on se cramponnait au tableau de bord, pas trop rassurés d'être véhiculés de nuit sous une pluie battante par un myope alcoolisé ayant la tête pleine de rêveries érotiques !
On a fait une pause pour prendre de l'essence à la station Total à Moeurs dans la Marne. Comme y'avait un restaurant Croquade ouvert H24, on a bu un café et on remangé. Par contre, on n'a rien bu parce qu'il est interdit de vendre de l'alcool après vingt-deux heures. GCM et moi, on s'est dit qu'on aurait sûrement mieux bouffé ici qu'au Bouchon Lyonnais de Toul.
Et puis, après, ben on est arrivés à Paris sains et saufs, la tête pleine de souvenirs ! Putain dire qu'en une journée on se sera tapé l'Essonne, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne, la Seine-et-Marne, la Marne, la Haute Marne, la Meuse, la Meurthe-et-Moselle et la Moselle ! Et tout ça sans en faire un plat, pas comme ces voyageurs à la con qui se sentent obligés de nous faire des documentaires chiants dès qu'il pose un pied ailleurs !
Enfin, peut-être qu'après un tel périple, je vais me sentir l'âme d'un Kérouac !
La chanson préférée du Gringeot !