On l'a échappé belle. Un peu plus et on ne pouvait plus boire une seule goutte d'alcool si on devait reprendre le volant. Il faut en effet préciser qu'un taux d'alcoolémie de 0g est impossible médicalement et que le plus bas taux que l'on puisse obtenir est de 0,2g. La prohibition est en marche, pour notre bien à tous.
J'entends déjà les belles âmes me dire que c'est normal et qu'il faut choisir entre boire ou conduire. C'est un fait, nous qui sommes adultes nous le savons, et encore l'oublions-nous parfois. Car même si dans cet article je compte parler des jeunes, il ne faut pas oublier que les moins jeunes boivent aussi.
Je pourrais répondre que celui qui n'a jamais roulé bourré, un peu bourré, ou légèrement bourré me jette la première pierre. Chacun a notamment des souvenirs de jeunesse durant lesquels il a conduit ivre ou est monté dans une voiture conduite par un conducteur presque ivre.
Pour ma part, je me souviens par exemple de la fin d'une soirée, au petit matin, au cours de laquelle, la plupart des participants étaient repartis sur la route dans un état lamentable. Deux d'entre eux, n'avaient même pas réussi à sortir de l'endroit. Le premier avait retourné sa voiture en glissant les deux roues droites dans une descente de garage, tandis que le second s'était pris un des piliers de la grille. Je vous jure qu'on avait bien rigolé.
C'était mal, très très mal, mais nous avions vingt ans. On savait d'ailleurs que c'était mal, vraiment très très mal, parce que nous n'étions pas stupides au point de trouver génial de rouler bourrés. Nous étions d'ailleurs tous en faculté ou dans de grandes écoles, c'est vous dire si nous étions brillants, mais malgré tout, on s'obstinait à boire dans les soirées. On était même tellement vicieux, que pour nous épargner le coût prohibitif de l'alcool en boîte de nuit, on commençait à se
cuiter avant, chez l'un ou chez l'autre !
On s'en foutait parce que justement quand on est jeune, on pense que le monde nous appartient et qu'on est immortel. C'est une pensée stupide, totalement stupide et certains jeunes décédés, un soir qu'ils rentraient de boîte de nuit, sont là pour nous le rappeler. En général ce sont d'ailleurs de fort jolis
cartons faisant intervenir à tous les coups un petit véhicule rempli de jeunes, dont pas un ne réchappe. Ca fait les titres du journal de vingt heures et les parents des disparus créent une association pour alerter l'opinion sur les dangers de l'alcool, et demandent à l'état de durcir la loi !
Même si la démarche de ces parents si durement touchés est compréhensible, elle ne servira à rien ou presque, car les jeunes se foutent bien des lois. Pour eux, se tuer en voiture, c'est vraiment
pas de bol, mais cela n'arrive qu'aux autres ! Alors le lendemain de l'accident, on organise un truc au lycée, on assiste à la messe, on pleure et, sauf pour les plus sensibles, on se dépêche d'oublier. Si les expériences des autres nous étaient utiles, cela se saurait. Enfin, les familles des jeunes victimes auront pu par ce biais, se dire que leurs enfants ne sont pas morts pour rien.
Aujourd'hui, les temps ont changé et à l'alcool, on peut rajouter le
shit. Autres temps, autres consommations, mais les jeunes ne changent pas. Ils restent persuadés qu'ils sont immortels parce qu'ils ont vingt ans et qu'à cet âge, la mort semble loin. Heureusement d'ailleurs qu'elle semble loin, sinon les jeunes seraient une génération de petits vieux précoces, attentifs aux moindres maux.
L'état pourra donc prendre toutes les mesures qu'il souhaite, il ne guérira jamais la jeunesse. Parce que justement la jeunesse est une sorte d'état morbide, qui lorsqu'on le subit ne prévient pas, n'alarme pas ! La jeunesse ne rend pas vraiment malade, ne possède aucun symptôme désagréable, bien au contraire : on est un peu con, parfois très con même pour certains, et on ne le sait pas, bien au contraire on se trouve génial. Les psychologues disent que l'adolescence est
le champ des possibles, alors le jeune explore et tente de trouver ses limites. Il prend des risques, et s'il en réchappe, en retire des expériences. On peut interdire qu'il prenne les risques les plus déments mais on ne peut lui interdire tous les risques, parce qu'en prendre, c'est justement être jeune.
On se croit plus intelligent que nos parents, que les lois, que les règles, que l'univers entier parce que l'on imagine qu'il n'y a que les vieux qui meurent et, que même si on prend des risques, ils n'auront pas de conséquences terribles parce qu'on a l'avenir devant nous pour tout changer, tout réparer. Alors certains se droguent, d'autres boivent, d'autres fument, etc., et tout un chacun, jeune qui se respecte, met sa vie en danger.
L'état le sait d'ailleurs fort bien, qui sait vous interdire de vous tuer en voiture parce que c'est mal, mais qui n'hésitera pas à vous coller un fusil entre les mains pour vous faire monter en ligne. Dans ce cas, d'ailleurs l'état n'a aucun scrupule à tuer tous les fils d'une même famille.
Le jeune est un peu bête, c'est lié à l'âge. Qu'il s'agisse de rouler bourré ou de monter en ligne, il répondra toujours présent. Seules les années finissent par guérir de la jeunesse. Et encore, c'est sans doute la seule maladie dont on reste nostalgique.
L'état pourra bien faire ce qu'il voudra, éduquer, punir, sanctionner, surveiller, supplier, des jeunes mourront toujours en voiture ou en moto. C'est triste mais c'est ainsi, l'objectif zéro mort est impossible. C'est bête et triste de se tuer en voiture un dimanche à l'aube, de retour de boîte de nuit, mais il faut bien que jeunesse se passe. Pour éviter cela, ce n'est pas l'alcool qu'il faudrait interdire, mais la reproduction.
***
Pour tout objet qui t’attire, te sert ou te plaît, représente-toi bien ce qu’il est, en commençant par les choses les plus petites. Si tu aimes un pot de terre, dis-toi : « J’aime un pot de terre. » S’il se casse, tu n’en feras pas une maladie. En serrant dans tes bras ton enfant ou ta femme, dis-toi : « J’embrasse un être humain. » S’ils viennent à mourir, tu n’en seras pas autrement bouleversé.Epictète (50-130) "Le Manuel".